Le mouvement pour l’indépendance est petit mais fait beaucoup de bruit.

Puerto Rico, le prochain État américain ?

Il veut que Puerto Rico devienne comme Cuba.

Élection présidentielle étasuniennes — 2012

Ce n’est pas d’hier que je suis les primaires américaines. La première qui attira mon intérêt fut celle de 1956 où le démocrate Adlai Stevenson fut rechoisi (il l’avait été en 1952) candidat démocrate pour faire face au général Eisenhower. Je me suis alors intéressé à ce processus électoral des USA. C’est toujours une période captivante et intéressante pour celui ou celle qui aime la politique.
Les candidats se livrent des batailles sans merci. Cependant, il y a une limite dans les critiques soit celles qui pourraient éventuellement nuire au parti lors de l’élection présidentielle. Qu’on se rappelle la fameuse primaire Obama-Hillary Clinton qui dura jusqu’à la veille de la convention de 2008. Elle fut mémorable, longue, serrée, difficile et à la limite du respect mutuel. Victorieux, Barack Obama pu, heureusement, profiter de l’appui d’Hillary pour vaincre John McCain. Dans la présente lutte, la limite a été souventes fois franchie et le parti républicain risque d’en subir les mauvaises conséquences en novembre.
Cette année, tout est une question d’argent. Beaucoup d’argent. Des centaines de millions. Pour la première fois, la Cour suprême a permis à des groupes ou des individus de financer des campagnes publicitaires parallèles en faveur ou contre un candidat. Ces campagnes ont été grandement négatives pour salir et détruire le candidat visé. Elles ont surtout été à l’avantage de Mitt Romney et ont littéralement écrasé ses adversaires d’insinuations mensongères.
Vendredi, le 16 mars 2012, les candidats de la primaire républicaine étaient à Puerto Rico, où je séjourne actuellement. Elle est fixée pour aujourd’hui dimanche le 18, alors que 350 000 personnes auront droit de vote.
Puerto Rico a une association de type Commonwealth avec les USA. Les Portoricains ont la nationalité américaine, leurs jeunes sont enrôlés par l’armée américaine, le dollar est la monnaie, les frontières sont américaines, les lois fédérales américaines s’appliquent. La loi est un mélange de droit civil et du common law. Les Portoricains sont 3,5 millions et ne participent pas au suffrage universel pour l’élection du président même s’ils ont droit de vote aux conventions nationales des partis américains (26 délégués du côté des républicains). Par contre, ceux qui vivent aux USA, et ils sont plus nombreux que dans l’île, ont tous les droits.
Il y a ici un mouvement important pour que Puerto Rico devienne un État américain. Des référendums eurent lieu, à cet effet, en 1967, 1993 et 1998. Le résultat du dernier: statu quo : 50,3 % des voix ; État américain : 46,5 % ; Indépendance : 2,5 %. Le mouvement pour l’indépendance est petit mais fait beaucoup de bruit. Il veut que Puerto Rico devienne comme Cuba. J’en connais quelques dirigeants et ce sont des personnes de qualité et très engagées, dont des médecins, ingénieurs, botanistes…
On se rappellera que ces deux îles furent séparées de l’Espagne le même jour, en 1898, après la guerre hispano-américaine lorsque leurs territoires devinrent possessions américaines. Les Cubains contribuèrent grandement à cette guerre sous la direction de José Marti qui fut tué en 1895. Mais Cuba insista pour obtenir son indépendance totale et l’obtint finalement des USA en 1902. Quant à Puerto Rico, il fut annexé aux USA et ce n’est qu’en 1952, qu’il obtint sa constitution et des élections démocratiques, mais la Cour suprême américaine décréta que Puerto Rico est « un territoire rattaché et appartenant aux États-Unis mais non une partie des États-Unis ». Si Puerto Rico devient un État américain, il en sera le plus pauvre, après le Mississipi.
Avant hier, j’ai aperçu le candidat Rick Santorum qui cabalait dans les rues du vieux San Juan. Reconnu pas la masse de croisiéristes américains qui visitent cette vieille ville dans une étape de leur voyage en navire, il donnait l’image d’un candidat populaire. Pourtant quelques heures avant, il créa une polémique à son arrivée lorsqu’il affirma que Puerto Rico ne pourra devenir un État Américain que si l’anglais devient sa seule langue officielle. Actuellement, plus de 85% des portoricains ne parlent que l’espagnol même si avec l’anglais ce sont les langues officielles. Pour se justifier, Santorum invoqua une loi constitutionnelle américaine qui, a-t-il dit, « rend obligatoire la langue anglaise ». Or, il n’y a pas de telle loi. Les observateurs ont interprété la position de Santorum comme ayant été prise pour satisfaire les conservateurs et les teapartyers américains qui n’apprécient pas la croissance de la langue espagnole aux USA. Le lendemain, devant une montée de boucliers dans les médias de Puerto Rico, Santorum changea sa position et affirma que si les Portoricains décidaient de joindre les USA, il serait d’accord. Lequel est le vrai Santorum ?
