Les Cris entre résistance et résignation

Hydroélectricité - développement et exportation


Le ton grave du grand chef des Cris Matthew Mukash tranchait hier avec l'enthousiasme et les félicitations des autres dignitaires.
«J'ai des sentiments partagés, a-t-il déclaré. La Rupert est une des rivières les plus importantes et historiques pour les Cris et le Québec. C'est probablement un jour triste pour bien des gens.»
«Notre peuple et la nature devront vivre avec les impacts de ce projet. Mais il apporte aussi des bénéfices pour notre jeunesse.»
Dans l'assistance, le chef de la communauté de Chisasibi, Abraham Rupert, continuait de s'opposer au projet. «Nous avons une solution de rechange : l'énergie éolienne , dit-il. Il affirmait hier qu'il continuerait de s'opposer au projet «de manière démocratique».
Le débat sur la Rupert déchire depuis cinq ans les 15 000 cris répartis dans neuf communautés. La dérivation de la Rupert est la pièce de résistance de la paix des Braves, accord intervenu en 2002 entre Québec et le Grand Conseil des Cris. Signé par les deux leaders d'alors, le grand chef Ted Moses et le premier ministre Bernard Landry, il a réglé l'ensemble du contentieux entre Québec et les Cris.
Ces derniers ont paralysé le développement sur leur territoire pendant 15 ans, dans une démarche judiciaire et médiatique dirigée entre autres par Matthew Mukash à l'époque. Les Cris réclamaient la mise en oeuvre de la convention de la Baie-James et du Nord québécois, signée en 1975, mais dont de grands pans sont encore sans effet, même aujourd'hui.
Pour sortir de l'impasse, Québec a mis 3,5 milliards sur la table pour les 50 prochaines années. Les Cris ont sacrifié la Rupert, rivière sur laquelle les deux peuples ont fait connaissance à l'époque de la traite des fourrures.
Cet accord a été approuvé par référendum par 70 % des Cris, avec un taux de participation de 58 %. Le projet Rupert a ensuite été soumis à deux commissions d'évaluation environnementale qui ont tenu des audiences publiques et ont examiné l'étude d'impact d'Hydro-Québec. «Les gens ont pu s'exprimer», a dit hier le premier ministre Jean Charest.
Sur la tribune, le grand chef Mukash a dû se faire rassurant sur la bonne marche du chantier de l'Eastmain 1-À et dérivation Rupert, qui durera six ans. «Quand l'accord a été proposé, nous avons eu un référendum, dit-il. La nation crie savait qu'il y avait un risque, mais en acceptant le processus d'évaluation environnementale, nous acceptions aussi ses conclusions.»
Ces derniers mois, les deux rapports d'évaluation environnementale ont approuvé la dérivation de la Rupert. Le comité provincial a en outre rejeté l'énergie éolienne comme solution de rechange au projet : il a estimé qu'il faudrait implanter 1000 éoliennes, ce qui affecterait 600 kilomètres carrés, sans fournir une énergie aussi fiable que l'hydroélectricité.
Abraham Rupert fait partie de ceux qui n'acceptent pas ces conclusions. Il dirige l'une des trois communautés qui ont fait un deuxième référendum, cet automne, portant seulement sur le projet Rupert. Les autres sont Nemaska et Waskaganish. Le «non» l'a emporté très largement, mais la participation est restée faible : 25 %.
Présent dans l'assistance hier, Ted Moses a minimisé l'opposition au projet. «C'est une minorité bruyante», dit-il. Il a ensuite accusé les opposants de jouer double jeu, en se préparant en même temps à répondre aux appels d'offres ou offres d'emploi.


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