PEGIDA QUÉBEC

Mauvaise intention

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Les musulmans ont leur place au Québec

Il faut se méfier des airs innocents : l’encore méconnu Pegida Québec a beau afficher son souci des valeurs démocratiques, il en est le contraire en s’en prenant à l’ensemble de la communauté musulmane. Pourquoi nous blâmer, nous n’avons encore rien fait, lit-on à répétition sur sa page Facebook. Mais ici, c’est l’intention qui compte, dont nos élus, bien silencieux, doivent se préoccuper.
Disons-le franchement : le rassemblement que prévoit la section québécoise du groupe Pegida (Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident) au coeur du « Petit Maghreb » montréalais samedi n’est pas une manifestation, mais une provocation — donc forcément bête, forcément inutile, forcément dangereuse. D’ailleurs, la police sera aux aguets, d’autant qu’une autre manifestation doit tenter de contrer cette marche.

Pegida Québec, créé en janvier dans la foulée du mouvement Pegida qui a, lui, débuté en octobre dans la ville de Dresde, en Allemagne, a beau n’être qu’un groupuscule, il faut s’inquiéter de ses visées, dont témoignent ses méthodes. En se rendant dans le «Petit Maghreb», il s’agit clairement de stigmatiser la communauté musulmane en lui signifiant qu’elle n’a pas sa place au Québec. On est loin ici des débats sur la laïcité, loin encore de la dénonciation de l’extrémisme politique, sous couvert de religion, de certains individus ou d’organisations. Peu importe que ce groupe se proclame « non raciste, non xénophobe, non islamophobe », on est dans l’intolérance à l’état pur.

Le Rassemblement pour la laïcité, connu pour sa vive critique de l’islamisme, a bien compris ces distinctions, lui qui publiait lundi un communiqué pour « dénoncer vigoureusement » la manifestation de samedi. Il suivait ainsi l’exemple de Québec solidaire qui, à deux reprises déjà, a condamné Pegida Québec, notamment dans une longue lettre de sa co-chef, Françoise David, que Le Devoir vient de publier en ligne. Lorsque les premiers échos d’une manifestation en préparation s’étaient fait entendre, début mars, Projet Montréal avait pour sa part incité les Montréalais à ne pas encourager Pegida.

Mais des autres élus, pas un mot. Croit-on que le silence vaut objection ? Ou que l’indifférence annulera l’événement ? L’expérience allemande nous enseigne le contraire. Quand la première manifestation a eu lieu, début octobre, à Dresde, elle a réuni 500 personnes ; trois mois plus tard, début janvier, ils étaient 25 000. Ce n’est qu’alors que les voix politiques se sont fait entendre fortement : la chancelière Angela Merkel dans son message du Nouvel An, puis une cinquantaine de personnalités, dont des ministres en fonction et deux anciens chanceliers, dans une lettre disant « Non à Pegida » publiée dans le quotidien Bild. C’était bien tard pour un message dont le simplisme lui permet de se répandre comme une traînée de poudre, nourrissant le rejet aveugle de l’autre.

Pegida Canada, par exemple, s’inquiète de la venue de réfugiés syriens au Canada, pour lesquels il a fallu des appels pressants des Nations unies avant que le gouvernement Harper agisse enfin. Et encore : 3,2 millions de Syriens, accablés par la guerre et les intégristes, ont fui leur pays, mais le Canada n’en accueillera que 10 000 d’ici trois ans. Il faudrait donc leur fermer les portes, si l’on en croit la philosophie de Pegida ?

Il appartient donc au maire de Montréal, Denis Coderre, de protester contre la manifestation dans le Petit Maghreb. Il appartient par ailleurs au gouvernement du Québec d’encadrer le débat en le prenant enfin lui-même en charge, en le centrant sur la nécessaire laïcité de l’État et en renvoyant les matières de sécurité à la police. Le risque de dérapage devient trop grand.


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