Montréalais et alors?

Du "petit gars de Shawinigan" au "petit gars de Baie-Comeau",les politiciens ne cessent de revendiquer leur appartenance régionale

Québec 2007 - la bataille des régions



On reproche au chef du Parti québécois, André Boisclair, de vivre depuis toujours à Montréal, d'être un urbain cosmopolite et pour cela déconnecté des régions du Québec. Être né à Montréal est-il un handicap pour un politicien québécois?
Autrefois les rois, dont le métier est de régner, étaient appelés à l'étranger sans que leur lieu de naissance ne cause problème. Ainsi, par exemple, les Bourbons ont régné à différents moments de l'histoire en France, en Italie, en Espagne, en Pologne, en Écosse et au Brésil.
Aujourd'hui, le même phénomène s'observe chez les patrons de multinationales qui sont appelés à aller travailler dans toutes les grandes villes du monde peu importe l'endroit où ils sont nés. En politique, ce ne semble pas être le cas, les politiciens exercent le pouvoir de l'endroit d'où ils sont originaires et ne cessent de le revendiquer.
Les politiciens ne se présentent surtout pas comme cosmopolites. Au contraire, ils revendiquent bec et ongles leur appartenance à l'endroit où ils sont nés. Au Canada, ils se font appeler "le petit gars de Shawinigan" comme le premier ministre Jean Chrétien ou "le petit gars de Baie-Comeau" comme le premier ministre Brian Mulroney. Les élites politiques sont souvent affranchies de leurs identités locales ou régionales, mais jouent sur cette corde sensible pour séduire leur électorat, particulièrement ceux en bas de l'échelle sociale, les plus dominés socialement, qui ont davantage besoin de repères venant de leur coin, de leur région ou de leur nation.
Rat des villes et rat des champs
Il est évident qu'il est plus payant politiquement d'être né en région. Aux États-Unis, mieux vaut venir de la Géorgie, comme Jimmy Carter, de la Californie, comme Ronald Reagan, ou de l'Arkansas, comme Bill Clinton, plutôt que de venir de la côte Est, qui est associée aux élites traditionnelles. Les présidents Bush père et fils le savent bien eux qui, même s'ils sont tous les deux nés en Nouvelle-Angleterre, ont toujours revendiqué leur appartenance au Texas.
Un politicien ne peut pas se permettre de plaire seulement aux habitants de la métropole. Il ne veut pas paraître comme un urbain aveugle et sourd aux besoins des régions. Le ministre canadien Pierre Pettigrew l'a appris à ses dépens lorsqu'il a choqué l'opinion publique québécoise en utilisant l'expression "Québec profond", expression qu'il avait pourtant empruntée au président français Charles de Gaulle qui parlait de la "France profonde". Pour montrer son attachement au monde rural, le politicien peut même aller jusqu'à traire une vache sur le plateau de télévision du Point J à TVA comme l'a fait le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, ou scier du bois devant les caméras comme l'a fait le premier ministre français Michel Rocard.
Dis-moi où tu es né
Pour le politicien, son lieu de naissance est devenu un argument politique à son avantage ou son désavantage. Dans toutes les campagnes électorales, on ne manque jamais de souligner, si c'est le cas, que le politicien est né dans le coin comme si c'était une garantie pour que l'élu se soucie des "gens d'ici" ou du moins plus que quelqu'un qui viendrait de "là-bas". Si ce n'est pas le cas, il se fera reprocher d'être un parachuté.
Est-ce qu'un politicien né en région va mieux défendre les intérêts des régions qu'un politicien né à Montréal? C'est aussi stupide que de penser qu'un médecin est plus compétent s'il a déjà été malade! Jean Charest est né à Sherbrooke, André Boisclair est né à Montréal et Mario Dumont est né à Rivière-du-Loup et alors? Les éléments biographiques ne doivent pas éclipser les idées politiques.
Arcand, Philippe Bernier

L'auteur est candidat à la maîtrise en administra-tion publique à l'ENAP.


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