On parle souvent ces jours-ci d'une vague adéquiste aux élections du 26 mars. Pourtant, ce qui a mené l'ADQ au statut d'opposition officielle n'a rien d'une vague qui balaie tout sur son passage. Il s'agit plutôt d'un morcèlement, d'un éparpillement du vote. Les libéraux sont toujours au pouvoir, et le Parti Québécois n'est pas loin derrière, à gauche des deux meneurs, avec à sa propre gauche assez de votes verts et '' solidaires '' pour être gagnant s'ils lui avaient été dévolus.
Ainsi, paradoxalement, la venue de Québec Solidaire coïncide avec une sorte de désolidarisation du Québec -- mais il ne s'agit pas ici de blâmer ce parti et ses militants --, et parallèlement, un effritement de la coalition qu'est le Parti Québécois. Pendant qu'Ottawa pateauge dans les milliards, daignant de temps à autre envoyer un chèque au Québec si celui-ci se fait docile, les Québécois, en se disputant la pitance, se pointent du doigt les uns les autres pour expliquer la désagréable impression de tourner en rond qui flotte ici.
C'est dans ce terreau que certaines postures clientélistes des partis en ascension se développent. Par exemple, M. Dumont surfe sur le ressentiment des régions et de Québec qui, dit-on, sont brimées par la supposée hégémonie montréalaise, alors qu'il y a consensus à l'effet que la métropole, avec ses infrastructures délabrées et son maire qui gémit ses problèmes de financement sur toutes les tribunes, est en constant déclin à une foule de niveaux depuis des décennies. Et ce, souvent à cause de politiques canadiennes.
Pendant ce temps, des souverainistes montent dans le train autonomiste de l'ADQ, celui de la mythique troisième place entre les deux chaises, concept tiré tout droit d'un monologue d'Yvon Deschamps et qui n'est encore, à ce jour, qu'une grosse farce. Farce plate qui recelle ce bon vieux nationalisme provincial dans lequel on se contente de contempler sa différence sans même espérer l'affirmer convenablement à la face du monde.
Notons que Mario Dumont réussit son examen de nationalisme 101 en agitant habilement, au besoin, le spectre des accommodements pas toujours raisonnables.
D'autres souverainistes encore, apparemment moins nombreux, sont tentés par le souverainisme de convenance de Québec Solidaire.
Le PQ, trop à gauche pour la droite et trop à droite pour la gauche, se voit blâmé par certains indépendantistes qui l'accusent d'être trop timoré, pendant que les médias, par sondeurs interposés, tiennent des référendums sur le référendum, où les uns disent non à un référendum où ils diraient oui, les autres oui à oui ou encore non à non...
Bref, difficile de ne pas voir dans ce fractionnement du vote un fractionnement de la cohésion nationale québécoise, provoqué par des stratégies efficaces du camp nationaliste canadien, financières entre autres, combinées à une certaine faiblesse stratégique, justement, des indépendantistes québécois depuis 1995.
Difficile aussi de ne pas soupçonner le complexe du dominé qui, devant l'apparente impossibilité d'affranchissement satisfaisant, s'en prend à son semblable pour évacuer sa frustration.
N. Payne
Montréal
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