Les contribuables lavallois ont été floués d’au moins 116 millions $ qu’ils ont payés en trop dans le stratagème de contrats truqués que l’ex-maire Gilles Vaillancourt a orchestré durant 14 ans de règne.
La Ville de Laval a finalement chiffré ses pertes dans le «système Vaillancourt» après avoir évalué son «préjudice global lié à la corruption et à la collusion des contrats» publics de construction octroyés entre 1996 et 2010, selon des documents judiciaires consultés par Le Journal.
Ces renseignements inédits sont récemment venus étayer la réclamation de 22 M$ intentée par la Ville contre l’ancien magnat de la construction Tony Accurso, condamné l’été dernier dans cette affaire à la suite d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption, et trois entreprises qui lui appartenaient.
20 % d’un demi-milliard
Laval «estime que la valeur totale des contrats liés à la construction ayant fait l’objet de collusion et de corruption [...] est d’environ 580 M$», a déclaré sous serment François Boisclair, l’auditeur-enquêteur de la Ville interrogé par la défense en marge de cette poursuite.
Selon la demanderesse, les soumissions de ces contrats d’un demi-milliard de dollars ont été frauduleusement gonflées « d’au moins 20 % » par les participants à ce stratagème de collusion.
Ces dommages de 116 M$ sont le résultat d’une estimation que le témoin Boisclair a qualifiée de conservatrice et qui ne touche pas la totalité des contrats publics octroyés par la Ville durant ces 14 années.
41 millions $ récupérés
Les pertes englobent «des travaux de génie civil, les contrats d’approvisionnement en asphalte [et] en pierre concassée, [...] la réfection de chaussée, ainsi que les contrats à des firmes d’ingénierie», a témoigné M. Boisclair, qui fut embauché par la Ville en 2016 après avoir travaillé comme analyste enquêteur à la commission Charbonneau.
Jusqu’à présent, Laval a récupéré 41 M$, dont la moitié a été versée sur une base volontaire par l’ex-maire et des complices. Elle a intenté 11 poursuites judiciaires totalisant 55 M$ dans ce dossier.
«La Ville continue à déployer les efforts nécessaires pour faire valoir les droits des contribuables lavallois et récupérer le maximum de fonds détournés», a réitéré hier au Journal une porte-parole de la Ville, Anne-Marie Braconnier.
Pour pouvoir participer à ces appels d’offres, dont les gagnants étaient choisis d’avance, les entrepreneurs remettaient une ristourne équivalente à 2 % de la valeur du contrat remporté aux collecteurs de fonds du parti de Vaillancourt.
Ces pots-de-vin ont servi à enrichir celui qu’on surnommait le « maire à vie » et certains de ses comparses, en plus de payer des dépenses électorales.
La Ville soutient que les firmes qui étaient la propriété de Tony Accurso – Construction Louisbourg Ltée, Simard-Beaudry Construction et une compagnie à numéro autrefois appelée Ciments Lavallée ltée – ont obtenu «la plus grande part» du gâteau.
Elles avaient raflé 84 contrats publics d’une valeur totalisant près de 110 M$ et dont une proportion de 20 % fut « injustement payée », d’après la Ville.
Le plus gros coup de l’UPAC
Le stratagème pour voler les Lavallois et collecter des ristournes en argent comptant par Gilles Vaillancourt et sa bande est expliqué dans le livre intitulé Le Monarque, publié l’an dernier aux Éditions du Journal.