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Québec face à Ottawa - JJC sans le Bloc


Au début de la campagne fédérale, un lecteur du "Toronto Sun" nommé Tim Devlin avait lancé: «Demander au Québec de se débarrasser du Bloc, c'est comme demander à un cochon de manger avec un couteau et une fourchette.»
En toute justice, M. Devlin devrait aujourd'hui présenter des excuses. Contrairement à ce qu'écrivait alors un chroniqueur du Sun et ancien ministre de l'Éducation dans le gouvernement de Mike Harris, John Snobelen, le Canada n'est plus «contrôlé par les traîtres du Bloc québécois».
Dès sa création, le Bloc a provoqué au Canada anglais une haine que même son effondrement ne semble pas avoir tempérée. Samedi, les journaux de la chaîne Sun Media, propriété de Quebecor, ont publié un éditorial demandant à Stephen Harper «d'achever» le Bloc en mettant fin au financement public des partis politiques.
«Mettre un terme à ces subventions forcera les libéraux à vendre des stylos au coin de la rue, et le Bloc n'aura plus que vingt ans de souvenirs à voler l'argent des contribuables canadiens pour financer sa traîtrise», pouvait-on y lire.
On peut facilement comprendre qu'un parti dont le seul objectif était de favoriser la sécession du Québec ait été franchement détesté dans le ROC. Il suffit d'imaginer l'effet que produirait ici la naissance d'un parti qui ferait la promotion de la partition du territoire québécois.
Il est plus troublant de constater que l'agressivité que suscite encore le Bloc semble traduire les sentiments que plusieurs éprouvent à l'endroit du Québec lui-même, cet éternel insatisfait qui empêche le pays d'affirmer pleinement sa personnalité.
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Dans une démocratie, la représentation selon la population est sans aucun doute un principe fondamental, même s'il peut souffrir certaines exceptions. Au Québec même, plusieurs trouvent excessive la disparité entre les circonscriptions des régions, dont le nombre d'électeurs est souvent très inférieur à la moyenne, alors que celles des grands centres sont surpeuplées.
C'est cependant dans le but avoué d'affaiblir le Québec qu'un chroniqueur du National Post, Lorne Gunter, presse le gouvernement Harper de revenir à la charge avec le projet de loi C-12, qui aurait pour effet de créer trente nouvelles circonscriptions en Ontario et dans l'Ouest. Il se réjouit à l'idée que «ces trente sièges supplémentaires réduiront encore davantage l'influence du Québec et de sa population stagnante».
Il est assez paradoxal qu'après s'être désolé pendant des années de voir les Québécois s'exclure volontairement de la dynamique politique canadienne en votant massivement pour le Bloc, c'est au Canada anglais qu'on souhaite maintenant le marginaliser.
Il est vrai que, pour la première fois, Stephen Harper vient de faire la preuve qu'un parti peut former un gouvernement majoritaire sans faire élire un nombre significatif de députés au Québec.
Cette fois-ci, personne ne peut cependant accuser le Québec d'avoir boudé le Canada. Le cochon a appris à manger avec une fourchette. Le NPD est un parti authentiquement canadien, qui a même moins de racines québécoises que les autres. Si le ROC ne souhaite pas qu'il forme un gouvernement, ce n'est certainement pas la faute du Québec.
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Certes, il faut donner la chance au coureur et laisser aux nouveaux élus néodémocrates le temps de faire leurs preuves. On dit que Ruth Ellen Brosseau, que ses électeurs de Berthier-Maskinongé ont bien hâte de rencontrer, est «vraiment excitée» par son nouvel emploi.
Il demeure que Mme Brosseau et ses collègues se trouvent investis d'une mission totalement imprévue. On demande à des gens qui n'ont pour la plupart aucune expérience politique de préserver le lien entre le Québec et le reste du pays.
La tâche ne sera pas si compliquée tant que le PLQ sera au pouvoir. Jean Charest est un Canadien dans l'âme et il n'a jamais rien demandé qui serait susceptible de fragiliser la fédération, bien au contraire. Les relations avec Thomas Mulcair s'annoncent un peu difficiles, mais le premier ministre pourra traiter directement avec Jack Layton.
La situation changerait dramatiquement si le PQ prenait le pouvoir. M. Layton ne pourrait pas se permettre de pactiser avec un gouvernement souverainiste, sous peine de se mettre le reste du pays à dos, et il a trop d'expérience pour croire que la domination de son parti au Québec va durer.
Bien des éléments de la «gouvernance souverainiste» pourraient faire consensus au Québec. Qui s'oppose à ce qu'il obtienne les pleins pouvoirs dans des secteurs liés directement à son identité, comme la langue, la culture ou l'immigration?
Au Canada anglais, on risque cependant de voir la chose d'un autre oeil. Si les relations entre Québec et Ottawa dégénèrent, comme on peut s'y attendre, les députés néodémocrates vont se retrouver dans une position intenable.
La «nouvelle loi 101» qu'entend proposer Pauline Marois risque également d'être très mal reçue dans le ROC, surtout si elle doit inclure une clause «nonobstant». Les journaux de Sun Média et les émissions de tribunes téléphoniques vont pouvoir se déchaîner contre ces lois «nazies», comme ils l'ont fait dans le passé. Même M. Layton pourrait en perdre le sourire.


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