Jean-Marc Fournier a repris, la semaine dernière, dans un discours, une série de revendications québécoises cruciales face au gouvernement central, y compris celles relatives à la reconnaissance de notre nation dans la Constitution. Rupture intéressante avec la théorie du « fruit irradié » (qui ne mûrira jamais) de l’ère Charest. Mais sans échéancier, il y a de grandes possibilités que tout cela ne soit que des velléités. Qu’on ne revienne jamais à « l’honneur et l’enthousiasme », célèbre formule reprise par M. Fournier.
Nous l’avons souligné ici à quelques occasions : que Philippe Couillard ose rappeler, à des moments clés, le vice grave que constitue l’absence de la signature du Québec au bas de la Constitution canadienne comporte des aspects intéressants. Ce le serait davantage s’il ne relativisait pas illico ses affirmations, dans les heures qui suivent…

Le premier ministre a eu l’air de tâtonner sur cette question depuis son retour en politique, mais jeudi dernier, le gouvernement semble avoir repris un discours plus revendicateur. C’est le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, qui s’en est chargé. L’occasion l’imposait presque, il faut le dire : un colloque sur les 150 ans de la Conférence de Québec de 1864, laquelle a conduit à l’adoption, trois ans plus tard, de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qu’Ottawa compte célébrer de manière massive et dont Philippe Couillard souhaiterait faire un grand moment de réparation de l’outrage de 1982.

M. Fournier s’est fait clair : l’enjeu « de la place du Québec au sein du Canada est fondamental, et il faut réapprendre à pouvoir en discuter calmement ». « L’absence du Québec au moment du rapatriement de 1982 demeure d’actualité. […] la question de l’appartenance et de la reconnaissance du Québec est incontournable. » La loi de 1982 a « accentué la problématique » de l’inquiétude des Québécois au sujet de leur avenir national. Ces derniers « auraient souhaité une réponse entre 1987 et 1990. Malgré une tentative honorable, la réponse se fait toujours attendre ». Et quand le Canada fera un « geste d’acceptation expresse de reconnaissance », il y aura une « appartenance canadienne renouvelée » pour le Québec et cela « permettra à toute notre fédération, d’est en ouest et jusqu’aux limites nordiques, de bâtir l’avenir dans l’honneur et l’enthousiasme ».

M. Fournier reprend ainsi une expression célèbre et forte, celle que Lucien Bouchard avait mise dans la bouche de Brian Mulroney en 1984. Ici toutefois, pas question de préciser quand la promesse pourrait être réalisée : « la question constitutionnelle n’est pas une affaire d’échéancier », a dit le ministre avec insistance.

Qu’a en tête le gouvernement ? La réponse, sans doute naïve (on aurait envie de croire), est qu’enfin les libéraux, comme fédéralistes québécois, recommencent à s’intéresser aux « intérêts du Québec » au sens « bourassien » du terme , même au risque de « jouer le jeu » des plus nationalistes. Le discours de M. Fournier comportait d’autres aspects revendicateurs : « Que ce soit la question du déséquilibre fiscal, de la péréquation, du financement de nos infrastructures ou des transferts en matière de santé, les provinces et le fédéral doivent collaborer. »

À l’approche des élections générales dans l’ensemble du Dominion, le gouvernement Couillard se prépare à revendiquer. Les partis fédéraux devront répondre à ces demandes essentielles. Pour ce qui est de la Constitution, Québec a certes le mérite de mettre le sujet sur le tapis. Mais en l’état, la demande a quelque chose de velléitaire. On aimerait en ces matières qu’il promette d’être de ce « métal qui ne rompt pas », selon l’expression que le premier ministre a utilisée à Matv au sujet du débat autour de la loi 3.

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