Qu'elle finisse en 2009 ou plus tôt, la mission canadienne en Afghanistan est d'ores et déjà foutue. Elle était déjà mal partie, mais l'amateurisme navrant et le manque de conviction du gouvernement de Stephen Harper ont accéléré l'inexorable conclusion: nous sommes perdus en Confusghistan.
Dès le départ, quand le gouvernement Chrétien a accepté d'embarquer le Canada dans cette aventure en 2003, cette mission a été mal définie, mal dirigée, mal expliquée.
La confusion dans le message du gouvernement de Stephen Harper ne fait qu'aggraver les choses, démontrant qu'Ottawa s'embourbe et qu'il ne sait plus comment s'en sortir. À ce rythme-là, février 2009 n'arrivera jamais assez vite.
Le nouveau ministre de la Défense, Peter MacKay, a donné la fin de semaine dernière une parfaite illustration de l'improvisation en cours. Pas étonnant qu'un nombre grandissant de Canadiens s'y perdent aussi et réclament le rappel des troupes.
Il semble de plus en plus clair que nous sommes en Afghanistan pour une noble cause et pour les bonnes raisons - la démocratie, la liberté, l'égalité - mais que nous avons hérité du mauvais rôle. Et de la mauvaise scène.
Pour s'en convaincre, il suffit de lire l'excellent papier publié la semaine dernière dans la revue américaine Newsweek. À la lecture de cet article touffu, on comprend plus facilement dans quel bourbier nous sommes tombés en débarquant dans la pire zone de l'Afghanistan.
On constate que l'administration Bush a lancé une offensive musclée dans le seul but de trouver ben Laden mort ou vif, comme l'avait dit le président.
Ce n'est qu'une anecdote, certes, mais elle est révélatrice. Dans les premiers jours de l'invasion américaine, le chef du contre-terrorisme à la CIA avait exigé de ses agents qu'ils ramènent la «tête de ben Laden dans une boîte». Ceux-ci l'avaient pris au pied de la lettre, se faisant livrer en Afghanistan une boîte et de la glace sèche, au cas où.
Mais la tête de ben Laden n'est jamais venue et les Américains se sont lassés de bombarder des cavernes. L'administration voulait quelque chose de plus gros, de plus spectaculaire pour satisfaire l'opinion publique traumatisée par le 11 septembre. De là l'Irak, où les forces américaines s'embourbent depuis plus de quatre ans.
Newsweek relate la réaction de George Bush, en 2005, après que les dirigeants de la CIA lui eurent fait part du peu de progrès dans la traque de ben Laden en Afghanistan et au Pakistan. «Vous n'avez pas plus de ressources sur place?» s'est étonné le président. Non, monsieur le président, l'Irak draine l'essentiel de nos ressources, lui ont répondu les sbires de la CIA.
Les Américains, après avoir mis toute la gomme en Afghanistan, s'en sont détournés, comme un enfant jette un jouet dont les piles ne fonctionnent plus, pour se tourner vers l'Irak. Et maintenant, le petit Canada devrait accomplir des miracles en quelques années? Mission impossible.
Aux États-Unis, les grands médias, les démocrates et même les républicains sont de plus en plus nombreux à critiquer l'administration Bush d'avoir concentré sa guerre contre le terrorisme en Irak plutôt que de finir "la job" en Afghanistan et au Pakistan. C'est de ce fiasco que le Canada a hérité en Afghanistan.
Le doute qui s'est installé au cours des derniers mois au sein de la population canadienne semble maintenant avoir rejoint le gouvernement Harper, les médias et même nos troupes là-bas. Dans un long article fort documenté, la journaliste du Globe and Mail Christie Blatchford (une habituée de l'Afghanistan qui a signé ces derniers mois des chroniques très favorables à la mission armée), dresse un portrait désolant de la mission canadienne: nous gagnons quelques batailles militaires, mais nos efforts sont immédiatement perdus dans un mélange de corruption, d'ineptie et de guerres tribales, écrit-elle, preuves à l'appui.
«Je ne dirais pas que ce que nous faisons est une perte de temps, mais pas loin», admet même franchement le brigadier général Guy Laroche, le nouveau commandant à Kandahar, reconnaissant que les troupes canadiennes ne font que reprendre le terrain perdu au fil des mois aux mains de talibans increvables.
Ajoutez à cela les rapports sur le gaspillage de fonds publics par l'ACDI en Afghanistan, et personne ne s'étonnera de voir l'appui à la mission chuter aussi rapidement.
Même le gouvernement Harper doute, comme en font preuve les propos du ministre MacKay. On peut reprocher à George W. Bush ses choix stratégiques et son entêtement, mais personne ne pourra jamais douter de son engagement dans sa guerre au terrorisme.
La confusion entretenue par les conservateurs les sert peut-être politiquement à court terme (lire: en vue des élections partielles de Roberval et Saint-Hyacinthe le 17 septembre), mais elle démontre surtout qu'ils n'ont pas de plan. En plus d'envoyer le pire message dans la population et aux militaires, qui ont déjà le moral dans les talons.
Cela dit, le premier ministre peut très bien attendre, malgré les cris des partis de l'opposition, son discours du Trône le mois prochain pour confirmer que le Parlement votera sur l'éventuelle fin de cette mission. Stephen Harper sait fort bien que s'il donne raison maintenant à l'opposition sur l'Afghanistan, elle se retournera et réclamera autre chose pour accepter le discours du Trône.
On n'est pas à un mois près. Avec un peu plus de temps, le gouvernement pourra peut-être concocter un plan afghan cohérent plutôt que d'alimenter la confusion avec des déclarations contradictoires.
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