(Québec) Ce qui semblait encore invraisemblable hier matin est devenu réalité : les partis d'opposition aux Communes retirent leur confiance au gouvernement de Stephen Harper et proposent la formation d'un gouvernement de coalition, dirigé par Stéphane Dion et appuyé par des souverainistes. À moins d'un coup de force de Stephen Harper et d'une prorogation des travaux de la Chambre des communes, la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, se verra priée de transférer le pouvoir à cette coalition.
L'entreprise est pleine de risques pour les trois partis concernés qui prennent le pari de gouverner le pays pendant une récession économique mondiale sans précédent. Entreprise fort risquée pour les libéraux, s'il advenait que la gouverneure générale rejette la demande de formation d'un gouvernement de coalition, et lance le pays en élections. Cela voudrait dire faire une campagne électorale avec Stéphane Dion à la tête d'un parti lourdement endetté et profondément divisé. Car ne nous leurrons pas : si M. Dion est destiné à prendre la direction de ce gouvernement de coalition, c'est que Bob Rae a refusé de se plier au désir de la majorité du caucus libéral, qui aurait préféré l'arrivée immédiate de Michael Ignatieff à sa tête.L'entreprise est tout aussi risquée pour le NPD qui se lie les mains pour deux ans et demi avec le Parti libéral, lequel sera le grand gagnant de cette aventure, si elle tourne bien.
Même niveau de risque pour le Bloc québécois qui sera partagé entre les intérêts du Québec et ceux du Canada. Que fera Gilles Duceppe, par exemple, si SON gouvernement fédéral est forcé de réduire la part québécoise de la péréquation pour en redistribuer une partie vers l'Ontario, qui vient d'entrer dans le club des provinces pauvres? C'est ce que projetait de faire le gouvernement Harper en fixant un maximum à la hausse annuelle de la péréquation, parce que le système actuel le menait vers des augmentations considérables dont il n'avait plus les moyens.
L'expérience combinée de Stéphane Dion, Jack Layton et Gilles Duceppe ne laisse aucun doute sur leur capacité de gouverner. Malgré les objectifs communs qu'ils se sont donnés hier en signant leur entente, l'avenir réserve des obstacles qu'il est impossible de prédire aujourd'hui. Comment réagira l'électorat de l'Ouest à ce qui est déjà perçu comme un coup d'État par les conservateurs? Comment Stéphane Dion parviendra-t-il à diriger efficacement et harmonieusement ce gouvernement à trois têtes alors qu'il n'a pas le contrôle sur son propre parti?
Cette histoire, qui vole la vedette à la campagne électorale au Québec, place Pauline Marois dans une bien drôle de situation. La chef du PQ affirmait qu'elle aurait un rapport de force plus efficace pour forcer Ottawa à satisfaire aux demandes du Québec. Elle vient de perdre cet argument. Comment menacer Ottawa, par exemple, si le gouvernement Dion-Harper-Duceppe refuse de verser les 400 millions $ qu'elle entend réclamer du fédéral en guise de compensation pour la crise du verglas?
Bref, c'est un parcours totalement inconnu que nous propose l'opposition à Ottawa. La balle est maintenant dans le camp de Stephen Harper, qui n'a certainement pas dit son dernier mot.
Le plus amusant dans cette histoire, c'est d'imaginer Stéphane Dion déménager au 24, Sussex jusqu'au mois de mai. Fera-t-il une place à Jack Layton à l'étage et à Gilles Duceppe au sous-sol? Là, au moins, on pourrait parler d'un véritable gouvernement de cohabitation...
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