La stratégie "1995" fait du sur place? Le citoyen, lui, patine...

Une nouvelle ère s'amorce

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec

On parle beaucoup de Smiley Jack et du NPD ces jours-ci, et pour cause.
Tout a été dit, en apparence, et j’aimerais insister sur certains éléments, même si humblement je n’apporterai probablement pas de réponse. J’y vais en vrac, tout simplement.

D’abord, il est vrai que le taux que pourrait atteindre le NPD nuira au Bloc. Où? Gatineau, Jeanne-LeBer, peut-être d’autres comtés. Seul un travail de titan sur le terrain peut éviter le pire. Quant à l’espoir de faire des gains dans la région de Québec, cela s’annonce plutôt mal, Duceppe faisant les frais d’une imbécile compétition Ville de Québec/Montréal, attisée par les Conservateurs, André Arthur et la radio-poubelle de la droite extrême. Le maire Labeaume se tait : l’homme hésite à se peinturer dans le coin, opportunisme oblige. La moindre montée du NPD là-bas ne sert qu’aux Conservateurs.
Un fait s’avère, cependant : un nombre important d’électeurs pourtant ouverts à l’idée de souveraineté du Québec voteront NPD, notamment ceux dont le cœur porte plus à gauche. Il y a aussi ceux qui en ont ras-le-bol et qui, au lieu de s’abstenir, voteront NPD par simple désir de protester ou, pire encore, par cynisme. Pourtant, le Bloc est, à sa façon, un NPD québécois.
Cette popularité soudaine du NPD peut surprendre de prime abord, mais n’oublions pas que d’aucuns s’y attendaient un peu. Le Bloc roule depuis presque vingt ans et ce n’est pas une surprise en ce qui me concerne de voir une partie de l’électorat souverainiste de tendance « progressiste » de vouloir « passer à autre chose » au niveau fédéral. Et, bien sûr, n’oublions pas ceux qui votent traditionnellement pour le PLC et qui ne sont guère impressionnés par la prestance de Iggy et de ses collabos, une équipe totalement dévouée au statu quo et à l’establishment canadian. Le temps use, et le citoyen finit toujours par se lasser de la stagnation, ce qui peut expliquer en partie ce duel Bloc-NPD.

Plusieurs croient que le NPD d’aujourd’hui est plus ouvert aux aspirations du Québec. Cette perception n’est pas totalement fausse, mais il n’en demeure pas moins que le NPD est fondamentalement un parti fédéraliste centralisateur, qui ne reconnaît que du bout des lèvres la nation québécoise. Pourtant, le NPD appuie la promesse des Conservateurs de soutenir avec les fonds publics le développement hydro-électrique de Terre-Neuve, une position qui va à l’encontre des intérêts du Québec. Je ne développerai pas plus, sachant que le Bloc ne manquera pas de souligner les contradictions du NPD (appui à la loi C-20 et tutti quanti). Ceci dit, il y aura tout de même déplacement du vote. Cela va-t-il durer le temps d’une élection, ou perdurer, voire progresser au cours des prochaines années? La question mérite qu’on y réfléchisse sérieusement, tout en évitant de s’engluer dans des paradigmes strictement partisans.

