Une génération si sage

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Le totalitarisme diversitaire promu par l'école québécoise


Dans nos universités, les cours ont repris hier après une semaine d’examens et une semaine de relâche. 


Cette pause est toujours, pour moi, un moment de méditation sur les jeunes qui sont sous mes yeux, pour la plupart issus de milieux relativement privilégiés. Il suffit de les fréquenter pour voir que les jugements de leurs aînés sur eux sont aussi approximatifs que les leurs sur les boomers. 


Jugement 


Mes étudiants sont, pour la plupart, intelligents, vifs, gentils. 


Mais si on me demandait un mot pour les caractériser, je choisirais : prudence. 


Remarquez, ce sont peut-être mes cheveux de plus en plus rares et blancs qui suscitent chez eux une telle attitude. 


Avant les examens ou en vue d’un travail à faire, je donne un maximum de précisions. 


Je dis : posez toutes les questions, ce qui est niaiseux, c’est de ne pas poser une question quand on n’est pas sûr. 


Il y a peu de questions. Mais à la pause, c’est la ruée. Chacun vient poser sa question discrètement. 


Est-ce une crainte du jugement d’autrui ? D’où vient-elle ?  


De la quête d’approbation sur les réseaux sociaux ? Du fait que leurs parents les ont couvés, dorlotés, protégés, toujours défendus, toujours justifiés ? 


J’explique en pure perte que si la question est posée devant tous, tous peuvent profiter de la réponse, et cela m’évite de répéter huit fois. 


Chaque année, sauf celle-ci, je donne un cours de sociologie à des étudiants qui arrivent du cégep. 


Dans la séance consacrée à l’immigration, je tords le cou à des idées reçues. 


Non, l’immigration ne rajeunira pas le Québec. 


Non, la pénurie de main-d’œuvre, qui est localisée, n’est pas un drame apocalyptique. 


Et si l’immigration, selon les critères actuels de sélection, comblait tant de postes, il n’y aurait pas des taux de chômage si supérieurs à la moyenne chez les nouveaux arrivants. 


Non, les difficultés d’intégration au marché du travail ne s’expliquent pas toutes par le racisme. 


Il y a l’ultra-concentration à Montréal, l’écart énorme entre certaines cultures et la culture d’accueil, les inaptitudes linguistiques, la non-reconnaissance d’une expérience professionnelle impossible à vérifier, la faible qualité de beaucoup de diplômes étrangers, etc. 


Je présente des graphiques, des tableaux, des statistiques.  


Ils écarquillent les yeux : ils ont toujours entendu le contraire. 


Et comment peuvent-ils réconcilier leur acceptation de toutes les croyances religieuses avec leur croyance proclamée de l’égalité entre les sexes ? 


Là, j’ai droit à des regards fuyants. 


Je ne résiste pas à la tentation de leur demander ce qu’ils ont retenu du cours d’ECR. 


Ici, tortillements malaisés, yeux au plafond, rires grinçants chez certains. 


Ils font de l’autocensure à temps plein et, s’ils parlent, c’est pour réciter la cassette bien-pensante apprise. 


Faute ? 


L’immense paradoxe est que cette génération si prudente, si sage, se pense la génération de l’audace décomplexée. 


Ce n’est pas de leur faute. Ils sont ce que le système en a fait.  


S’il y a des blâmes à distribuer, c’est nous qui les méritons. 





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