Ottawa dit être prêt à tout pour sauver le pipeline Trans Mountain

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Crise d'unité canadienne : l'Alberta menace la Colombie-Britannique

Le gouvernement de Justin Trudeau compte évaluer « toutes les options » possibles pour venir en aide à la pétrolière texane Kinder Morgan, confrontée à des délais pour la construction du projet d’expansion de son pipeline Trans Mountain, en raison de l’opposition en Colombie-Britannique. Pendant ce temps, l’Alberta promet d’agir avec « agressivité » pour défendre les intérêts de l’industrie des sables bitumineux.


Au lendemain de l’annonce de la suspension des investissements pour la construction du pipeline qui doit rallier la côte ouest, Ottawa a multiplié lundi les interventions favorables à ce projet de 7,4 milliards de dollars. Après le gouvernement albertain de Rachel Notley dimanche, le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jim Carr, a lui aussi évoqué la possibilité d’offrir un soutien financier public pour éviter l’abandon du projet Trans Mountain, au nom de « l’intérêt national du Canada ».


« Notre gouvernement examine activement toutes les options à sa disposition pour faire avancer ce projet, qu’elles soient réglementaires, juridiques ou financières. Nous travaillerons de concert avec tous les partenaires de bonne volonté. Ce pipeline va se construire », a ainsi souligné le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jim Carr, dans une réponse écrite transmise à La Presse canadienne.




Source: Office national de l'énergie


De passage à Montréal pour confirmer l’intention de son gouvernement d’investir dans le prolongement du réseau du métro, le premier ministre Justin Trudeau a réaffirmé que la décision de construire un tel pipeline revient à Ottawa, et non aux provinces. « C’est dans l’intérêt de tous les Canadiens qu’on ait de nouveaux marchés pour nos produits pétroliers. On est prisonniers du marché américain et, à cause de ça, on fait bien moins d’argent pour nos ressources que l’on devrait. C’est un moteur économique important pas seulement pour l’ouest du pays, mais pour tout le pays », a-t-il ajouté.


M. Trudeau n’a pas évoqué directement une aide financière du fédéral, mais n’a pas non plus rejeté cette option pour défendre le projet approuvé en 2016 par son gouvernement. Le président-directeur général de Kinder Morgan, Steve Kean, a d’ailleurs affirmé lundi que son entreprise est ouverte à recevoir du financement public si cela garantit que le pipeline sera construit.


Soutien salutaire


Pour la directrice de l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique de l’Université d’Ottawa, Monica Gattinger, « un investissement financier public », qu’il vienne de l’Alberta ou du gouvernement fédéral, serait une très bonne nouvelle pour Kinder Morgan, qui a déjà injecté 1,1 milliard de dollars dans son projet. « Ce geste pourrait fournir une marge de manoeuvre aux marchés afin qu’ils puissent attendre de voir la conclusion des processus légaux en cours. On pourrait donc avoir un éclairage légal définitif sur le projet, sans que l’investisseur soit obligé d’y mettre fin. »


Plus largement, le cas de Trans Mountain pourrait selon elle permettre de statuer, « une fois pour toutes », sur la possibilité ou non pour une province de bloquer un tel projet. Fermement opposé au projet qui fera transiter chaque année près de 325 millions de barils de pétrole brut sur son territoire, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé en février son intention de demander aux tribunaux de statuer sur la possibilité de restreindre la croissance du transport maritime de pétrole brut. Si Victoria obtenait gain de cause, le projet Trans Mountain ne pourrait pas aller de l’avant.


Professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et spécialiste du droit constitutionnel, David Robitaille estime toutefois que Kinder Morgan pourrait contester des mesures qu’elle jugerait « excessives », et qui auraient pour effet de « bloquer » son projet. « Est-ce que les conditions imposées par la Colombie-Britannique sont assez graves pour constituer une entrave constitutionnelle ? C’est à l’entreprise de le prouver devant un tribunal, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent. »


Spécialiste des politiques énergétiques gouvernementales, Jean-Thomas Bernard juge pour sa part que « le gouvernement Trudeau se trouve dans une situation politique très délicate », malgré les sorties publiques en apparence confiantes pour la réalisation du projet d’expansion de Trans Mountain.


Selon lui, Ottawa pourrait demander un avis à la Cour suprême, afin de savoir s’il peut effectivement imposer la construction d’un pipeline interprovincial, comme il le prétend. Après tout, dit-il, le gouvernement canadien a approuvé le projet à la suite d’un processus d’évaluation qui respecte la réglementation en vigueur.


Mais les libéraux devront aussi évaluer le « coût » politique d’une telle bataille contre la Colombie-Britannique, surtout dans une province qui compte 18 députés du Parti libéral du Canada. « Je ne suis pas très optimiste pour la possibilité d’une entente dans ce dossier, surtout si la province tient son bout », a laissé tomber M. Bernard lundi.


Visiblement exaspérée du blocage de la province voisine, l’Alberta a cependant promis lundi de lutter avec « agressivité » pour défendre le projet de la pétrolière texane. La première ministre, Rachel Notley, a carrément menacé de réduire la quantité de pétrole acheminée en Colombie-Britannique, si son homologue John Horgan continue de s’y opposer. Une telle mesure de représailles pourrait faire monter le prix de l’essence en flèche.


PROJET DE LONGUE HALEINE


Évalué par Kinder Morgan à 7,4 milliards, le projet d’expansion Trans Mountain, qui doublerait le pipeline existant sur 1150 kilomètres, est dans l’air depuis au moins le milieu des années 2000. À l’époque, le cours du pétrole brut était en pleine ascension, passant de 57 $US à 87 $US en moins d’un an, ce qui était de bon augure pour quiconque voulait développer de nouveaux projets afin d’en exporter la production. Le projet repose aussi sur la construction d’une vingtaine de grands réservoirs en Alberta et à Burnaby, en Colombie-Britannique. « Avec l’augmentation de production dans les sables bitumineux de l’Alberta au cours des prochaines années, de nouveaux marchés et de nouvelles occasions vont s’ouvrir », affirme aujourd’hui la compagnie sur son site Web en mentionnant les pays de l’Asie pacifique. 


> La suite sur Le Devoir.



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