C’est une fin de non-recevoir qu’a reçue la ministre du Travail du Québec lors de sa visite à Ottawa. Au terme d’une rencontre avec son homologue fédérale, mercredi, Agnès Maltais s’est vue forcée de repartir bredouille, puisqu’Ottawa ne changera rien à sa réforme tant dénoncée.
Malgré les doléances de la ministre québécoise, de même que celles de la Coalition pour l’assurance-emploi de l’Est-du-Québec, qui rencontrait aussi la ministre fédérale Diane Finley mercredi, cette dernière est restée impassible. Sa réponse aux préoccupations de Mme Maltais : le gouvernement fédéral surveillera les impacts de la réforme pour ensuite possiblement y apporter des changements.
« Ça n’a pas de sens ! », a déploré la ministre québécoise, à l’issue de la rencontre de 20 minutes qui a semblé la laisser exaspérée. Car en réponse aux inquiétudes soulevées par Mme Maltais, Mme Finley lui répliquait qu’elle ne comprenait pas la réforme fédérale. « Je pense que j’étais en droit de m’attendre à mieux », a déploré la Québécoise.
Un discours servi aussi à la Coalition, débarquée à Ottawa avec une délégation d’une quarantaine de personnes. « Je ne peux pas croire qu’ils ne nous comprennent pas. Le problème, c’est qu’ils nient », a accusé le président, Bertrand Berger, à la suite de son propre entretien avec Mme Finley, de laquelle il a tracé aussi un bilan « plus que mince ». Pas de moratoire tel que réclamé par Québec, donc. Quant aux études d’impact réclamées par la province, la ministre Finley n’a rien fourni. Mme Maltais a affirmé n’avoir maintenant « aucun doute » qu’il n’y en a pas eu avant de mettre en branle la réforme.
Du côté du gouvernement conservateur, on s’est contenté de réitérer les objectifs de la réforme, soit de jumeler chômeurs et emplois et d’aider les travailleurs à chercher du travail, « une responsabilité qu’ils ont toujours eue ». La ministre Finley n’a pas souhaité quant à elle rencontrer les journalistes, dépêchant plutôt le ministre des Anciens Combattants Steven Blaney, qui a tenu un point de presse de trois minutes. Dans une déclaration envoyée par courriel, elle a d’autre part réitéré que, dans les régions où les emplois sont surtout saisonniers, « l’assurance-emploi continuera à exister comme toujours ».
Ottawa a beau avoir été intransigeant, Québec ne reculera pas pour autant. « On n’a pas fini la bataille. Écoutez, aujourd’hui, il y avait du curé jusqu’au Conseil du patronat de choqué, de l’Assemblée nationale à l’Assemblée des évêques. Tout le Québec au complet est soulevé. Ça ne se terminera pas là, c’est pas vrai », a lancé la ministre Maltais.
La réforme fédérale distingue maintenant les chômeurs en trois catégories, les travailleurs « fréquents », qui ont eu plus souvent recours à l’assurance-emploi étant obligés d’accepter un emploi à moindre salaire et à une heure de chez eux. Ce qu’ont vivement critiqué l’opposition et Québec, accusant le fédéral d’ignorer la réalité des travailleurs saisonniers. Parmi ce bassin de travailleurs au Canada, 40 % vivent au Québec.
Mais ce qui inquiète aussi la Coalition, c’est la fin d’un projet pilote qui accordait cinq semaines de prestations supplémentaires aux travailleurs afin de réduire la période du « trou noir » (telle que baptisée par les groupes de chômage) entre la fin des prestations et le début d’un nouvel emploi - ou d’une saison de travail. Faute de travail, et de prestations pour compenser au manque à gagner, certains songeraient déjà à quitter les Îles-de-la-Madeleine, rapportait Sébastien Cummings, président de l’Association touristique des Îles.
Chasse aux chômeurs
En somme, la réforme « resserre l’étau » sur les chômeurs, croit Danie Harvey d’Action Chômage Charlevoix et membre de la Coalition. Les chômeurs doivent se chercher un emploi, mais maintenant, des enquêteurs de Service Canada augmentent la pression à coup d’appels ou de visites-surprises pour vérifier qu’ils font bel et bien des efforts. « C’est ajouter l’insulte à l’injure », a déploré Mme Harvey.
Selon de hauts fonctionnaires de Service Canada, qui ont tenu une séance d’information de dernière minute mercredi, le porte-à-porte de leurs enquêteurs n’est pas une nouvelle pratique. Cette année, 1200 chômeurs choisis de façon aléatoire recevront une visite (197 au Québec, 220 dans les Maritimes, 384 en Ontario et 374 dans l’ouest du pays).
« S’ils ont des preuves, des indications qu’il y a une fraude, c’est leur obligation d’y mettre fin. Mais ils sont en train de créer une présomption de culpabilité », a néanmoins scandé Thomas Mulcair en accusant les conservateurs de mener une chasse aux sorcières.
Les partis d’opposition dénoncent qu’Ottawa ait fixé des objectifs d’économies en prestations d’assurance-emploi, qui sont imposés aux fonctionnaires du service d’intégrité de Service Canada. Les libéraux ont en outre divulgué cette semaine que les fonctionnaires qui atteignent les cibles d’Ottawa reçoivent des bonis. Faux, ont rétorqué les conservateurs, en précisant que c’est plutôt une « rémunération à risque » remise aux gestionnaires, après avoir été prélevée à la source en attendant de voir leur rendement. « Il y a une partie de la paie des gestionnaires dans tous les ministères basée sur la performance », a défendu Stephen Harper aux Communes. De hauts fonctionnaires ont quant à eux souligné que les employés ne risquent aucune conséquence s’ils ne parviennent pas à atteindre les « objectifs de rendement » (Ottawa refuse de parler de quotas).
« On joue sur les mots », a accusé le chef libéral Bob Rae. « Un bonus, c’est un bonus. Et quand on est un patron dans la fonction publique, on fait sans doute des pressions sur ses employés », a renchéri le leader bloquiste Daniel Paillé.
La ministre Finley martèle que l’an dernier, 500 millions ont été récupérés en paiements inéligibles d’assurance-emploi, de sécurité de la vieillesse ou du régime de pension du Canada. La preuve qu’il y a de la fraude à déceler. Or, Ressources humaines n’a pas été en mesure de préciser le nombre de Canadiens qui ont été accusés de fraude l’an dernier. Les fonctionnaires dressent le bilan des dollars récupérés, pas des citoyens qui ont fauté.
Une manifestation pour Stephen Harper
Les rassemblements des dernières semaines risquent de rattraper le premier ministre ce jeudi, alors qu’il sera de passage à Rivière-du-Loup où un comité d’accueil doit l’attendre pour lui signifier le mécontentement par rapport aux changements. Mercredi, à une centaine de kilomètres de là, à Rimouski, plus de 1000 personnes ont protesté contre la réforme, tandis que des centaines d’autres manifestaient au Nouveau-Brunswick, selon Radio-Canada.
Québec n’est pas la seule province à rejeter la réforme conservatrice ; les provinces maritimes ont à l’unanimité critiqué les changements, s’inquiétant aussi du sort des travailleurs saisonniers.
Réforme de l’assurance-emploi — Finley ne bronche pas
Maltais prévient que la bataille n’est pas terminée
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