Quand Verdi renverse Berlusconi.. Bravo les Italiens, Avanti !

Questa bella Italia, no é encora perdutta!

Chronique de Marie-Hélène Morot-Sir


"International Psychoanalysispresents the latest scores from the Italian Opera: Verdi defeats Berlusconi" de Jonathan House, article rapporté et commenté ici par Marie-Hélène Morot-Sir

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Le 12 mars dernier, Silvio Berlusconi a dû faire face à la réalité->37393]. L'Italie fêtait le 150ème anniversaire de sa création et [à cette occasion fut donnée, à l'opéra de Rome, une représentation de l'opéra le plus symbolique de cette unification : Nabucco de Giuseppe Verdi, dirigé par Riccardo Muti.

Nabucco de Verdi est une œuvre autant musicale que politique : elle évoque l'épisode de l'esclavage des juifs à Babylone, et le fameux chant « Va pensiero » est celui du Chœur des esclaves opprimés.

En Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du peuple qui, dans les années 1840 - époque où l'opéra fut écrit -, était opprimé par l'empire des Habsbourg, et qui se battit jusqu'à la création de l'Italie unifiée.

Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement. Et ce, alors qu'Alemanno est un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de Berlusconi.

Cette intervention politique, dans un moment culturel des plus symboliques pour l'Italie, allait produire un effet inattendu, d'autant plus que Sylvio Berlusconi en personne assistait à la représentation…

Repris par le Times, Riccardo Muti, le chef d'orchestre, raconte ce qui fut une véritable soirée de révolution : « Au tout début, il y a eu une grande ovation dans le public. Puis nous avons commencé l'opéra. Il se déroula très bien, mais lorsque nous en sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j'ai immédiatement senti que l'atmosphère devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne pouvez pas décrire, mais que vous sentez.

Auparavant, c'est le silence du public qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le Va Pensiero allait démarrer, le silence s'est rempli d'une véritable ferveur.

On pouvait sentir la réaction viscérale du public à la lamentation des esclaves qui chantent : « Oh ma patrie, si belle et perdue ! ».

Alors que le Chœur arrivait à sa fin, dans le public, certains s'écriaient déjà : « Bis ! » Le public commençait à crier « Vive l'Italie ! » et « Vive Verdi ! » Des gens du poulailler (places tout en haut de l'opéra) commencèrent à jeter des papiers remplis de messages patriotiques – certains demandant « Muti, sénateur à vie ».

Bien qu'il l'eut déjà fait une seule fois à La Scala de Milan en 1986, Muti hésita à accorder le « bis » pour le Va pensiero. Pour lui, un opéra doit aller du début à la fin. « Je ne voulais pas faire simplement jouer un bis. Il fallait qu'il y ait une intention particulière. », raconte-t-il.

Mais le public avait déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef d'orchestre s'est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au public et à M. Berlusconi, et voilà ce qui s'est produit (la vidéo commence à ce moment-là)

[Après que les appels pour un "bis" du "Va Pensiero" se soient tus, on entend dans le public : "Longue vie à l'Italie !"]

Le chef d'orchestre Riccardo Muti : Oui, je suis d'accord avec ça, "Longue vie à l'Italie" mais...

[applaudissements]

Muti : Je n'ai plus 30 ans et j'ai vécu ma vie, mais en tant qu'Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j'ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j'acquiesce à votre demande de bis pour le "Va Pensiero" à nouveau. Ce n'est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le Choeur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j'ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l'histoire de l'Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment "belle et perdue".

[Applaudissements à tout rompre, y compris des artistes sur scène]

Muti : Depuis que règne par ici un "climat italien", moi, Muti, je me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant... nous devrions donner du sens à ce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, et avec un Choeur qui a chanté magnifiquement, et qui est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre à nous pour chanter tous ensemble.

C'est alors qu'il invita le public à chanter avec le Chœur des esclaves. « J'ai vu des groupes de gens se lever. Tout l'opéra de Rome s'est levé. Et le Chœur s'est lui aussi levé. Ce fut un moment magique dans l'opéra. »

« Ce soir-là fut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale à l'attention des politiciens. »

Video: http://www.youtube.com/watch?v=7vQ_uQsITko

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Marie-Hélène Morot-Sir151 articles

