L’arrestation du député Guy Ouellette

Un coup de théâtre qui risque de se retourner contre ses auteurs

Le commissaire Lafrenière joue un jeu dangereux

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Les jours de Lafrenière à l'UPAC sont comptés

On a beau savoir que la politique est un sport extrême, le coup de théâtre de la semaine dernière où l’on a vu l’UPAC procéder à l’arrestation sans mandat du député Guy Ouellette et à une perquisition à sa résidence de Québec dépasse les capacités d’imagination du citoyen même le mieux informé des pratiques policières.


D’abord présentée dans le contexte de l’enquête Mâchurer dont on appris par une fuite aux médias le printemps dernier qu’elle visait directement l’ancien premier ministre Jean Charest et son leveur de fonds Marc Bibeau, un membre éminent de l’élite d’affaires du Québec à la tête de plusieurs entreprises dans les secteurs de la construction et de l’immobilier qui siège en outre depuis plus d’une dizaine d’années aux conseils d’administration de quelques-unes des sociétés financières de l’Empire Desmarais, il semblerait que l’arrestation de Guy Ouellette soit plutôt attribuable à une enquête qu’il menait sur une affaire louche impliquant l’UPAC, l’autorité des marchés financiers (AMF) et un cabinet de juricomptables, s’il faut en croire le témoignage de l’analyste Annie Trudel, elle aussi arrêtée brièvement le même jour, pour le même motif.


Plusieurs jours après les événements, on attend toujours le dépôt d’un acte d’accusation contre Guy Ouellette qui permettrait de clarifier les motifs juridiques de son arrestation.


Cela dit, sans même que ces motifs soient connus, les faits entourant l’arrestation de Guy Ouellette soulèvent de nombreuses questions sur le comportement de l’UPAC.


En effet, cette arrestation survient dans le contexte de l’étude d’un projet de loi visant l’UPAC par la Commission parlementaire des Institutions justement présidée avant son arrestation par le député Guy Ouellette. Or celui-ci avait laissé connaître son opposition à certaines dispositions du texte sous étude.


L’arrestation a été effectuée par la brigade spéciale constituée de policiers issus de plusieurs corps différents, formée spécialement pour identifier les auteurs des fuites aux médias dans l’enquête Mâchurer suite aux fuites du printemps dernier révélant que jean Charest et Marc Bibeau étaient sous enquête. Il faut bien comprendre que les auteurs de ces fuites ne peuvent-être que les personnes affectées à ces enquêtes, soit des policiers à la retraite ou encore en poste, ce qui n’est pas le cas de Guy Ouellette même s’il est lui-même un ancien policier.


L’observateur ne peut être que frappé par la différence dans le degré élevé de diligence avec lequel l’UPAC a procédé à l’enquête sur ces fuites et le degré beaucoup plus bas avec lequel elle a procédé à l’enquête Mâchurer jusqu’ici. À quel jeu joue donc le commissaire Lafrenière ?


On a également appris que la résidence de Québec du député Ouellette avait été perquisitionnée le soir de son arrestation et que l’UPAC avait convoqué les journalistes affectés à la couverture des activités policières pour qu’ils puissent en témoigner. Mais lorsque l’on sait que tout député a quatre adresses, sa résidence à Québec, son domicile dans son comté ou à proximité de celui-ci, son bureau à l’Assemblée nationale, et son bureau de comté, on est pris à s’interroger sur la rigueur avec laquelle les policiers ont effectué leur travail, à moins que... la perquisition effectuée à Québec n’ait été qu’un coup de théâtre destiné à épater la galerie et/ou à intimider tout lanceur d’alerte éventuel et les députés tentés de mettre le nez dans les affaires de l’UPAC.  


L'UPAC n'aurait pas pu perquisitionner le bureau du député Ouellette à l'Assemblée nationale pas plus que son bureau de comté sans la permission du président de l'Assemblée nationale. Elle n'aurait pas pu saisir non plus son téléphone cellulaire ni le matériel électronique fourni par le gouvernement sans cette même permission. 


