Germain Belzile - Économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal (IEDM)
L'enjeu du financement des universités revient au centre des discussions sur l'avenir du système québécois d'enseignement supérieur. La Faculté de gestion Desautels de l'Université McGill a annoncé l'adoption d'un modèle d'autofinancement qui fera passer les droits de scolarité de 1673 $ à 29 500 $ par année pour les étudiants au MBA, et ce, malgré l'opposition ferme de la ministre de l'Éducation.
Plusieurs intervenants du monde universitaire, de la sphère politique (dont l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, en février) et de la communauté d'affaires (dont Stephen Jarislowsky dans une lettre ouverte aussi cosignée par Michel Kelly-Gagnon, p.-d.g. de l'IEDM, ainsi que par plusieurs autres chefs d'entreprise, en mai) ont souligné l'urgence d'une majoration des droits de scolarité afin d'assurer la qualité et l'excellence de l'enseignement supérieur au Québec.
Toutefois, même venant de plusieurs personnalités reconnues, ces recommandations d'augmenter la contribution des étudiants aux revenus des universités se heurtent à la fausse idée selon laquelle cela réduirait l'accessibilité aux études supérieures. J'aimerais rappeler que lorsque l'on compare le taux de fréquentation universitaire et le montant des droits de scolarité entre les provinces canadiennes, on n'observe aucun lien direct.
En effet, malgré les faibles droits de scolarité au Québec, la fréquentation des universités, calculée comme la proportion de jeunes adultes inscrits à plein temps dans une université, est dans la moyenne canadienne. Ce taux se situe à 28,8 % pour l'année 2008-2009. Parallèlement, la Nouvelle-Écosse, qui a les droits de scolarité les plus élevés, a également le taux de fréquentation le plus élevé, à 42,2 %. «Accessibilité» ne rime donc pas avec «droits de scolarité faibles».
De plus, la forte augmentation des droits de scolarité au Québec après 1990 (demeurés préalablement gelés pendant une vingtaine d'années) ne semble pas avoir nui au taux de participation, lequel a continué d'augmenter. En outre, la fréquentation a diminué après 1994, soit après que les frais ont de nouveau été gelés pour les étudiants résidant au Québec.
Il est donc faux de prétendre qu'une éventuelle hausse des droits de scolarité universitaires conduirait nécessairement à une réduction de l'accessibilité.
Il faut aussi souligner que les faibles droits de scolarité ne profitent pas nécessairement aux plus pauvres. Selon une étude de Statistique Canada de 2005, les étudiants dont les parents gagnent les plus hauts revenus sont plus susceptibles de fréquenter l'université que ceux dont les parents gagnent un plus faible revenu.
Qualité de l'enseignement
Un autre défi important avec lequel les universités doivent composer est l'embauche de jeunes professeurs de calibre international. Les directeurs de différents départements universitaires affirment que leur manque de revenus les empêche d'offrir des salaires concurrentiels pour attirer et retenir les meilleurs professeurs. À titre d'exemple, une étude récente de l'Association des professeurs de HEC Montréal montre que le salaire moyen d'un professeur adjoint est de 66 820 $ à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et de 144 089 $ à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto. Pour un professeur titulaire, les chiffres sont respectivement de 103 311 $ et 203 899 $.
Équité
L'éducation est un investissement en capital humain qui s'avère très rentable. Selon le ministère de l'Éducation, un diplômé du secondaire peut espérer gagner (avant impôts) 1 288 438 $ au cours de sa vie, alors que pour le titulaire d'un baccalauréat, ce montant s'élève à 2 166 948 $. Les diplômés universitaires ont non seulement des revenus plus élevés que la moyenne des travailleurs, mais leur taux de chômage est aussi nettement plus faible. Par conséquent, en subventionnant davantage l'éducation supérieure, l'ensemble des contribuables québécois se trouve à financer les hauts salariés de demain. Je doute que cette pratique soit réellement équitable et solidaire.
Les universités devraient avoir le choix de facturer ou non des droits plus ou moins élevés selon le mandat et la mission qu'elles se fixent. Par exemple, l'Université McGill, qui souhaite maintenir l'excellence de son programme de MBA et qui est en concurrence directe avec d'autres établissements partout en Amérique du Nord, devrait pouvoir adapter ses droits de scolarité à ses besoins financiers et à son environnement concurrentiel.
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Germain Belzile - Économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal (IEDM)
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