Après Amherst, Pie IX?

Deux solitudes, on n'en sort pas...



Un conseiller municipal de Montréal, Nicolas Montmorency, a lancé une campagne pour que soit débaptisée la rue Amherst. Selon M. Montmorency, le général Jeffrey Amherst, connu pour sa haine des Amérindiens, ne mériterait pas d'être honoré de cette manière.
Les motivations de M. Montmorency vont toutefois au-delà du respect dû aux nations autochtones; il a déposé au conseil municipal une autre motion visant à ce que soient traduits les noms de rue «injustement anglicisés» tels University, McGill College et City Councillors.
Il ne fait pas de doute que le général Amherst était un dur. Il aurait notamment approuvé un plan visant à répandre la petite vérole parmi les Algonquins Delaware en leur distribuant des couvertures qui avaient servi à des soldats malades. D'où l'affirmation du conseiller municipal selon laquelle le général anglais fut «à l'origine de l'un des premiers génocides bactériologiques en terre d'Amérique.»
Le plan conçu par un subalterne d'Amherst était en effet odieux. Rendre le général responsable de la décimation des autochtones du Canada, toutefois, est un peu gros. On ne sait pas si le plan en question a fonctionné et combien de morts en ont résulté. On sait par contre que les Amérindiens avaient commencé à subir les affres des virus européens des décennies avant qu'Amherst n'arrive ici.
L'histoire est faite de teintes de gris, rarement de noir ou de blanc. Chaque personnage historique a à son compte du bon et du mauvais. Selon la personne qui contemple l'histoire, selon l'époque où elle vit, tel personnage est héros ou scélérat. De sorte qu'il est néfaste et prétentieux de chercher à effacer les traces de quelqu'un parce que ses faits et gestes ne satisfont pas aux goûts et normes du jour.
Les exercices de rectitude historique peuvent mener leurs partisans plus loin qu'ils ne le pensent. Si le nom d'Amherst doit disparaître en raison du mauvais parti qu'il fit aux Amérindiens, que penser de celui de Christophe Colomb, dont les voyages ont amorcé la colonisation espagnole, avec les conséquences que l'on sait sur les Autochtones d'Amérique du Sud?
Faudrait-il aussi débaptiser le boulevard Pie IX? Pourquoi honorer la mémoire d'un tel réactionnaire, qui soutint entre autres horreurs que l'esclavage était «conforme au droit naturel et au droit divin»? Enquêtera-t-on aussi sur les actes et les opinions de tous ces saints en l'honneur desquels on a baptisé des dizaines de rues?
Pour ce qui est de «franciser» les noms de rue de Montréal, ce serait faire fi du fait que la métropole a été largement façonnée par sa communauté anglophone, qui en constituait au siècle dernier la moitié de la population. S'assurer que le français soit la langue commune à Montréal ne devrait pas vouloir dire qu'on en efface toute trace d'anglais.
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La semaine dernière, un groupe de Montréal-Nord a suggéré que soit changé le nom du parc Henri-Bourassa pour «parc Fredy Villanueva», en hommage au jeune homme qui a perdu la vie à cet endroit il y un an. Je laisse aux gens de l'arrondissement le soin de déterminer s'il faut commémorer d'une manière ou d'une autre ce triste incident. Chose certaine, on ne devrait pas le faire au détriment de la mémoire de M. Bourassa, un des plus grands leaders nationalistes de l'histoire du Canada français.
Il est toujours dangereux de modifier la toponymie sur le coup de l'émotion. Quand l'administration Doré a, tout de suite après le décès de René Lévesque, attribué son nom au boulevard Dorchester, elle n'a pas soulevé d'indignation chez les francophones. Pourtant, Lord Dorchester (le gouverneur Guy Carleton), a été l'un des personnages les plus importants de notre histoire; c'est grâce à lui que les Canadiens ont pu retrouver leur droit civil (Acte de Québec, 1774). Aurait-on pu accorder à René Lévesque un honneur digne de son extraordinaire contribution à l'édification du Québec moderne sans rapetisser à un simple square l'hommage fait à Dorchester?
On a vu, lorsque l'administration Tremblay a voulu débaptiser l'avenue du Parc pour lui donner le nom de Robert Bourassa, combien ce genre d'exercice est délicat. Il faut agir avec prudence, après mûre réflexion, dans le respect de l'histoire.
Les noms de rue eux-mêmes font partie de cette histoire. Si, au début du XIXe siècle, on a choisi d'honorer la mémoire d'Amherst, c'est parce qu'il était un héros aux yeux des Anglo-Montréalais de l'époque. L'existence d'une rue Amherst n'a donc rien de déplorable; elle offre une occasion de plus de mieux connaître et de mieux enseigner notre histoire.
La Politique du patrimoine adoptée par Montréal en 2005 souligne l'importance «d'assurer la pérennité des toponymes attribués et leur appropriation par les citoyens.» En vertu de cette Politique, «seules des circonstances exceptionnelles justifient le changement de nom d'un lieu.» Autrement dit, on n'efface pas l'histoire.

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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