Le lundi 27 janvier 1975…Pour la première fois de ma vie, je viens de rencontrer la mort, celle de mon père, cette visiteuse inattendue, telle une frappe percutante au plus profond de mon être. Pendant les mois qui suivent, je fais aussi la connaissance d’une autre étrangère, la peur qui dégénère rapidement en anxiété, en obsession de la maladie et de la mort.
Les années passent, emportant avec elles les derniers vestiges laissés par le passage de la mort subite de mon père…jusqu’en mars 2001.Des examens médicaux de routine détectent alors une tension artérielle et un taux de cholestérol élevés. Subitement la boîte à images recule dans le temps et me ramène en 1975. Peu à peu l’angoisse s’installe en moi, entraînant avec elle une obsession envahissante, la panique de la mort refait surface émergeant d’un passé que je croyais disparu à jamais…
Les mois s’écoulent au rythme d’une anxiété qui prend de plus en plus d’emprise sur mes pensées, je me renferme dans le sommeil, le vide s’installe pernicieusement. Une seule solution s’offre à moi, l’hospitalisation. Puis peu à peu, avec de l’aide, je remonte vers la lumière et j’amorce sereinement ma retraite en juin 2003.
C’est au cours des mois suivants que l’idée de m’impliquer à titre de bénévole aux sois des malades à la Maison Michel-Sarrazin fait lentement sa place jusqu’au moment où je me sens prêt en août 2003. Au début, je n’ose y croire tellement ce projet me surprend, moi qui jamais n’aurais pensé franchir ces portes derrière lesquelles des personnes vont inévitablement atteindre la dernière marche.
Descendant depuis quelques semaines le chemin en coude qui conduit aux portes de la Maison, habité à chaque fois par une peur presque inavouée devant l’inconnu, je franchis ces portes qui, il n’y a pas tellement longtemps, symbolisaient mon angoisse profonde Or, à mon grand étonnement, je m’y sens en paix, la chaleur humaine qui s’y dégage est contagieuse. J’y ai rencontré des gens dont la richesse du cœur n’a d’égal que le rayonnement de leur regard.
Bien sûr, en entrant dans la chambre des patients, j’ai pu ressentir toute la douleur, la résignation de ces personnes et l’anxiété des familles aux prises avec le spectre de la mort gravé dans le visage d’un être cher. Mais j’ai rencontré aussi la sérénité et, parfois même le sourire d’un patient. J’ai de plus compris l’importance des petites choses pour ces gens, particulièrement le jour où une patiente de 45 ans, profitant d’une brise bienfaisante qui lui caressait le visage un après-midi où nous l’avions installée dans son lit sur la terrasse, me confie tout en fermant les yeux :«Vous savez, j’aurais dû apprécier cette brise avant, il est trop tard maintenant… »
Le chemin qui m’a conduit jusqu’à la Maison Michel-Sarrazin a été parsemé d’embûches. Toutefois, les leçons de vie que j’y ai reçues pendant les dix années où j’y ai œuvré à titre de bénévole resteront gravées dans ma mémoire toute ma vie tels des trésors inestimables!
Henri Marineau, ex-bénévole auprès des malades en soins palliatifs
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