Cachez cette raison d'être que nous ne saurions voir

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{{L’indépendance, une affaire de rupture}}

La politique est un sport extrême, et d'affirmer qu'elle est riche en rebondissements relève de l'euphémisme. Une campagne de peur digne de la décennie 1970 vient de se terminer, à la différence que c'est cette fois-ci le référendum et non l'indépendance en elle-même qui était la source de terribles phobies. Ainsi, en pleine consultation électorale, d'aucuns ont tremblé devant la perspective éventuelle... d'une autre consultation populaire. Pour les électeurs fédéralistes et/ou incertains, la perspective d'une marche santé d'une dizaine de minutes - le temps de voter « non »- semblait être une raison suffisante pour confier aux libéraux les clés de leur gouvernement.
Quoi qu'il en soit, le Parti québécois en est (une fois de plus) à l'heure des bilans. Il serait pertinent qu'il évite cette fois-ci de se lancer dans une prétendue période de remise en question qui serait suspendue dès l'instant où les sondages deviendraient alléchants. Si course à la direction il y a, espérons que les militants ne se limitent pas cette fois-ci à une faiblarde logique de marketing politique en optant pour « le chef le plus populaire ». Parlant de la tête dirigeante, les péquistes auraient tout intérêt à abandonner les analyses qui limitent les raisons de leurs déboires à la couleur de la chemise du chef. La direction d'une formation politique est fondamentale -et Pauline Marois a pris la seule décision honorable qui s'imposait- mais il serait futile de limiter l'effondrement du PQ, qui vient de passer sous son plancher habituel de trente pour cent, aux limites inhérentes à la première ministre sortante.
La campagne a débuté sous les meilleurs augures pour le Parti Québécois. Le PQ espérait sans doute pouvoir mener une campagne calme et sans éclats en maintenant un rythme stable selon la logique partisane, soit en alternant engagements, éloges du bilan gouvernemental et attaques contre un adversaire impopulaire.
La recherche du consensus était ostentatoirement perceptible dès le dévoilement de la plateforme du parti, qui semblait toute formatée pour ne pas faire de vagues. L'évacuation de la création d'une citoyenneté québécoise et la promesse d'une nouvelle Charte de la langue française excluant cette fois-ci l'extension de la Loi 101 au niveau collégial et aux écoles privées non subventionnées en témoignaient.
Pour compléter le tableau, le PQ annonçait que la « libérale indépendante » Fatima Houda-Pépin aurait le champ libre au nom de la nécessité d'adopter un projet de loi que la députée sortante de La Pinière n'appuyait d'ailleurs pas. Aussi essentielle que soit la Charte de la laïcité, c'est l'indépendance du Québec qui est censée constituer la raison d'être du PQ. L'appui à une candidate canadianiste - aux affiches bilingues et arborant l'unifolié - établissait faussement que la question identitaire et l'enjeu national peuvent être traités de manière distincte.
Le PQ se présentait clairement devant l'électorat avec un agenda de « bon gouvernement » provincial. Mais l'arrivée de Pierre Karl Péladeau a brusquement forcé le PQ à troquer le pilote automatique pour la gestion de crise. C'est là où des facteurs en apparence conjoncturels ont révélé un malaise interne structurel.

Les analystes patentés s'entendent pour jeter leur dévolu sur la thèse la plus simpliste : l'article 1 serait, pour le PQ, un boulet qui l'empêcherait à jamais de gagner la faveur populaire. Il est vrai que le PQ projetait l'impression de le percevoir comme tel. Le poing levé de PKP a effectivement effrayé bon nombre d'électeurs en concrétisant la question nationale et en polarisant autour de celle-ci au détriment du PQ.
On ne transforme pas le paradigme sociétal en quelques jours de campagne.
La politique provinciale se fonde sur la partisanerie sloganique et la vente de solutions inadéquates (qu'on appelle désormais les « vraies affaires ») pour masquer le peu d'espace accordé par une condition nationale défaillante. Celle-ci ne pouvait être exempte de bouleversements devant la venue d'un indépendantiste décomplexé crédible issu du Québec Inc.
La totale incapacité du Parti Québécois à défendre ou à simplement assumer son option fondatrice était frappante. Les diverses culbutes autour de référendum « quand les gens seront prêts », « qu'on ne souhaite pas », « qui pourrait ne pas arriver avant deux mandats » (Marois) ou source de pessimisme (Lisée) ont transformé la campagne péquiste en spectacle burlesque. Le PQ fuyait le débat national, laissant entendre qu'il cherchait à procéder subrepticement plutôt qu'à visière levée. Le reste de la campagne n'a été qu'improvisation et culbutage sur à peu près tous les obstacles qui se dressaient sur la route du parti. Sembler aussi incertain de sa propre raison d'être n'a évidemment pas de quoi atténuer les insécurités populaires à l'endroit de cette dernière.
En supplantant l'indépendance par une position de compromission autonomiste, le PQ enfoncerait l'ultime clou à son cercueil. Les souverainistes ont beau tenter d'éclipser ce qu'ils sont, leurs adversaires seront toujours les premiers en ligne pour le leur rappeler. La stratégie prétendument rassurante a plutôt attisé la méfiance, en plus de dédramatiser durablement l'indépendance en la transformant en question de ferveur spontanée, de momentum et de calendrier alors qu'elle est affaire de rupture. Il apparaît impossible de préserver le caractère essentiel et urgent d'un projet qui se substitue volontiers à la recherche de la gouvernance provinciale, un cadre étroit dont les indépendantistes devraient faire le procès plutôt que de chercher à s'y conformer.
Un renouvellement en profondeur de la doctrine indépendantiste s'impose. La grille d'analyse indépendantiste doit impérativement remplacer celle du calcul politicien. C'est ce cadre qui doit guider le PQ pour l'avenir, à travers chaque prise de position. De par le canadianisme décomplexé de Philippe Couillard, l'espace politique pourrait bien évoluer de manière désastreuse vers un tel schème de pensée. Ce n'est pas par une opposition relevant de la logique partisane que les libéraux, dont la mission historique de succursalisation du Québec est désormais claire, échoueront dans leurs desseins. La promesse de Philippe Couillard de signer la Constitution pour 2017 reste toujours d'actualité, et le bon docteur a bien pris soin de ne pas préciser les moyens qu'il comptait employer ou les conditions d'une éventuelle adhésion.
Pour que le rapport des Québécois à la question nationale évolue dans le sens que les souverainistes l'espèrent, l'indépendantisme se doit d'être résolu et affirmé. Non seulement le PQ n'a rien à y perdre dans sa situation actuelle, mais choisir un autre chemin pourrait mener à l'éclatement du parti.
Le PQ erre depuis trop longtemps les voies compensatoires de la vie partisane en s'éloignant de ses fondements premiers. Sa dégelée lui permettra peut-être de revenir à ceux-ci. Si l'élection doit être référendaire, aussi bien qu'elle le soit à l'initiative des indépendantistes et non à leur insu.

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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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