Bonne Saint-Jean

Souhaitons-nous malgré tout une fête nationale qui ne soit pas trop teintée d’amertume.

Chronique d'André Savard

En cette semaine de la St-Jean, le cœur n’est pas qu’à la fête. On ne peut que se demander quelles sont dans les inerties et contraintes du présent, les ouvertures. Évidemment, si par «ouvertures» on entend laisser filer ses regards à droite et à gauche, ça n’ira pas très loin.
La lettre de plusieurs membres de la jeune députation du Parti Québécois fut lacérée par plusieurs commentateurs comme exemple d’un mauvais plan de communication. C’est aujourd’hui le blâme fatal. Manquer à une stratégie communicative est une faute grave. Une journée, on blâme la langue de bois et le lendemain, on se fait les apôtres d’un bon plan promotionnel bien codifié.
En fait, les députés de la jeune cuvée ont raison de demander la confiance et de ne plus être considérés comme la simple relève. Bien que talentueux, ils sont ravalés au rang de chevaliers de l’ombre que l’on ne voit que pour commenter les dossiers au feuilleton de l’Assemblée Nationale. Ils ne sont pas si jeunes, a-t-on lu. Certains sont quadragénaires. C’est un argument? On écoute les patriarches ou ceux qui ont la verdeur de la prime jeunesse, le vissé dans les oreilles? Et le reste s’étouffe dans la zone intermédiaire.
Le mouvement indépendantiste semble s’être englué dans une juxtaposition de postures et dans des dramatisations. La « gouvernance souverainiste » n’est pas une menace à l’orthodoxie. Il est normal qu’il y ait une Constitution nationale du Québec, impérieux de mettre en place une citoyenneté québécoise. Le gouvernement national des Québécois commence ainsi à produire un corpus s’appuyant sur les droits intrinsèques de l’institution au-delà du rang de province alloué par le système canadien.
Sous prétexte que seule la conformité provinciale est possible dans le régime canadien, des indépendantistes voient une énorme menace à l’orthodoxie dans la “gouvernance souverainiste”. Étonnant de voir des purs et durs qui disent que l’on n'a qu’à tenir notre rang tant que l’on fera partie du régime canadien. Si j’étais unitariste canadien, je ne souhaiterais pas de meilleur ennemi. Être contre la gouvernance souverainiste, c’est être pour le décentrement du gouvernement national des Québécois et pour la primauté du régime canadien,
La lettre de plusieurs membres de la jeune députation du parti Québécois dirige un questionnement là où il doit se faire. Les indépendantistes n’ont-ils pas tendance à trop s’inspirer des scénarios du passé? Et nous pourrions ajouter: n’est-ce pas le cas quand ils parlent par exemple d’inventer des échéanciers?
Un comité vérifierait l’exécution d’un plan préparé. Il verrait à ce que tout se passe dans les règles. Il pourrait noter le non-respect des délais et le travail mal fait.
Il y avait un danger dans cette formule. D’abord, l’accession à la souveraineté ressemblait à un chantier de construction avec devis, calendrier et contremaître. Partant du principe que les Québécois ne se diraient pas non trois fois, on voulait une démarche bien cadencée, convaincus que la fermeté d’un bon esprit de décision ferait enfin aboutir le processus à la fin désirée.
Le gouvernement du Parti Québécois s’est coincé dans un échéancier pour les deux premiers référendums. La première fois, il s’est engagé à le faire à l’intérieur d’un premier mandat. La deuxième fois, Jacques Parizeau s’est engagé à le tenir la première année du mandat. Heureusement, nommer Lucien Bouchard comme négociateur en chef a eu alors un effet magistral qui a provoqué un retournement de l’opinion publique.
Alors que le Fédéral disait la souveraineté non négociable, la population avait une énorme confiance en Lucien Bouchard. Aujourd’hui, plusieurs indépendantistes inclinent à penser que les échéanciers ont une vertu en soi et que le savoir-faire appliqué par les vrais indépendantistes, il suffit de purger le mouvement des faussaires, permet un guidage efficace des événements. Les échéanciers furent contre-productifs une première fois et la seconde fois, Lucien Bouchard comme un facteur imprévu est venu rassurer l’opinion publique sur le fait que tout se déroulerait correctement.
Il y a ceux qui disent qu’il suffit de bien parler de la souveraineté ou de convenablement expliquer avec un calendrier puis bang, on régente les conditions d’apparition de la souveraineté. En même temps, on a cette idée d’initiative populaire comme si, des couches profondes de la population, venait quelque point d’appui rationnel qui viserait les bonnes politisations et cernerait d’instinct les droits supérieurs de l’Etat québécois et leur formulation constitutionnelle.
Confier la mise en forme de la loi fondamentale d’un gouvernement national aux auspices d’une agora, c’est risqué. Dans le meilleur des cas, on peut tomber dans un amalgame de champs d’enquête et de problèmes ponctuels. Dans le pire des cas, la lentille peut se dérégler. Un groupe de pression, plus de droite, moins de gauche, ou l’inverse, fixe l’objet d’hostilités morales et les autres claquent la porte.
Et qu’obtient-on? Des colonnes de critiques atmosphériques qui s’appuient sur des nuages, comme on le voit en ce moment dans la remise en question du parti Québécois. La critique regroupe des postures passablement différentes. Pour comprendre l’exaspération des conflits chez les indépendantistes, il faut noter le tragique des postures, ceux qui choisissent la voie du détachement, celle de la lutte et de la critique contre les mous, ou ceux qui défendent la souveraineté personnelle contre les plans de communication.
D’ailleurs, c’est du fait que l’on a affaire à une collection de postures sans trame cohérente que l’on se crée l’illusion de reposer autrement les questions, de s’affranchir de postulats fondamentaux.
Souhaitons-nous malgré tout une fête nationale qui ne soit pas trop teintée d’amertume.
André Savard


