Jean-Claude Surprenant - Alain Gagnon, professeur de sciences politiques à L’Université du Québec à Montréal (UQAM), affirme que Jean Charest a fabriqué le conflit étudiant à des fins électorales.
Dans une entrevue accordée à la Tribune de Genève, le professeur montréalais donne son interprétation de la crise que traverse actuellement le Québec.
Selon M. Alain Gagnon, « le gouvernement libéral attise le conflit au lieu de chercher un accord ».
Il affirme que la loi 78 fait partie d’une stratégie politique du premier ministre, qui veut, selon lui, faire durer la crise.
Selon Alain Gagnon, les Québécois ont perdu confiance dans leur gouvernement, miné par les affaires de favoritisme et les allégations de corruptions et de collusion.
Comme il a perdu son autorité morale, poursuit le politicologue, le gouvernement attise le conflit pour ensuite se faire le défenseur de la paix sociale.
Tout ça dans le but de se faire réélire pour un quatrième mandat.
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QUÉBEC
«Le premier ministre a fabriqué ce conflit à des fins électorales»
Par Gustavo Kuhn le 05.06.2012
Professeur de sciences politiques à Montréal, Alain Gagnon est de passage à Genève. Il analyse les dessous du conflit étudiant. Interview
Même si elles ont attiré moins de monde ces derniers jours, les manifestations d’étudiants se poursuivent au Québec. Professeur de sciences politiques à L’Université du Québec à Montréal (UQAM), Alain Gagnon est de passage à Genève. Epinglé sur sa chemise, un petit carré rouge symbolise son soutien à la grève universitaire. Pour lui, le gouvernement libéral de Jean Charest attise le conflit au lieu de chercher un accord. Ceci, dans un but électoraliste. Interview.
Que veulent vraiment les étudiants québécois?
La mobilisation a commencé lorsque le gouvernement a annoncé son intention d’augmenter les frais d’université de 75% sur cinq ans. Certaines associations s’y sont opposées car elle trouvait simplement la hausse abusive. Mais la Classe (Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante), qui représente plus de la moitié d’entre eux, a dès le départ dénoncé le système vers lequel le gouvernement veut orienter plus encore la politique universitaire. A savoir, vers un modèle plus «anglo-saxon», plus libéral, basé sur un concept de consommateur-payeur.
Mais surtout, lorsque le gouvernement a décidé de faire passer la loi 78 à la mi-mai, qui limite le droit à manifester, les enjeux du conflit ont largement dépassé le cadre des taxes universitaires.
Pour moi, tout cela fait partie d’une stratégie politique du premier ministre Jean Charest.
Vous dites que le gouvernement polarise volontairement les positions?
Monsieur Charest veut effectivement faire durer la crise. Il n’a aucune volonté de trouver un accord. Il n’a d’ailleurs rencontré les étudiants qu’après 16 semaines de grève. Il a aussi fait passer la loi spéciale limitant les manifestations avant de discuter avec les représentants. Et quand les jeunes lui ont proposé une alternative à la hausse des droits de scolarité pour financer l’université, le gouvernement a coupé court aux négociations. Un autre point est intéressant à relever: les frais occasionnés par cette crise, notamment en termes de coûts de déploiement des forces de l’ordre, ont déjà largement dépassé la somme qui aurait été récoltée avec la hausse des taxes universitaires.
Quel avantage le gouvernement trouverait-il à cette crise?
Monsieur Charest désire être réélu pour un quatrième mandat. Or, beaucoup de Québécois ont perdu confiance en sa politique. Son taux de popularité est de 30%. Mais, si on parle de sa capacité à ramener la paix sociale, sa cote remonte à 50%. Il polarise donc volontairement le débat dans le but d’être réélu. Il sait que, sinon, il n’a aucune chance.
Il faut savoir qu’il est en poste depuis longtemps pour le Québec. Et son Parti libéral a été empêtré dans de nombreuses affaires de favoritisme. De plus, une commission vient d’être mise en place pour enquêter sur des accusations de collusion et de corruption en lien avec les milieux de la construction. Beaucoup de scandales risquent d’éclater, mais après les élections.
Comme il a perdu son autorité morale, il attise le conflit avec les étudiants pour ensuite se poser en sauveur de la paix sociale.
De quel soutien les étudiants bénéficient-ils?
De nombreux Québécois défendent le modèle d’une université accessible à tous. Car ils veulent une société éduquée. C’est d’ailleurs en misant sur l’éducation que le Québec a rattrapé son retard sur les autres provinces du Canada à partir du début de la Révolution tranquille. Et de nombreuses personnes sont aussi indignées par la loi spéciale.
Mais il y a bien sûr beaucoup d’autres Québécois qui sont fatigués de ses (sic) manifestations.
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