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Auteur de livres historiques : 1608-2008 Quatre cents hivers, autant d’étés ; Le lys, la rose et la feuille d’érable ; Au cœur de la Nouvelle France - tome I - De Champlain à la grand paix de Montréal ; Au cœur de la Nouvelle France - tome II - Des bords du Saint Laurent au golfe du Mexique ; Au cœur de la Nouvelle France - tome III - Les Amérindiens, ce peuple libre autrefois, qu'est-il devenu? ; Le Canada de A à Z au temps de la Nouvelle France ; De lettres en lettres, année 1912 ; De lettres en lettres, année 1925 ; Un vent étranger souffla sur le Nistakinan août 2018. "Les Femmes à l'ombre del'Histoire" janvier 2020   lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=evnVbdtlyYA

 

 

 





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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2011


    Très émouvant madame Morot-Sir. J'aime l'Italie et les
    Italiens et je regrette pour eux ce qui leur
    arrive. Je leur souhaite de se lever d'un bloc et
    mettre fin au régime exécrable qui les pillent, les
    blessent et les humilient. Comme chez nous, comme en France,aux États Unis et en Angleterre, c'est l'argent qui
    impose sa loi.
    Salutations cordiales.
    René Marcel Sauvé

  • Nosco Répondre

    24 avril 2011

    Merci Mme Morot-Sir, au-delà des scandales Berlusconesque, les Italiens réalisent enfin, je crois, que l’heure du ras-le-bol à sonnée!
    Enfin, peut-être que je rêve, mais il fait bon rêver parfois…
    Après tout, l’Italie n’est pas si loin du Maghreb.
    Nosco

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2011

    Un gros merci Madame pour ce cadeau de Pâques. Je fais mien tous les commentaires antérieurs et je vois que je ne fus pas seul à verser des larmes de plénitude. Merci encore.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2011


    Oh comme c'est beau...
    oh comme c'est beau... LA LIBERTÉ.
    Merci infiniment madame MOROT SIR,
    André Vincent

  • @ Richard Le Hir Répondre

    24 avril 2011

    Mme MOROT-SIR,
    Mille mercis pour nous avoir offert ce si beau cadeau en ce jour de Pâques. Comment rester insensible à ce sursaut du coeur devant l'infamie ?
    Évidemment, les médias à la solde du pouvoir ici comme ailleurs s'étaient bien gardés de nous transmettre cette information qui revêt un caractère avant tout politique. Des fois qu'elle nous donnerait des idées...
    Chose certaine, on le constate, la révolte, qui constitue le prélude à toute révolution, tranquille ou moins tranquille, surgit d'abord dans les coeurs.
    Belle leçon à méditer.
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2011

    Mme. Morot-Sir,
    Y a-t-il au Québec un chef d’orchestre comme M. Riccardo Muti pour frapper avec la musique le cœur des Québécois face à la parade des mensonges institutionnalisés comme nous la vivons présentement. En fait, l’Italie, la France ou le Québec, c’est le même problème de corruption en profondeur que nous vivons, nos élites sont pourris à l’os, les vermines nous dirigent, nous volent à notre nez et à notre barbe, effrontément, d’une manière particulièrement arrogante. L’oligarchie, qui possède nos médias, nous inonde de propagande, de fausses informations. Ils agitent toutes sortes de peurs pour que la population reste agenouillée devant eux. Précisément, dans la campagne électorale actuelle, sachant que le parti Conservateur et les Libéraux ne récolteront pas grand-chose, ils font entrevoir le souriant NPD comme alternative au Bloc Québécois affaiblissant celui-ci et le Québec tout entier pour des lubies, parce que Jack Layton a une bonne tête. Le public a-t-il perdu la raison? Tout ça est une insidieuse propagande propre à affaiblir le Québec devant Ottawa. On nous prend pour les dindons de la farce, Allons-nous leur donner raison?
    Nous assistons présentement à l’éveil de la conscience planétaire. Les populations de différentes nations se lèvent contre l’oppression, c’est la même pour tous, l’oligarchie des banquiers internationaux, les spéculateurs, les financiers, les grandes corporations multinationales. C’est le système capitaliste qui, sans balises, déraille dans l’exploitation des humains. L’effondrement de ce capitalisme prédateur va définitivement provoquer une onde de choc majeure mais nous n’avons pas d’autres choix que de tout faire pour sa destruction. Notre survie en dépend.
    Le chef Riccardo Muti a bien saisi le message de son public et a eu le courage de le supporter. Puissions-nous avoir, ici, un tel chef. Merci Mme. Morot-Sir de nous avoir partagé tout ça.
    Ivan Parent

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2011

    Si les nations esclaves d'Europe se lèvent, il y a encore espoir pour nous.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2011

    Merci Madame,J'ai pleuré parce que je désespere de voir mon pays libre un jour. Oh ma patrie, si belle et perdue!