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    Pour nous remonter le moral...
    Yves Lambert,Fête Nationale du Québec 2011 Parc Maisonneuve
    nous chante du Gaston Miron et de la Bolduc
    http://www.youtube.com/watch?v=G-YuEVwi-KQ

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2011

    Non très peu pour moi. Y`a rien mais rien à fêter. Fêter l`assimilation? Peut-être. Fêter que les députés du PQ (même si je suis en partie d`accord avec eux) vont diviser le vote pour permettre à JJ de reprendre le pouvoir? Non vraiment je suis gêné d`être Québécois vraiment gêné....

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juin 2011

    Je suggère de laisser le mouton pisser et il reviendra brouter la liberté.
    Couler comme Rivière,Le plus Beau Voyage(de Claude Gauthier)
    http://www.youtube.com/watch?v=D_TdAAIIs8M
    Garder sa flamme allumée est la seule façon d'élargir l'incendie.Le suicide n'est pas une option.

  • Michel Laurence Répondre

    20 juin 2011

    ‎24 juin - Journée de Deuil national ! - http://bit.ly/lzw5be

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juin 2011

    Ils sont pourtant rappelés et expliqués clairement, même personnellement à Gilles Duceppe et à Pauline Marois, sur le site jesignequébec.com
    Cette année, si je fête la Saint-Jean, c'est un drapeau du Québec flottant tête-bêche à un mât | Le signe de la triple détresse de la démocratie québécoise

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juin 2011

    Monsieur Savard,
    Je vous comprends, mais en ce qui concerne notre fête dite "nationale" j'ai toujours été ambivalent. Fier d'être québécois, bien sûr, mais pas fier du tout comme membre d'une nation qui refuse jusqu'à maintenant d'être libre et indépendante comme toutes les nations de la planète qui peuvent l'être.
    Je profite du congé pour voir parents et amis, mais je me refuse à fêter notre dépendance.
    A chaque année, je me dis qu'on fêtera quand on aura enfin le courage minimal de se donner un pays. Pas avant.
    Pierre Cloutier