Les Gilets jaunes : la « personnalité » de l’année 2018

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La révolte des « petits Blancs » de la France périphérique


Le mouvement des Gilets jaunes semble s’essouffler, mais la présente période, propice aux bilans de fin d’année, me force à parler de lui. Le mouvement des Gilets jaunes mérite la palme de la « personnalité » de l’année 2018.  


Les Gilets jaunes, ce sont ces millions d’hommes et femmes qui ont voulu faire valoir leur colère et leur lassitude face à leurs conditions, faisant entrer la France dans une véritable crise politique. Si les grandes manifestations (tournant parfois à la violence) ont eu lieu à Paris et à Marseille, ce mouvement émane principalement de la France périphérique, tristement oubliée et laissée aux bons soins d’un système économique féroce. 


La présente administration française, qui applique comme aucune autre avant elle le programme des banquiers, a d’abord voulu jouer la ligne dure. Peu à peu, constatant la popularité du mouvement, elle s’est vue forcée de jeter du lest et d’accepter de donner suite à certaines des revendications du mouvement. Preuve, s’il en est, qu’il faut un rapport de force pour parvenir à arracher quelques concessions aux puissants de ce monde. Les syndicats ont d’ailleurs fini par rallier le mouvement. 


Le mouvement des Gilets jaunes est d’abord né sur le rejet de l’augmentation de la taxe sur les produits énergétiques. Il ne faut y voir ici aucune passion pour la voiture polluante, mais uniquement une volonté de survie. Pour ces millions de gens, une hausse du prélèvement fiscal change tout. N’est-il pas, de surcroît, particulièrement odieux de leur demander à eux de faire leur part alors que le système économique est en soi structurellement nocif pour la planète, et que les mieux nantis ne se gênent pas pour y contribuer allègrement? 


Le mouvement s’est ensuite élargi et a intégré de plus amples revendications, à savoir la hausse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires, le maintien des services publics, l’amélioration de la démocratie et la démission du président Emmanuel Macron. Ce dernier a sauvé sa peau (bien que sa cote de popularité soit descendue à 18 pour cent) par une réponse en soi positive mais électoraliste, acceptant de hausser le salaire minimum, mais il ne faut certainement pas s’attendre à ce qu’il renverse radicalement la dynamique. Son prédécesseur François Hollande avait bien raison de le qualifier de « président des très riches ». Le problème n’a été que remis à plus tard. 


Au-delà de la seule France, ce mouvement est absolument inspirant, et pourrait faire boule-de-neige partout dans le monde, y compris chez nous. N’avons-nous pas vécu une expérience similaire en 2012? D’abord mobilisation étudiante pour rejeter une hausse des droits de scolarité programmée par un gouvernement qui croulait sous les scandales de corruption, le mouvement a peu à peu gagné de très larges couches de la population, si bien qu’il n’était pas rare de voir des gens du troisième âge taper sur leurs casseroles. La suite est connue : les dérapages de certains extrémistes et la manipulation cynique du conflit, pilotée par le gouvernement de Jean Charest, ont eu raison des manifestations. Un an plus tard, le gouvernement suivant a choisi de mettre le couvercle sur la marmite plutôt que de s’appuyer sur cette remarquable énergie populaire. 


Le premier ministre François Legault a récemment affirmé vouloir « éviter ce qui se passe en France ». Il devra être prudent. En 2018, M. Legault est parvenu à être le premier depuis René Lévesque à faire remporter un gouvernement majoritaire à une nouvelle formation politique. Depuis, il surfe sur une lune de miel partiellement due au fait qu’il succède, après 15 ans, au Parti libéral. Alors que Philippe Couillard, moralisateur à souhait, semblait prendre un malin plaisir à vouloir écraser les aspirations du Québec, François Legault a au moins le mérite de ne pas le faire. C’est mince, mais ça semble représenter une bonne bouffée d’air frais à plusieurs Québécois. Ça ne durera cependant pas éternellement. En 2019, la Coalition Avenir Québec sera sous haute surveillance.  


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Simon-Pierre Savard-Tremblay, docteur en socio-économie du développement. Pour me contacter : simonpierre.savardtremblay@ehess.fr



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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).