Madame Pauline Marois, je voudrais «dormir tranquille», comme vous dites. Hélas! l'«inéquitable» somnifère que vous m'avez donné n'a aucun effet. Vous voudriez que je «passe à autre chose»; je n'y arrive pas. Nous sommes des dizaines et des dizaines de milliers de Québécois qui souhaitent que vous vous excusiez carrément de l'injustice dont vous avez été complice, et que vous vous engagiez, une fois rendue aux plus hautes fonctions de notre État, à corriger les règlements de notre Assemblée nationale de sorte que nos droits imprescriptibles ne soient plus bafoués. Dans les plus hauts intérêts de notre parti, de ses membres, de nos concitoyens qui méritent mieux que la caricature barbouillée du gouvernement actuel, vous vous devez de prendre cet engagement.
Nous n'allons tout de même pas entreprendre une prochaine campagne électorale avec le boulet du 14 décembre 2000 à votre cheville. La soldatesque fédéraliste aiguise déjà ses couteaux devant l'ambivalence — le mot est faible — de plusieurs députés du PQ incapables de reconnaître que l'Assemblée nationale du Québec, par surcroît unanime, a violé l'une des libertés humaines les plus fondamentales du citoyen, la liberté d'expression. Tout parlementaire sait, ou devrait connaître par coeur, le XIe article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen décrété par l'Assemblée nationale française les 23, 24 et 26 août 1789:
«La libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.»
C'est cette liberté que vous avez bafouée il y a dix ans, avec 108 de vos collègues, dont une poignée eut la décence de s'excuser. Je reconnais que vous avez pris le bon chemin d'une amende honorable en avouant que l'Assemblée nationale n'avait pas été «équitable» à mon endroit. Entre plusieurs mots, vous avez choisi le moindre. Il n'est cependant pas question d'équité (sic) dans l'affaire qui nous préoccupe, c'est-à-dire de partage des torts, comme si j'avais été partie prenante à la motion scélérate. Vous regrettez sans doute d'avoir voté «en vote âme et conscience» pour employer une pieuse expression de l'une de vos collègues de l'époque. Il faut avoir une âme grise et une conscience élastique pour participer sans honte à une «exécution parlementaire» dont il n'existe aucun précédent depuis quatre siècles de l'histoire des démocraties.
Si vous en doutez, prenez le soin de lire le récent ouvrage de Gaston Deschênes sur l'affaire qui porte malheureusement mon nom. Vous serez alors complètement instruite des circonstances qui m'ont valu d'être pendu haut et court par un parlement égaré et ignoblement voué à l'exécration populaire.
Je ne vous souhaite pas ce qui m'est arrivé. Un demi-siècle de services rendus à mes concitoyens de toutes origines jetés à la poubelle de l'histoire. Et vous voulez que «je dorme tranquille et que je passe à autre chose»?
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