Si la tendance se maintient – et j’insiste sur le « si » –, le scrutin du 1eroctobre pourrait s’annoncer historique sur trois axes majeurs. Primo, l’élection probable d’un premier gouvernement caquiste. Deuxio, une campagne dont la souveraineté est exclue comme enjeu. Tertio, la marginalisation possible du Parti québécois après 50 ans seulement d’existence.
Un revirement est envisageable, mais est-il vraiment plausible ? Les électeurs en décideront. Mais si la tendance se confirme, après le 2 octobre, la dynamique politique québécoise prendra une tournure imprévisible pour le moment. Sauf pour ceci : la question nationale poursuivra son étiolement.
Avant de voter, posons la question qui tue et provoque la réflexion : comment en sommes-nous arrivés là ? Les facteurs sont nombreux, mais les principaux sont les suivants.
Parti unique
1) Depuis le référendum de 1995, sauf à de rares moments, le PQ a cessé de promouvoir l’indépendance. Jean-François Lisée n’a fait qu’officialiser la chose. Une génération a grandi sans qu’on lui présente l’indépendance sous un angle positif. Les seuls échos leur venant du PLQ étant forcément négatifs.
2) Depuis 2003, le séjour au pouvoir des libéraux s’est avéré beaucoup trop long. Leur accorder un 5e mandat (!) en 15 ans équivaudrait à faire du Québec un régime à parti unique. Les francophones sont nombreux à l’avoir compris.
3) La création de l’ADQ était un premier coup de semonce. Québec solidaire sera le second. Le successeur de l’ADQ, la CAQ de François Legault – devenue une coalition nettement plus élargie que l’ADQ –, continue d’autant plus à grappiller dans les talles affaiblies des péquistes et des libéraux. La nature, comme on le sait, abhorre le vide.
Le résultat est l’éclatement du bipartisme PQ-PLQ. À preuve, dès sa première élection en 2012, la CAQ raflait 27 % des voix. Sans cette forte division du vote francophone, le PQ aurait pu remporter une majorité de sièges. Ironiquement, cette montée initiale de la CAQ rappelle celle du PQ.
En 1970, à sa première élection, le parti de René Lévesque récoltait déjà 23 % des votes. En 1976, à sa 3e tentative, il prenait le pouvoir. Le 1er octobre, la CAQ en sera elle aussi à sa 3e élection. L’histoire se répétera-t-elle en sa faveur ?
Faire peur
En attendant la réponse, Philippe Couillard promet une campagne « positive ». En même temps, son président de campagne, l’homme d’affaires Alexandre Taillefer, crie au loup. Si la CAQ gagne, lance-t-il, la paix sociale sera menacée. Et rebelote ! M. Couillard d’approuver ce délire.
Les libéraux n’ont pas appris leur leçon. La « peur » pour dénigrer la CAQ – celle d’un référendum « caché », d’une xénophobie crasse et, maintenant, d’une crise sociale –, ça fonctionne seulement pour les électeurs acquis depuis toujours au PLQ.
Ceux dont M. Couillard a besoin pour rester au pouvoir – les francophones – ne mordent plus à cet hameçon empoisonné. Le même, comme par hasard, dont les libéraux se sont longtemps servis contre le PQ.