Intéressé par la participation de Mitt Romney à l’évènement que le Nouveau Parti Progressiste (PNP) portoricain tenait devant le Capitole, où siège le gouvernement de Puerto Rico, je me suis rendu pour l’écouter à cet endroit enchanteur, situé sur la mer, à l’entrée du vieux San Juan.
Jamais n’ai-je vu un tel cirque apparenté plus à un spectacle de Madonna qu’à une réunion politique. C’est devant plus de 2 000 personnes que Mitt Romney et son épouse montèrent sur la scène, accueillis de bruits insoutenables aux airs d’une musique salsa. Campée sous une immense structure de projecteurs, une estrade de plusieurs niveaux était installée sur la scène et réunissait une centaine de politiciens locaux. Puis, les discours commencèrent et les orateurs qui se succédèrent parlaient en criant plus fort l’un que l’autre de leurs voix tonitruantes. Les microphones les captaient et elles étaient amplifiées par dix, au point que je me suis demandé combien de personnes sortiraient de cette assemblée le tympan perforé. Tous parlèrent en espagnol sauf pour quelques phrases dites en langue anglaise pour saluer Romney. En fait, la foule réagissait peu. C’est le régisseur du son qui ajoutait, au bon moment, des applaudissements électroniques accompagnés d’un roulement croissant d’une musique entraînante de plus en plus forte. Et cela se répéta sans cesse lorsque les orateurs, dont la présidente de la Chambre, le président du Sénat et le gouverneur de Puerto Rico, montaient de plus en plus le ton de leur voix à la fin d’un paragraphe pour susciter des applaudissements. On avait l’impression que la foule était en délire, mais il n’en était rien car tout était fabriqué. En fait peu applaudissaient. Un vrai faux rock show !
Il y avait peu de pancartes au nom de Romney. Parsemés de quelques drapeaux américains, les drapeaux portoricains et PNP étaient à l’honneur. Les discours durèrent plus de deux heures et traitaient des réalisations du parti et du nouveau référendum de l’automne prochain sur la possibilité que Puerto Rico devienne un État américain. Le PNP est favorable à l’union et hier soir la plupart des discours roulaient dans ce sens.
Puis, Romney s’approcha enfin du micro après que le gouverneur Fortuno l’ait présenté. Un déferlement inouï du système de son l’accompagna. Romney se montra réjoui d’avoir pu constater la culture portoricaine (sic) et aborda la question de la langue. Alors que la veille, au Mississipi, il avait affirmé que la création d’un nouvel État portoricain était attaché à l’obligation que la langue anglaise soit la langue officielle, le voilà qu’il affirme maintenant que le principe de deux langues officielles serait acceptable. Il justifia la langue anglaise en prétextant qu’elle est officielle depuis 100 ans dans l’île. Or c’est faux, puisqu’avant 1993 seule l’espagnole était officielle. Encore une fois, il citait des faits inexacts et ne prenait position que pour satisfaire la galerie. Lequel est le vrai Romney ?
En terminant, je rappelle le commentaire récent de Barbara Bush, l’épouse du premier président Bush, lorsqu’elle qualifia la présente primaire républicaine de « laide » et de « la pire dont j’ai été témoin ». « Que doivent penser tous les peuples qui nous regardent ? ». En ajoutant « Que faisons-nous ? ». Le passage des deux candidats à Puerto Rico est le plus récent exemple de la mauvaise foi de candidats qui disent n’importe quoi pour gagner des votes. Une vraie honte !
Quant aux Portoricains, ils demeurent divisés sur leur avenir et surtout incertains d’obtenir l’appui de Santorum ou de Romney pour que leur coin du monde devienne le prochain État américain, si l’un deux devait devenir président des États-Unis,
Claude Dupras


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2012

    Je m'interroge si présentement un Puertoricain né dans l'île pourrait accéder à la présidence des États-Unis.
    S'il le peut, il ne pourrait pas voter pour lui-même.
    Obama s'affirme comme un natif d'Hawaï.
    Ironiquement, Hawaï n'a jamais été selon le droit international cédé par traité aux États-Unis. Donc je doute que Obama puisse être éligible pour la position qu'il occupe présentement.