L’arrestation sans mandat soulève également plusieurs questions. On a beau comprendre la nécessité de protéger de la preuve, encore faut-il que la preuve en question soit probante, c’est à dire qu’elle puisse établir avec un degré raisonnable de certitude la culpabilité de la personne arrêtée pour un acte criminel quelconque. 


Or Guy Ouellette est un député, de surcroît président de la Commission parlementaire sur les Institutions. Ses fonctions lui donnent une grande latitude dans la recherche d’informations et il est pleinement justifié d’utiliser ou de chercher à utiliser l’information qu’on lui transmet s’il n’a aucune intention criminelle. En effet, en droit criminel un acte quel qu’il soit ne peut être qualifié de criminel si son auteur n’avait pas d’intention criminelle. C’est l’application de la vieille règle « actus non facit reus nisi sit mens rea ».


Cette règle est bien connue de tous les policiers enquêteurs et c’est elle qui rend parfois leur travail si difficile et si long. Même dans un cas normal, il faut un dossier bien étoffé pour convaincre un procureur du ministère public d'examiner s’il y a matière à dresser un acte d’accusation et un juge d’émettre ensuite un mandat d’arrestation sur la foi de cet acte. Dans un cas comme celui du député Ouellette, les exigences sont encore plus grandes. Et que dire ensuite de l’effort nécessaire pour obtenir une condamnation.


D’où l’étonnement que suscite le comportement brouillon et précipité de l’UPAC dans cette affaire, à moins que... son but réel n’ait jamais été de traduire Guy Ouellette en justice, mais tout simplement de le sortir du jeu.


Évidemment, rendus là, la question qui se pose est : « Au bénéfice de qui ? ». De l’UPAC ? Du commissaire Lafrenière ? Des deux ? Du premier ministre de qui relève directement le commissaire Lafrenière ?  Du PLQ qui trouve ainsi le moyen de se débarrasser d’un gêneur (un infiltré, une taupe, un traître, etc.) sans avoir à en supporter l’odieux ?


Chose certaine, l’UPAC et le Commissaire Lafrenière se retrouvent aujourd’hui dans une position très vulnérable. Le premier ministre Couillard demande à l’UPAC de s’expliquer sur l’arrestation du député Ouellette. L‘Opposition et même quelques députés Libéraux demandent à faire témoigner Lafrenière en commission parlementaire. On imagine sans peine le tollé de l’Opposition et des médias si le gouvernement Couillard refuse la tenue de cette commission parlementaire.


La crédibilité de l’UPAC et du commissaire Lafrenière est gravement atteinte. Seule une transparence totale leur permettra de la rétablir. Or un tel degré de transparence est presque incompatible avec le mandat de l’UPAC. Il faut donc comprendre que celle-ci est condamnée à une éclipse qui pourrait devenir totale et définitive s’il fallait qu’elle ne parvienne pas à surmonter les doutes que soulèvent son comportement dans l’arrestation du député Ouellette.


En conclusion, on dit souvent dans l’univers des communications qu’une photo vaut mille mots. Un montage photographique circule présentement sur les réseaux sociaux illustrant l’emprise de la famille Lafrenière sur les institutions policières du Québec. Dans le contexte des événements que nous vivons et de toutes les questions qui se posent sur le travail de la police, une telle concentration des pouvoirs dans les mains d’une même famille est totalement inacceptable. 



 


 



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9 commentaires

  • Yves Corbeil Répondre

    13 novembre 2017

    Scuzez pour le (judicière) judiciaire un peu partout, monsieur le juge me prendra plus au sérieux j'espère.


  • Yves Corbeil Répondre

    12 novembre 2017

    Le rôle de l'état est de punir le crime. Si Ouellette a commis un crime qu'on le fasse condamner si il n'a rien commis qu'est-ce tout ce cirque médiatique.


    Il serait peut-être temps que quelqu'un se réveille dans cette province de corrompus au sujet du système de justice qui est paralyser depuis des décennies.


