Tout indique qu’un nouvel affrontement se prépare entre le Parti libéral du Québec (PLQ) et la députée Fatima Houda-Pepin, sur la position du parti en matière de laïcité de l’État, selon ce qu’a appris La Presse canadienne.
Le comité chargé de préparer un rapport sur la question, dirigé par le député Gilles Ouimet, prévoit de conclure ses travaux samedi, lors d’une ultime rencontre à Montréal, avant de faire entériner la nouvelle position du parti par les députés libéraux lundi après-midi, à Québec, à l’occasion d’un caucus spécial. Il est prévu que la députée assiste à ces deux rencontres.
D’après les informations recueillies de diverses sources proches du dossier, la position globale qui sera adoptée par le parti ne répondra pas aux exigences formulées en novembre par la députée de La Pinière, au moment où elle avait dénoncé publiquement la position libérale sur les signes religieux et le tchador, qu’elle jugeait contraire au principe de l’égalité des femmes et à l’approche traditionnelle de son parti quant à l’équilibre entre droits individuels et droits collectifs. « Il est permis d’interdire quand l’intérêt public l’exige », écrivait-elle alors, en rappelant qu’un gouvernement libéral avait déjà dans le passé accepté de limiter les droits pour le bien commun.
Pas d’interdiction
Or le PLQ de Philippe Couillard a choisi de s’en tenir à la ligne dure sur la question des droits de la personne et de la liberté religieuse : pas question d’adhérer à une logique d’interdiction des signes religieux, même pour les employés de l’État ayant un pouvoir coercitif (policiers, agents correctionnels et juges). Mme Houda-Pepin tenait pourtant mordicus à cette limitation. Au moment de sa sortie publique, M. Couillard avait réagi en acceptant d’examiner cette question, pour autant que la Charte des droits soit respectée. Mais le comité a cherché en fait à contourner le problème, sans jamais vraiment envisager la possibilité d’interdire quoi que ce soit à qui que ce soit, confirme une source.
Seule exception jugée acceptable par les libéraux : le visage devra être découvert, pour des raisons de sécurité, d’identification et de communication. En remaniant l’essentiel du projet de loi 94, déposé en 2010 par l’ex-ministre Kathleen Weil mais jamais adopté, on veut privilégier pour les signes religieux — dont le tchador — une approche basée sur les demandes d’accommodement, en fixant des balises qui permettront aux dirigeants des ministères ou organismes d’évaluer ce qui est jugé raisonnable ou non. L’ex-directrice de cabinet de Mme Weil a d’ailleurs été mise à contribution pour rédiger le rapport Ouimet. Ce sera donc un retour à la case départ.
Les libéraux vont proposer d’inscrire le tout dans un projet de loi, qui rappellera les grands principes de « laïcité ouverte » apparaissant déjà dans le projet de loi 94 : respect de la Charte québécoise des droits et libertés, égalité hommes-femmes, neutralité religieuse de l’État. Ils estiment que c’est l’État qui doit être neutre sur le plan religieux et non ses employés par leur tenue vestimentaire. Selon eux, la limitation portant sur le « visage découvert » pour offrir ou recevoir un service de l’État est la seule susceptible de passer le test des tribunaux en regard des chartes.
En parallèle, le PLQ voudra faire la lutte contre l’intégrisme, une préoccupation centrale pour Mme Houda-Pepin depuis des décennies. On parlait d’abord d’un projet de loi, mais on semble désormais pencher davantage vers la rédaction d’un simple plan d’action. On visera à revoir par exemple les exemptions fiscales accordées aux organismes religieux et aux lieux de culte abritant des intégristes. On envisagera aussi d’amender la Loi sur la protection de la jeunesse, de manière à prévenir les mariages forcés et à protéger la confidentialité des dossiers de jeunes plaignantes issues de familles propageant des valeurs intégristes.
La direction du parti cherche surtout à régler cette question controversée au plus tôt, soit avant le caucus précédant la prochaine rentrée parlementaire, qui sera tenu à Saint-Félicien à la fin du mois. L’opposition libérale espère pouvoir enfin recentrer le discours du parti sur l’économie et l’emploi, ce qu’elle n’a pas réussi à faire au cours des derniers mois, monopolisés par le débat sur la charte de la laïcité, sur fond de confusion autour de ses positions sur le tchador.
En novembre, au moment de sa sortie publique qui a failli lui valoir l’expulsion du caucus libéral, Mme Houda-Pepin avait accepté de rentrer dans le rang et de participer aux travaux du comité Ouimet, en posant quelques conditions : que le parti considère d’interdire les signes religieux aux employés de l’État ayant un pouvoir coercitif, que le tchador, symbole d’oppression féminine, soit totalement banni des services publics en toutes circonstances, et qu’elle puisse présenter à ses collègues du caucus le projet de loi de lutte contre l’intégrisme, qu’elle a rédigé en 2011 et actualisé au cours des derniers mois. Dans les trois cas, elle n’aura pas eu gain de cause.
« On ne travaille pas en fonction de Fatima », tranchera une des personnes contactées au parti. Résumée un peu brutalement, on pourrait décrire ainsi l’attitude libérale envers la députée rebelle : si elle reste, tant mieux, si elle part, tant pis.
Divergences autour du ministre St-Arnaud
La première semaine d’audiences en commission sur le projet de charte des valeurs québécoises s’est conclue avec deux demandes contradictoires. L’organisme Québec inclusif a demandé vendredi à la première ministre Pauline Marois d’enlever au ministre Bernard Drainville la responsabilité de ce dossier et de le confier à son collègue de la Justice, Bertrand St-Arnaud. Selon l’organisme, Bernard Drainville ne comprend pas les aspects juridiques de son projet de loi et s’avère incapable de saisir le climat qui existe au Québec depuis le dépôt du projet de loi 60. Au cours de la journée, le critique libéral en matière de justice, Gilles Ouimet, a au contraire lancé un ultimatum au ministre St-Arnaud. Il exige la divulgation des avis juridiques sur lesquels le gouvernement Marois s’appuie pour démontrer la légalité de son projet de charte. « Qu’il les dépose ou qu’il cède sa place ! », a-t-il déclaré. M. St-Arnaud a refusé d’accéder à la demande de son adversaire politique en expliquant que les avis juridiques du gouvernement sont « visés par le secret professionnel ». Il n’a pas l’intention de démissionner.
CHARTE DE LA LAÏCITÉ
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