Quoiqu’il en soit, le grand perdant de cette élection sera le PLC, et les jours sont déjà comptés pour Iggy qui risque de faire pire que Stéphane Dion. Pour les fédéralistes anti-Harpeur qui, toujours condescendants, demandent aux souverainistes de délaisser le Bloc au profit du PLC (le fameux vote stratégique…), le coup sera dur. La nation, toutefois, n’est pas totalement dupe : peut-on croire un seul instant que, dans la conjoncture politique actuelle, les Québécois oseraient faire confiance à un Iggy trudeauiste qui, ouvertement, se prononce contre une coalition PLC-NPD appuyée par le Bloc? En effet, il ne serait pas surprenant de voir près de 60% de Québécois voter pour des partis autres que le PLC et le PCC. Du jamais vu, mais en même temps, le vote pro NPD s’avérera un sérieux message pour le mouvement souverainiste qui devra s’ajuster. Se contenter de « bloquer » ne suffira plus.
Œuvre de résistance fait son temps, et il importe d’articuler le tout en fonction d’une conjoncture qui évolue. Jamais aisées les remises en question.
***
Nous quittons la zone déprimante de l’après 1995, une nouvelle ère s’amorce. La reconstruction du mouvement souverainiste se poursuit, mais dans un contexte où la nation se définit de plus en plus de manière éclatée. N’ayant pas choisi l’indépendance, notre nation se cherche, peine à se définir, et la conscience qu’elle a de cet état l’amène à tâtonner. Dans un contexte de mondialisation du capital, les nations minoritaires devront se surpasser pour préserver leur identité et résister à l’uniformisation appréhendée. Souvent, je me demande si la gauche – ma famille, pourtant – le comprend. La polarisation gauche-droite à venir ne doit pas mettre en plan la question nationale, oh que non!
Au pire, le vote québécois pour le NPD permettra au PCC d’atteindre la majorité qu’il espère. En effet, malgré des résultats anémiques au Québec, le PCC pourraient conserver ses comtés actuels, ce qui suffirait à faire la différence. Par ailleurs, la division du vote au Canada pourrait aussi contribuer à l’élection d’un PCC majoritaire. Là-bas, il semble que l’appel au vote stratégique n’ait pas eu beaucoup plus d’écho qu’ici. Si les Canadiens élisent davantage de députés du NPD, au moins voteront-ils pour le real thing, et non pas pour un PLC qui par opportunisme ne rate jamais l’occasion de se gargariser de social-démocratie quand ça fait son affaire. Parti de l’establishment canadian, le PLC mérite ce qui lui arrive, là-bas comme ici au Québec . Souhaitons-lui de vivre l’enfer du purgatoire encore longtemps.

Donc, rien ne va plus pour le PLC. Espérons seulement que les Québécois se ressaisissent et fassent en sorte que Harpeur ne puisse nous faire connaître les « joies » de la droite extrême. Mais on sait aussi que la droite extrême s’organise au Québec, et elle est d’obédience libertarienne. Ce courant est résolument pro PCC, anti Bloc, anti PQ, anti NPD et pour toujours anti QS. En fait, ce courant est anti citoyen. Il n’existe que des corporations, des individus et des consommateurs. Pensons à Jacques Brassard, l’ancien ministre du PQ, qui n’hésite pas à pourfendre le Bloc sur son blogue. Des indépendantistes progressistes voteront NPD, des indépendantistes de droite opteront pour les Conservateur. La belle affaire…
Le Québec, tant qu’il sera inféodé au Canada, ne pourra pas se soustraire à la dialectique idéologique et politique actuellement en cours dans ce « grand Canada ». Il y a émergence d’une polarisation gauche-droite, et les nations qui composent ce pays – Québécois, Acadiens, Premières Nations, Inuits, etc. – ne peuvent s’y soustraire, et ces nations seront confrontées aux tendances hégémoniques d’une droite outrageusement idéologique. Le Québec s’inscrit dans cette dynamique, il n’est pas en dehors du tout. La montée de cette droite chez nous – le courant libertarien d’Éric Duhaime et cie - s’inscrit dans le canadian nation building. Elle est sincèrement convaincue que le salut des Québécois passe par elle. Moins d’État au Québec et au Canada, plus de libertés individuelles, brader les acquis de la Révolution tranquille, faire du citoyen un utilisateur payeur, fusiller sans procès l’idée de pays. Chacun pour soi et vive la liberté!
Un constat : l’éternel combat gauche-droite, amalgame d’une infinité de tendances, reprend sa place, bouscule le paysage politique. Comme indépendantiste social-démocrate, j’en prends acte. Ce qui me désole, c’est de voir les indépendantistes de la droite modérée démissionner en bloc et se contenter de vagues propos nationalistes dont on sait qu’ils ne feront jamais le poids devant le rouleau compresseur du canadian nation building. Mais ni le PQ, ni le Bloc ne les attirent, et si cette droite modérée vote pour ces partis, c’est en se pinçant le nez. Dilemme qui oblige à réfléchir, non?
Nous entrons dans une nouvelle ère, c’est évident. Et le PQ là-dedans? Il se trouve au cœur du tourbillon des clivages idéologiques. À gauche, QS, et à droite Legault, l’ADQ et les libertariens . J’ai assisté au 16e Congrès du PQ. Toujours social-démocrate, et en dépit de sa volonté de se réapproprier la question identitaire dans une perspective républicaine, il aura fort à faire pour se rallier les « bleu » de plus en plus tentés par la démagogie libertarienne et la démission des lucides du genre Legault. La nation se divise à vitesse max plus, sur tous les plans. Il faudra discuter, faire des alliances, faire des compromis. Le projet de pays exige une dose minimale d’unité. En ce mois d’avril 2011, nous sommes encore loin du compte.