    À qui celle sert-il d'avoir un système judicière totalement dysfonctionnel. Il me semble que c'est assez clair, alors pourquoi on ne fait RIEN.


    TOUTE LA DÉMOCRATIE si ça existe vraiment passe par là et chez nous on en a plus de système judicière.


  • Pierre Bourassa Répondre

    2 novembre 2017

    En ref.avec mon commentaire précédent( As-ton vu Jean-François Lisée promettre une loi permettant au 2 / 3 de l'Assemblée nationale de choisir le chef de l'UPAC advenant l'élection du PQ en 2018,avant que la CAQ ne le fasse,comme elle l'avait fait il y a deux semaines en promettant la mise en place d'une véritable Charte de la laïcité advenant son élection ?)


    Et voilà c'est fait:


    02-11-2017 Assemblée nationale, période de questions et réponses orales


    À 19m 15 sec. François Legault de la CAQ:


    M. le Président,aujourd’hui je veux dire aux Québécois,qu’un gouvernement de la CAQ va nommer le prochain patron de l’unité Anti Corruption par un vote du 2 / 3 de l’Assemblée Nationale,donc un gouvernement de la CAQ va rétablir la confiance qui a été brisée par le parti Libéral ‘’ http://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-assemblee/AudioVideo-74181.html


    Et l'autre déclaration,celle du 18-10-2017 Point de Presse à l’Assemblée nationale de Nathalie Roy de la CAQ en ref. avec l’adoption de la loi 62,


    ‘’ ...alors c’est pour çà que je vous annonce tout de suite qu’un gouvernement de la Coalition Avenir Québec abolira cette loi pour la remplacer par une vraie Charte de la laïcité de l’État ‘’http://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/activites-presse/AudioVideo-73935.html


    Me semble que c'est pas sorcier de parler le language des Québécois.


    Ils sont maintenant en tête des intentions de vote.


  • Jean Lespérance Répondre

    1 novembre 2017

    En réponse à Carole Fontaine, je dis ceci:  Qu'a fait de DPCP lors de la Commission Charbonneau ou de la CEIC? Rien. Pourquoi? Parce que le commissaire Lachance était de mèche avec lui. Même si on portait plainte à la CEIC, on n'obtenait même pas un accusé de réception. Ce fut une vraie farce. L'UPAC joue le même jeu, le DPCP fait le mort et Lafrenière dit non pas qu'il a présenté un dossier au DPCP mais qu'il va y avoir des accusations portées dans l'enquête Mâchurer. Quand? Personne ne peut le savoir et personne ne peut savoir si oui ou non Lafrenière a présenté quelque chose au DPCP. 


    À quoi ressemble toute cette histoire? À une histoire de chantage de la part de Lafrenière. Vous ne  me donnez pas mon mandat de permanence , je vais faire porter des accusations par le DPCP.  Ou si vous me donnez mon mandat de permanence, je vais mâchurer indéfiniment jusqu'à ce qu'on trouve une échappatoire ou un moyen de faire avorter le procès s'il y en a un.


    C'est ce qui me semble être le jeu que Lafrenière joue. À toutes les fois qu,il y a eu du coulage d'informations, des accusations suivaient pour calmer le jeu ou la grogne de tous ceux qui ont participé à l'Opération-Marteau qui était indépendante du Parti Libéral.


  • Michel Matte Répondre

    1 novembre 2017

    Ce qui se passe actuellement est absolument révoltant. Le pouvoir policier domine le pouvoir politique. Ce foutoir est le résultat d'un système anti-démocratique.  Pour citer Valérie Bugault:



    «la séparation en trois branches du pouvoir politique revient en réalité à nier l’existence même du pouvoir.»

    et

    «Si l’on se fonde sur les effets politiques de la séparation du pouvoir en trois branches, on ne peut qu’en déduire que ce concept a été précisément imaginé par et/ou pour les détenteurs de capitaux dans l’objectif de s’emparer du pouvoir. Ce qui fut précisément réalisé par l’avènement de la Révolution de 1789.»



    http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-pour-un-nouveau-depart-pour-renouer-avec-le-concept-de-civilisation-24


    Pour l'auteur, la solution est un pouvoir fort, mais limité et encadré.


