Rupert : il y a d'autres solutions

Jean-Michel Parrouffe

Hydroélectricité - développement et exportation


Le gouvernement du Québec vient de lancer officiellement les travaux de construction du mégaprojet Eastmain 1-A-Rupert. Cependant, un point crucial reste toujours en suspens et n'a pas été analysé correctement par les deux commissions, provinciale et fédérale, d'examen environnemental, celles-ci ayant simplement pris acte et apporté leur caution institutionnelle inconditionnelle aux affirmations d'Hydro-Québec Production selon lesquelles il n'existe pas de solutions de rechange à ce projet. Mais est-ce bien la réalité?
En premier lieu, une remarque s'impose: aucun document n'a été déposé en préparation et durant toutes les audiences par Hydro-Québec Production qui démontrerait d'un point de vue scientifique, technique et économique que les solutions de rechange n'existent pas. On s'est satisfait des poncifs à la mode du moment (éoliennes sans vent, etc.). Seules quatre pages de l'étude d'impacts environnementaux originale, qui fait plus de 2650 pages, ont été consacrées à décrire en quoi les autres choix possibles n'étaient pas des solutions de rechange.
De plus, aucun scénario précis de solutions de rechange ou de combinaison de solutions de rechange n'a été établi et analysé comparativement par Hydro-Québec Production. Est-ce à cela que la population du Québec doit s'attendre d'une institution publique qui prétend posséder les plus hautes compétences en matière d'électricité?
Deuxièmement, une revue préliminaire des solutions de rechange mises en place dans divers pays démontre que plusieurs solutions de rechange potentielles produisent une énergie et une puissance supérieures à ce que produira le projet Eastmain 1-A-Rupert. Ces solutions de rechange comprennent les pompes à chaleur géothermiques, les capteurs solaires thermiques, les poêles à granules de biomasse, les poêles à bois haute efficacité (faibles émissions), les centrales de cogénération à biogaz, les centrales de cogénération à la biomasse, les éoliennes (terre, réservoir, mer), les pompes à chaleur sur l'air extrait des bâtiments résidentiels, commerciaux, institutionnels et industriels ainsi que le suréquipement de centrales existantes.
À titre d'exemple: en Suède, les pompes à chaleur géothermiques permettent déjà de produire autant d'énergie thermique que le projet Rupert. En Finlande, pays plus petit que le Québec, les centrales de cogénération à la biomasse permettent de produire plus d'énergie thermique et électrique que le même projet. En Autriche, la biomasse moderne (granules de biomasse) permet déjà de produire plus d'énergie thermique que celui-ci. Etc.
Pourquoi, au Québec, n'existe-t-il à peu près rien de significatif dans ces secteurs délaissés par les deux ordres de gouvernement?
Hydro-éolien
Troisièmement, une solution de rechange particulièrement bien adaptée au contexte québécois mérite une analyse technico-économique détaillée avant d'aller de l'avant avec le projet Eastmain 1-A-Rupert. Cette solution de rechange s'appuie sur la construction de la centrale Eastmain 1-A, ou une variante de puissance mieux adaptée, et celle de plusieurs centrales éoliennes dont la puissance totale s'élèverait à 2650 MW.
Le système hybride hydro-éolien résultant (Eastmain 1, Eastmain 1-A et 2650 MW d'éolien) fournirait la puissance requise grâce aux groupes turbines-alternateur et les éoliennes en fonction de leur disponibilité tandis que les 8,5 TWh d'énergie du projet Eastmain 1-A-Rupert seraient fournis sur une base annuelle par les 2650 MW d'éoliennes installées. Ce scénario, pourtant présenté lors des audiences, a été ignoré complaisamment par les commissaires désignés par Québec et Ottawa.
Il reste cette question: pourquoi ne pas avoir exigé l'évaluation d'une telle solution de rechange alors qu'elle présente le potentiel de satisfaire l'industrie de l'hydroélectricité (construction d'Eastmain 1-A) et de générer la puissance et l'énergie du projet Eastmain 1-A-Rupert?
À la lumière de l'absence d'une analyse critique comparative des solutions de rechange au projet Eastmain 1-A-Rupert, force est de constater que la puissance des groupes de pression associés à l'hydroélectricité au Québec et relayés par les gouvernements ne permet pas une analyse indépendante et équitable des projets hydroélectriques.
À l'heure ou plus de 60 % des grandes rivières et des fleuves sont harnachés au Québec et à l'échelle mondiale pour la production d'électricité, l'irrigation ou la régularisation des crus, une question cruciale se pose donc: faut-il attendre que 100 % des grandes rivières et des fleuves soient harnachés pour que les gouvernements agissent et imposent un moratoire sur ces projets ainsi que la réalisation des solutions de rechange existantes?
Jean-Michel Parrouffe : Consultant en énergies renouvelables


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