Et moi là-dedans? Dans Outremont, je voterais Mulcair contre Martin Cauchon du PLC, en me pinçant le nez, il va sans dire (je suis conséquent : tout faire pour empêcher le PLC d’empocher la mise, ou le PCC, c'est selon). Dans Hochelaga, où j’habite, c’est Daniel Paillé du Bloc, rien de moins.

Non, il n’existe pas le petit fleuve tranquille chez nous.
Michel Gendron


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 avril 2011

    Quelques mots pour dire que j'ai trouvé cet article intéressant: il pose la question de l'avenir. Bien des souverainistes ne croient plus autant au projet de pays, d'autres ne veulent plus supporter les concessions à droite.
    Je ne crois plus que les concessions à droite soient possibles; il faut au moins se situer dans la social-démocratie. Donc, le PQ a du chemin à faire; quant à QS, cela dépendra de sa réelle position sur la question nationale.

  • Laurent Desbois Répondre

    26 avril 2011

    « Quoiqu’il en soit, le grand perdant de cette élection sera le PLC ». « Donc, rien ne va plus pour le PLC. »
    Le parti Libéral du Canada aura bientôt perdu sa raison d’être.
    Le Parti Libéral du Canada est le parti des minoritaires. Parce que c’est normal pour tout être humain de faire parti d’une majorité, ils ont perdu leurs quatre bases électorales. Je m’explique.
    1. Ils avaient le vote des Canadiens-Français du Québec, mais depuis la révolution tranquille, ceux-ci se sentent majoritaires et sont devenus Québécois. Ils votent donc Bloc Québécois maintenant.
    2. Les Francophones hors-Québec s’assimilent à la majorité Anglaise, pour devenir Canadian. Ils votent donc NPD ou Conservative dépendant s’ils sont de gauche ou de droite. (ex. St-Boniface au Manitoba et Chéticamp, N-É qui sont allés Conservateur. Bathurst au N-B et le nord de l’Ontario qui sont allés NDP).
    3. Les immigrants aussi, après deux générations, s’assimilent aux Anglais et deviennent Canadian. Ils sont donc une clientèle d’électeurs éphémères, à renouveler constamment.
    4. Et la dernière minorité, les Anglais du Québec, c’est tout ce qui reste, mais c’est très limité, quelques contés dans le West-Island.
    5. Ah oui, j’avais oublié les porteurs de valises et les traducteurs de l’Outaouais, qui font dans leurs culottes.
    Comme vous voyez, ce n’est pas une question de chef, même si ceux-ci ne sont pas forts. Les deux derniers Dion-Ignatieff se sont rendus là par défauts, parce que personne ne veut être chef d’une gang de loosers systémiques et chroniques.
    Le parti libéral a toujours été un regroupement de minoritaires et aujourd’hui ils récoltent ce qu’ils ont semé… leur clientèle historique est devenu adulte et s’est affranchie.
    Prochainement, il ne restera que deux nations souveraines le Québec et le Canada…. Le parti Libéral aura bientôt perdu sa raison d’être. Nous seront tous majoritaires et celui-ci disparaîtra paisiblement. Ce sera la fin du beau rêve à Trudeau et on en parlera dans les livres d’histoire comme un exemple à ne pas suivre.