Une déclaration de revenus unique?

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Il n'y a aucune vertu dans le dédoublement administratif que nous impose le fédéralisme

Une vieille revendication autonomiste vient de remonter à la surface de notre vie politique : la déclaration de revenus unique. Elle a d’abord été formulée par l’ADQ de Mario Dumont, en son temps, avant d’être reprise par les partis politiques québécois, ces derniers temps.


Il y a même eu une motion unanime de l’Assemblée nationale à ce sujet, ce qui est assez rare pour être mentionné, tant le Québec est divisé dans sa vision de l’intérêt national.


Unanimité


Il s’agirait essentiellement de rapatrier à Québec la collecte des impôts. On simplifierait ainsi incroyablement une opération qui touche directement la vie des Québécois.


On éviterait aussi un stupide dédoublement administratif entre la bureaucratie provinciale et la bureaucratie fédérale, comme le Canada a tendance à les accumuler. C’est-à-dire qu’on économiserait collectivement beaucoup d’argent.


Tout le monde serait gagnant. Et pour la première fois depuis longtemps, le Québec ferait un gain concret d’autonomie. Un gain minimal, certes. Mais un gain quand même.


Il n’en demeure pas moins que cette revendication pourrait bien rester lettre morte. Elle ne semble pas enthousiasmer Ottawa. Mais ce qui est étonnant, ce sont les arguments qui sont pour l’instant avancés pour dire non à Québec.


En gros, officiellement, on s’inquiète des pertes d’emplois qu’une telle mesure occasionnerait dans la fonction publique fédérale au Québec. On sacrifierait, dit-on, de bons emplois en Mauricie et au Saguenay.


Cet argument a été repris par le Syndicat des employés de l’impôt. Apparemment, ces pertes d’emplois seraient catastrophiques. L’argument emportera peut-être les esprits rudimentaires, mais prenons la peine d’y réfléchir minimalement.


Longtemps, les souverainistes ont soutenu que l’indépendance du Québec permettrait au Québec de faire de vrais gains d’efficacité.


Pour reprendre la formule de Stéphane Gobeil, le Québec pourrait se débarrasser d’un gouvernement de trop : celui d’Ottawa. J’aime le dire autrement : il y a trop d’États au Québec : il y en a deux.


Mais cet argument est désormais retourné contre les nationalistes québécois. On devrait apparemment se réjouir de ce dédoublement bureaucratique inefficace et coûteux. On quitte ici la logique de l’intérêt général et du bien commun pour défendre de manière décomplexée un corporatisme inutile. Le simple bon sens est congédié.


Gaspillage


On ne doute pas de la compétence technique des employés fédéraux. Mais le Québec a-t-il besoin de deux appareils administratifs non pas complémentaires, mais superposés pour collecter ses impôts ? Bien sûr que non.


Qu’on puisse avancer cet argument sans rire en dit beaucoup sur l’état de décomposition morale de la société québécoise, où chacun se replie sur ses petits privilèges sans être capable de voir au-delà. Si on parlait sans crainte de vexer nos concitoyens, on pourrait même parler d’une corruption morale d’une partie de la société québécoise, qui a troqué le patriotisme pour le clientélisme.


Et le fédéralisme y est pour quelque chose. Il nous invite à voir dans le gaspillage une vertu, et dans l’inefficacité administrative une marque de rationalité supérieure.