Après des mois de palabres incessantes souvent ponctuées par les mots de la contrariété ou de l'égoïsme national, lors de réunions fréquemment labellisées d'urgentes, les chefs des États qui partagent la monnaie commune ont enfin accouché d'un plan qui évite à la Grèce la banqueroute. Ce faisant, ils viennent d'emprunter la voie qui mène vers davantage de «fédéralisation» de l'économie. Enfin!
C'est un constat et non une opinion. Tout au long de la crise grecque, entrecoupée par les déchéances financières de l'Irlande et du Portugal, les 17 membres de la zone euro ont commis bien des erreurs dont la principale s'appelle: mauvaise appréciation, ou mauvais diagnostic posé sur la Grèce et donc sur les solutions à apporter. N'eût été cette méprise, qui n'avait pas échappé aux plus aguerris des économistes, le drame grec aurait pu être réglé avec moins de mal.
S'il en a été ainsi, c'est d'abord et avant tout à cause, on ne le répétera jamais assez, des freins mis sur la gestion du dossier par Angela Merkel. Pendant plus d'une lune, elle a collé à une opinion publique récalcitrante à l'idée de prêter des milliards à un de ces pays qu'elle regarde de haut parce qu'il fait partie du clan dit du Club Med. Largement partagé par les Allemands, ce sentiment, entretenu avec constance par les tabloïds, nous fournit un premier enseignement: la fibre européenne de ces derniers s'est énormément rétrécie.
Deuxième enseignement? L'accord arrêté avant-hier est la preuve, parmi d'autres, que l'Allemagne est désormais la superpuissance de l'Union européenne. Elle a distancié bien de ses partenaires, certains affaiblis évidemment par le marasme économique. Toujours est-il que Merkel est parvenue à faire plier Nicolas Sarkozy et Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE). Aussi tenace qu'entêtée, elle a obtenu que le secteur privé soit impliqué dans le plan d'aide confectionné pour la Grèce.
Conséquemment, en obligeant des banques et des compagnies d'assurances à gommer une partie des créances qu'elles détiennent et en soulageant quelque peu Athènes, on a pris le risque de voir les agences de notation intervenir encore une fois. En fait, si l'on veut être juste, les agences en question sont condamnées à appeler un chat un chat. Mais encore? Les mécanismes inhérents au plan, on pense notamment au rééchelonnement de la dette, impliquent un défaut partiel, même s'il est temporaire, de la Grèce. Ce que Trichet s'est toujours refusé d'accepter jusqu'à la dernière seconde.
En échange de leur concession sur le flanc du privé, Sarkozy et Trichet ont obtenu satisfaction sur le chapitre de la mutualisation des risques. De quoi s'agit-il? Le Fonds de soutien européen (FESF) va être réformé de fond en comble. À un point tel qu'on parle d'un Fonds monétaire européen, par référence au FMI. Cette institution pourra donc prêter de l'argent, racheter des obligations de pays aux prises avec une tempête financière, etc.
Tout logiquement, dans la foulée, on va assister à davantage de coordination des politiques économiques et budgétaires. On s'attend même à ce qu'un premier pas sur la route qui mène à l'harmonisation fiscale soit inscrit au programme que Merkel et Sarkozy doivent confectionner d'ici le début de l'automne. D'où l'expression employée par certains acteurs de la fédéralisation de l'économie.
Il y a plus d'une dizaine d'années de cela, chacune des nations ayant décidé d'adopter l'euro a abandonné du coup sa politique monétaire. De fait, elles étaient moins souveraines qu'auparavant. Ces derniers jours, elles viennent de franchir une étape très importante: la série de gestes posés annonce un abandon partiel des politiques budgétaires et fiscales. Les gestes en question sont dans le droit fil de la création de l'euro. D'ailleurs, c'est à se demander pourquoi on a attendu une crise majeure pour confectionner les remèdes qui auraient permis de... l'éviter. Reste maintenant à espérer que les dirigeants européens s'attarderont dans les prochains mois à peaufiner des politiques propres à résoudre l'autre problème observé au cours des 18 derniers mois: l'énorme déficit de solidarité au sein de l'Union européenne.
Crise de l'euro
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