50 ans plus tard : on nous rejoue la cassette du général de Gaulle

Chronique de Patrice-Hans Perrier

C’est un 24 juillet 1967 que le Général de Gaulle lançait son prophétique « Vive le Québec libre ! » du haut du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal. Depuis lors, nous nous réfugions dans un passé mythique en évoquant – et invoquant – la figure tutélaire du Général de Gaulle ayant franchi le Rubicon du protocole diplomatique lors de sa mémorable visite au cœur d’un Québec en pleine ébullition. Les autorités canadiennes prendront ombrage de la tirade du général pour s’ériger en faux contre la montée en force du Québec au sein d’une Francophonie qui se voulait, à l’époque, le pendant du Commonwealth. En effet, le premier ministre du Québec, Daniel Johnson (père), avait entrepris de déployer une véritable diplomatie québécoise au sein d’une Francophonie desservant les visées géopolitiques du généralissime.
Malheureusement, de Gaulle sera éjecté du circuit politique avec le « coup d’état soft » de Mai 68 (qui nous rappelle celui de Mai 2017) et son complice, Daniel Johnson, sera emporté quelques temps après par une crise cardiaque foudroyante alors qu’il visitait le chantier de Manic-5, un projet-phare pour la stratégie énergétique du gouvernement québécois. Les nouveaux maîtres de la France, adoubés par la Banque, aboliront la capacité régalienne de l’état à battre monnaie et d’aligneront sur les desiderata de Washington et de ses satellites bruxellois. La Francophonie perdra de son mordant et sera, malgré sa reconnaissance par l’UNESCO, confinée à un rôle de sous-fifre, le monde de la culture et du spectacle devenant ses seules véritables prérogatives.
C’est avec les événements d’octobre 1970 que les puissants lobbies atlantistes bloqueront net la volonté d’émancipation du Québec post-moderne. Depuis lors, le Canada et la France se sont engagés dans un paradoxale pas de deux, dans un contexte où le Québec tient le rôle du chien dans le jeu de quille d’une Francophonie littéralement pervertie par la donne géopolitique.
Les mânes du bon général et de ses alliés seront invoqués, à l’occasion, par une classe politique faisant ses choux-gras d’une Francophonie servant à permettre à la grande famille socialiste d’étendre ses ramifications de part et d’autre de l’Atlantique. C’est ainsi que le Parti québécois et le Parti socialiste français, surtout sous l’impulsion de Michel Rocard – mondialiste déguisé en patriote – profiteront des anciens relais de la Francophonie gaulliste pour élargir leur bassin électoral, tout en manipulant le peuple au moyen d’une « social-démocratie » totalement fantasmée. En effet, le Président Mitterrand trahira, au tournant des années 1983, la classe ouvrière en mettant de l’avant une politique sociétale qui permettra de liquider en douce les acquis socioéconomiques des couches populaires françaises.
C’est au tournant des années 1990 - 2000 que les choses deviendront limpides : le Québec complètement inféodé à la doxa multiculturaliste du Dominion canadien et la France diluant toutes ses prérogatives régaliennes au gré des fameux traités – Maastricht, Lisbonne, etc. – globalistes. La politique politicienne règne, désormais, en maître sur une Francophonie marquée par le souvenir d’un Général de Gaulle floué en bout de ligne. Incidemment, la vassalisation de la Francophonie face à l’Imperium atlantiste peut être comparable à l’occupation de la France par les forces allemandes à une époque où de Gaulle se faisait la malle.
De nos jours, c’est le général Pierre de Villiers, ex-commandant en chef des forces armées françaises, qui se fait la malle dans un contexte où le nouveau président Emmanuel Macron ambitionne de mener une véritable politique de caudillo à la tête d’un Hexagone qui bat de l’aile. Reste à voir si le courageux Pierre de Villiers se laissera tenter par l’aventure politique … marchant sur les pas de son illustre prédécesseur.
Patrice-Hans Perrier

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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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1 commentaire

  • Bruno Deshaies Répondre

    23 juillet 2017

    2017-07-23 23:03
    Peu importe la façon dont vous abordez la remémoration en boucle de la déclaration de De Gaulle, je rejoins votre irritation signifiante. Cependant, je m'explique.
    De Gaulle a insufflé une énergie que Guy Frégault avait créée avec André Malraux, comme sous-ministre de la culture avec le ministre Georges-Émile Lapalme dans le premier mandat de Jean Lesage. On sait que ces deux personnes ont eu maille à partir avec un certain sous-ministre du gouvernement Lesage, Claude Morin.
    Pour comprendre, il faut lire de Guy Frégault : Guy Frégault : Chroniques des années perdues. (Voir le [compte rendu de Jean-Charles Falardeau->https://www.erudit.org/fr/revues/rs/1977-v18-n1-rs1544/055740ar.pdf ].) Un texte à lire et à relire par un témoin des événements et un collègue conscient des responsabilités que Guy Frégault avait acceptées sur l’insistance solennelle du ministre Lapalme dans le gouvernement de Jean Lesage.
    Voilà un des volets de la question nationale qui est parti en fumée.
    Qui plus est, j’ai suivi les cours de Guy Frégault comme étudiant pour l’obtention de la L. ès L, (histoire) à l’Université de Montréal. Un souvenir, à l’occasion de l’un de ses cours, il avait dit : « Petite société, petites idées. » Il savait qu’il fallait hisser les voiles pour prendre le grand large. Il avait aussi dit : « Si deux mots veulent dire la même chose, c’est qu’il y en a un de trop ! »
    Son décès prématuré m’a toujours intrigué.
    Je sais de quoi je parle puisque j’ai été le Directeur de l’enseignement des sciences de l’homme à la Direction générale de l’enseignement élémentaire et secondaire (DGEES) du Ministère de l’Éducation entre août 1969 et juillet 1977, y compris toutes les réorganisations aussi néfastes l’une que l’autre. Elles ont conduit à la réforme que vous savez sur la place de l’histoire « nationale » dans l’enseignement primaire et secondaire. Pour en savoir plus, consulter Le Rond-Point des sciences humaines.
    Pour revenir à De Gaulle, les Québécois devraient apprendre la différence entre l’oppression essentielle et les oppressions accidentelles. La perte de l’agir (par soi) collectif est à la racine de notre incompréhension de la question nationale.