  • CArole fontaine Répondre

    1 novembre 2017

    je n'aurais jamais cru lire un tel article sur vigile. Vous défendez Ouellet et accusez l'équipe de policiers, DPCP et juge de mal faire leur job?? Veuillez ajuster vos lunettes sinon je vais croire que vous ne servez pas la justice. mais alors qui servez-vous?


  • Pierre Bourassa Répondre

    1 novembre 2017

    As-ton vu Jean-François Lisée promettre une loi permettant au 2/3 de l'Assemblée nationale de choisir le chef de l'UPAC advenant l'élection du PQ en 2018,avant que la CAQ ne le fasse,comme elle l'avait fait il y a deux semaines en promettant la mise en place d'une véritable Charte de la laïcité advenant son élection ?


    Où sont les stratèges du PQ au moment où il descend en troisième position dans les sondages?


    «Qu’on accuse ou qu’on s’excuse» - Jacques Chagnon


    Video  http://www.tvanouvelles.ca/2017/10/31/jacques-chagnon-quon-accuse-ou-quon-sexcuse


    Le discours de Guy Ouellette


    Video  http://www.journaldequebec.com/2017/10/31/le-discours-de-guy-ouellette-en-10-citations-fracassantes



  • Jean Lespérance Répondre

    31 octobre 2017

    Depuis longtemps l'UPAC n'est plus crédible. Lorsqu'il y a un mal, on s'attend à ce des personnes responsables s'attaquent à la source du mal, aux plus hauts responsables. On sait bien que l'UPAC a été créée pour court-circuiter l'Opération Marteau qui malmenait les sources de financement du Parti libéral au complet. L'UPAC, sous la direction de son chef, Robert Lafrenière a porté des accusations contre des acteurs secondaires mais n'ose pas s'attaquer aux grands acteurs qui contribuent à perpétuer le système de collection actuel. Alors Couillard ne dit rien, ne voit rien, n'entend rien. 


    J'y vois un parrallèle ou une similitude avec le Bureau de la concurrence pour la fixation du prix de l'essence. Les deux font condamner des acteurs secondaires mais ne s'attaquent pas aux gros et puissants. Dans la grande région de Montréal, avez-vous vu le système de collusion sur le prix de l'essence attaqué? Nullement, je n'invente rien, tout le monde peut le voir et le confirmer. Et pourtant ça continue. Quand est-ce que ça va arrêter? Ça n'arrêtera pas. Soupçonnez-vous une raison? On n'en parlera pas.


    L'UPAC veut avoir un mandat de permanence, est-ce qu'elle le mérite? Ça va donner quoi de plus? Le Bureau de la concurrence est permanent et ça n'empêche pas la collusion sur le prix de l'essence. Si on donne un mandat de permanence à l'UPAC, c'est comme donner un mandat de permanence à la corruption ou au système de collection du Parti libéral. L'UPAC ne fera rien de plus que le Bureau de la concurrence. Il va continuer de fermer les yeux sur les gros. C'est ce que je pense, peut-être que je suis dans l'erreur...  j'aimerais bien qu'on me prouve le contraire.


  • Hermil LeBel Répondre

    31 octobre 2017

    L'hypocrisie juridique est endémique au Québec et représente sûrement la plus abjecte manifestation de la corruption institutionnelle. À chaque jour, des pères de famille sont incarcérés sans mandat sur la base de simples allégations déposées par la conjointe sans la moindre enquête et sans l'ombre d'une preuve digne de ce nom. Les procureurs de la couronne autorisent ces plaintes à l'aveugle et les petits juges fripons de la basse-cour du Québec président des procès staliniens durant lesquels aucune règle de droit n'est respecté, le tout dans l'indifférence généralisée. Tant et aussi longtemps que nous tolérerons collectivement pareille infamie, il est illusoire de croire que nous vivons dans une société de droit.