Ottawa conteste la souveraineté du peuple

Pour l'exercice du droit à l'autodétermination

Tribune libre

Comme à maintes reprises dans l’histoire du Canada, l’action du gouvernement fédéral suscite le mécontentement au Québec. Dans le cas actuel, c’est la décision d’Ottawa d’intervenir, en Cour supérieure, dans la cause de Keith Henderson, ancien chef du Parti Égalité, qui conteste la loi 99 du Québec qui assure le droit à faire sécession avec une majorité simple de 50% + 1 dans le cadre d’un éventuel référendum, qui produit une levée de boucliers quasi-unanime des partis politiques de l’Assemblée nationale du Québec. À la voix d’Alexandre Cloutier, ministre du Parti québécois (PQ) délégué aux Relations intergouvernementales et à la souveraineté, qui critique ce qu’il juge comme une «attaque sournoise et hypocrite» du gouvernement fédéral s’est jointe celle du chef du Parti libéral du Québec (PLQ), Philippe Couillard, qui a affirmé «qu’il y a un consensus au Québec pour dire que l’avenir du Québec se décide au Québec, par les Québécois» et celle du député de la Coalition avenir Québec (CAQ), Éric Caire, qui a mentionné à propos de l’action mise de l’avant par le fédéral «que c’est politique, très malhabile et politiquement indéfendable». Un tel consensus doit servir de bougie d’allumage à une lutte pour la reconnaissance du respect du principe démocratique fondamental de l’autodétermination des peuples.
Face à la situation actuelle, établissons d’abord un constat : quand il s’agit de débattre et de creuser dans le passé collectif canadien, par exemple quant au rapatriement de la constitution de 1982 récemment soulevé suite à la publication du livre La bataille de Londres. Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel par l’historien québécois Frédéric Bastien (Boréal, 2013), les conservateurs se lèvent et crient haut et fort pour dénoncer ce qui leur apparaît être une tentative créer de la «chicane» inutile et superficielle, mais quand il est question d’une loi assurant la possession de son avenir par le peuple québécois, ils sont prêts à partir en guerre pendant des années s’il le faut. Ce double discours pour le moins contradictoire renvoie non seulement à la mauvaise foi à laquelle les conservateurs nous ont habitué avec les années et plus généralement parlant à la peur latente qui a toujours habitée la fédération canadienne de perdre le Québec; perte qui aurait comme conséquence politico-symbolique de nier le pouvoir suprême du gouvernement fédéral sur l’ensemble des membres de la fédération.
Par ailleurs, face à la situation actuelle, nous sommes collectivement en droit de nous demander depuis quand la formule du 50% + 1 pose-t-elle problème lorsqu’il est question d’un vote ? Pour répondre à cette interrogation simple, il faut aborder la question de «loi sur la clarté référendaire» qui a été promulguée le 13 décembre 1999 par le gouvernement libéral de Jean Chrétien. Cette loi, que l’on doit à Stéphane Dion qui était à l’époque ministre responsable de l’Unité canadienne, représentait un retour de balancier face au vote extrêmement serré du référendum sur la souveraineté du Québec de 1995 qui avait poussé les libéraux à demander à la Cour suprême s’il était légitime que le Québec accède unilatéralement à son indépendance; question à laquelle la cour a répondu le 20 août 1998 que le gouvernement fédéral doit négocier tout en s’assurant que la question référendaire soit claire tout comme les résultats d’un hypothétique futur référendum. À mon avis, nous devrions collectivement interroger le fondement éminemment politique et intéressé d’une telle loi qui, loin d’ajouter de la clarté du débat mène à une confusion générale autour la question – à laquelle soit dit en passant personne ne répond jamais – de déterminer quel pourcentage du vote serait suffisant afin que le Québec accède à sa souveraineté politique. À cet effet, il faudrait mettre en lumière que les différents partis fédéralistes, ne sont pas neutre lorsque vient le temps d’intervenir dans un débat légal (comme celui que nous vivons à l’heure actuelle) sur l’avenir de la nation québécoise; intervention qui traduit une politisation indue de la sphère judiciaire qui implique un manque de confiance envers la population du Québec à laquelle on cherche à nier sa capacité à se gouverner elle-même.
Que l’on soit pour ou contre l’indépendance du Québec, je pense qu’en contestant la loi 99, le gouvernement conservateur dépasse la simple partisannerie puisqu’il porte atteinte au principe élémentaire, mais pourtant remise en question selon laquelle les Québécois et québécoises sont les seuls concernés lorsqu’il en va de leur avenir national. Qu’il le veuille ou non, le fédéral n’a pas à s’immiscer dans un débat qui n’est pas le sien. Que cette attaque d’Ottawa soit interprétée comme une contestation du droit démocratique fondamental qu’a le peuple de la nation québécoise à tracer lui-même la voie de son propre avenir collectif. À cet effet, rappelons-nous et rappelons aux conservateurs – ou à tout autre individu ou parti qui contesterait le principe de l’autodétermination des peuples – ce que le sociologue Fernand Dumont nous disait en concluant son livre La vigile du Québec en 1971, c’est-à-dire que «[…] pour les peuples comme pour les individus, accéder à l’universel c’est d’abord choisir soi-même la porte d’entrée.» (Bibliothèque québécoise, 2001, p.239)


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 novembre 2013

    Internet regorge de merveilles, votre page de blog le prouve.

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  • Archives de Vigile Répondre

    22 octobre 2013

    La décision du gouvernement canadian de contester la loi 99 est politique malgré les prétentions de défendre les dispositions de la loi sur la clarté et par extension la législation canadienne. Conséquemment, la réaction du gouvernement du Québec doit être politique bien plus que juridique. Une simple motion unanime de l'Assemblée nationale est un geste plus symbolique que politique. Or, l'opportunité est toute grande ouverte de marquer des points, de faire des gains politiques.
    Pour ce faire, les citoyens québécois pourraient être invités lors d'un prochain scrutin à répondre à une question d'administration publique: 'Êtes-vous d'accord avec le fait que si 50% plus un des répondants à la présente question répondent oui, vous n'aurez désormais qu'à remplir une seule déclaration de revenus plutôt que 2 et ce auprès du Gouvernement du Québec?'. Il suffirait d'amender la loi électorale, plutôt que la loi sur les consultations populaires, pour introduire cette disposition et profiter de l'occasion pour rapatrier nos impôts.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 octobre 2013

    Monsieur Beaudoin-Guzzo
    Votre titre aurait eu plus de "punch" avec le mot indépendance au lieu du mot autonomie qui est très réducteur. Bon texte!
    André Gignac 22/10/13