Six mois pour intégrer les médecins étrangers

Un stage à l'hôpital St. Mary's permettrait de parfaire leurs connaissances en vue de la résidence

Charesterie - Intégration à la minorité anglaise...

Lisa-Marie Gervais - Le salut des médecins diplômés à l'étranger, qui peinent à s'intégrer dans le marché du travail, passerait par un stage de mise à niveau de six mois à l'hôpital St. Mary's, a appris Le Devoir. Cette idée figure parmi les principales recommandations du rapport du comité Échavé, un groupe de travail mandaté par le gouvernement québécois pour trouver des solutions à ce problème, rapport qui a été déposé sur le bureau du ministre de la Santé il y a environ une semaine, selon ce qui a été confirmé au Devoir.
Ce projet de formation, qui pourrait voir le jour à l'automne 2010 -- selon le scénario le plus optimiste -- est «en cours de négociation», a insisté le Dr Alain Pavilanis, directeur du Centre de médecine familiale au Centre hospitalier St. Mary's. «C'est une idée qui a été retenue. [...] Nous avons reçu le financement pour développer le projet, mais nous sommes toujours en négociations pour développer le projet à soumettre pour approbation», a-t-il précisé.
30 médecins
Le programme en question viserait à former annuellement 30 médecins diplômés à l'étranger (MDE) dans des stages leur donnant les outils nécessaires pour être acceptés plus tard en résidence, dans la spécialité qu'ils auront choisie. «Le programme serait basé sur les lacunes identifiées du candidat, son plan de carrière et son expertise», a fait savoir le Dr Pavilanis.
Il reconnaît que jusqu'ici, l'une des graves erreurs a été de considérer les MDE comme un tout, sans tenir compte de leurs formations respectives et de leurs intérêts particuliers. «Ce n'est pas vrai que des médecins qui viennent du Congo, de la Roumanie ou du Sri Lanka ont eu la même formation», a noté le Dr Pavilanis. «Il va falloir demander au candidat ce qu'il veut faire. S'il n'a jamais fait de pédiatrie et que ça ne l'intéresse pas, peut-être que la médecine familiale n'est pas pour lui.»
Comme d'autres, le Dr Alain Pavilanis s'est montré préoccupé par le grand nombre d'échecs des MDE à l'examen clinique et par le faible taux d'acceptation de ces médecins en résidence, à l'issue du Service canadien de jumelage, mieux connu sous l'acronyme CARMS. Cette année au Québec, à l'issue des deux tours du processus d'admission en résidence pour l'année 2008-09, un peu plus de la moitié des 140 candidats diplômés hors du Canada et des États-Unis (DHCEU) qui ont postulé ont été refusés.
«On ne peut pas créer une autre université pour ces médecins, mais on peut développer quelque chose axé sur leurs besoins», a souligné cet enseignant à McGill.
Le projet que développera le Dr Pavilanis et son équipe visera à identifier les MDE qui auront une réelle chance de s'intégrer au système de santé québécois et ceux qui déploient des efforts vains. «Ce n'est pas de nuire à un candidat que de lui dire qu'il n'a aucun avenir en médecine au Québec», a-t-il soutenu. Les candidats jugés inaptes à pratiquer la médecine pourront ainsi être réorientés vers des secteurs connexes, comme la recherche médicale ou le commerce pharmaceutique... «et ne pas avoir à retourner à leurs taxis».
Un stage sur mesure
Sur les six mois de stage, les deux premiers mois seraient consacrés à l'enseignement d'un cursus obligatoire: un mois de formation technique au Centre de simulation de l'Université McGill, où le candidat devra pratiquer certaines interventions techniques, comme des chirurgies de l'appendice, et un second en médecine familiale, visant à expliquer aux candidats l'approche clinique canadienne.
Enfin, les quatre derniers mois consisteraient en des stages individualisés dans des spécialités de base, notamment la médecine interne, la médecine de famille et même la pathologie. À l'issue du programme, les participants pourraient recevoir une sorte d'attestation qui leur permettrait de poser leur candidature au CARMS, avec cette fois un meilleur espoir de succès. «L'attestation n'est pas une garantie que ça va donner quelque chose», précise toutefois le Dr Pavilanis.
Pour qu'un tel programme voie le jour, beaucoup de ressources devront être investies. «En ce moment, on n'a pas assez de personnel, mais j'ai pris l'engagement que nous allions l'avoir», a-t-il dit, précisant qu'au moins cinq médecins formateurs supplémentaires seront nécessaires. «Il va falloir que le ministère et l'Agence [de santé et des services sociaux] s'y mettent.»
Accueil mitigé
Le porte-parole de la Coalition des associations de médecins diplômés à l'étranger (CAMDE), le Dr Comlan Amouzou, n'a pas vu le rapport du groupe de travail présidé par le Dr Vincent Échavé, chirurgien de l'Université de Sherbrooke d'origine cubaine, rapport qui avait été commandé par l'ex-ministre de la Santé Philippe Couillard. «On aurait quelques questions à poser au Dr Échavé. C'est bien beau de présenter des recommandations à la population, mais il faut que [celles-ci] puissent résoudre le problème sans qu'il y ait de goulot d'étranglement plus tard», a-t-il dit.
Il réserve un accueil mitigé au projet de stage de six mois de l'hôpital St. Mary's. Sans rejeter complètement l'idée, il s'interroge sur les critères établis pour choisir les participants à cette formation. «Et après ce stage, quoi? On revient à la case départ», déplore-t-il. «Pourquoi leur faire faire une résidence alors qu'ils peuvent tout à fait être opérationnels après ce stage de six mois et qu'on a besoin d'eux dans les hôpitaux?»
Selon le Dr Amouzou, le gouvernement, pressé de toutes parts à trouver une solution au problème de l'intégration des médecins étrangers, se sert de ce rapport pour démontrer qu'il a la situation en main. «On dépose un rapport et on va adopter des recommandations pour faire croire que la situation va se régler», avance-t-il. «Il faut préconiser des solutions globales, en s'inspirant des bonnes pratiques ailleurs au Canada», a-t-il ajouté. Il cite en exemple le système ontarien, qui réserve des postes aux médecins étrangers afin que ceux-ci n'aient pas à être en compétition avec les autres candidats.


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