QUÉBEC – Les propos anti-québécois de la PDG de Century Mining, l’Américaine Margaret Kent, ont soufflé sur les braises d’un débat qui couve dans la classe politique depuis le dépôt à l’automne 2008 du rapport dévastateur du vérificateur général sur le laxisme gouvernemental envers l’industrie minière.

Dans un reportage de l’émission Enquête de Radio-Canada, on apprend que la compagnie Century Mining n’a versé qu’une infime partie (293 000 $) des 3,5 millions de dollars nécessaire pour restaurer et décontaminer sa mise à ciel ouvert de Sigma-Lamaque à Val-D’Or.
Piégée par la journaliste Julie Vaillancourt à son arrivée à son bureau, Margaret Kent menace d’appeler la police. Elle ajoute en anglais que « si c’est la façon dont vous traitez les patrons, je suis très déçue du Canada français », avant de tourner le dos à la caméra.

Ce langage quasi rhodésien a enflammé l’opposition péquiste et Amir Khadir à l’Assemblée nationale. Le critique péquiste Denis Trottier a attaqué le gouvernement en lui reprochant son laisser-faire total dans le domaine minier, et en particulier pour cette entreprise « qui nous méprise ». « La présidente américain a le culot de nous faire des reproches et menace d’appeler la police. Quand le gouvernement va-t-il récupérer les montants que la compagnie Century Mining nous doit ? »
Amir Khadir estime que le gouvernement Charest fait preuve d’une «incompétence» totale. Photo d’archives Olivier Jean
« République de bananes »
Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a été encore plus mordant dans un point de presse. Il estime que le gouvernement Charest fait preuve d’une « incompétence » totale digne d’une « république de bananes ».
Khadir a notamment accusé le député abitibien Daniel Bernard, du PLQ, ex-directeur général de l’Association de l'exploration minière du Québec, de traduire « une apparence malsaine de conflit d’intérêts ».
Il a rappelé qu’en octobre dernier, celui-ci se promenait dans les corridors de l’Assemblée nationale avec le vice-président aux finances de l’entreprise Osiko, Bryan Coates, pour faire pression en faveur de la mine aurifère de Malartic. Quand on voit ce genre de démarchage, dit-il, « il y a au moins une apparence de conflit d’intérêts ».
Comme c’est souvent le cas, le ministre délégué aux mines, Serge Simard, a semblé coincé dans ce dossier. Il a déclaré en chambre travailler depuis deux ans « pour récupérer les sommes dues par Century Mining ». Des démarches ont été entreprises pour suspendre le permis d’exploitation de la mine, a indiqué le ministre délégué.
Un passé conflictuel
Cette démarche ne changera pas grand-chose puisque la mine a cessé ses opérations depuis plusieurs mois, faisant face à de sérieux problèmes financiers. L’entreprise doit aussi de l’argent au ministère du Revenu et à la Commission de santé et sécurité au travail, précisait l’émission Enquête. La dirigeante de Century Mining n’est pas une étrangère dans le domaine minier canadien. Originaire du Nevada, Margaret Kent est mieux connue par son ancien nom de femme mariée, Peggy Witte, surnommée Miss Peggy dans le milieu des dirigeants miniers.
Selon un article du Canadian Business, elle a acquis une réputation de femme dure et conflictuelle. Elle dirigeait la compagnie aurifère Giant à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest quand un conflit de travail a éclaté en 1992 et durant lequel une bombe a explosé, tuant 9 mineurs.
Le site Giant a par la suite été abandonné, laissant aux autorités publiques l’épineux problème de sa restauration, qui pourrait coûter plusieurs centaines de millions de dollars.
Selon Enquête, le ministère des Ressources naturelles du Québec connaissait la réputation de Century Mining lorsqu’elle a racheté la mine Sigma-Lamaque en 2004. On avait alors exigé le versement de la totalité de la garantie financière de 3,5 millions avant de permettre la réouverture. Mais, de façon encore inexpliquée, cette condition est tombée par la suite.