Clinton doit se retirer

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Primaires américaines 2008


Déterminée à réaliser le rêve de sa vie, Hillary Clinton s’accroche, persiste et signe : quoi qu’il arrive, il semble maintenant acquis qu’elle restera dans la course à la nomination présidentielle du Parti démocrate jusqu’à la fin. Ravivée par sa victoire à l’arraché dans l’Ohio et au Texas, la sénatrice de l’État de New York n’a laissé planer aucun doute sur son intention d’utiliser toutes les tactiques possibles et imaginables pour atteindre son objectif ultime.

Cette décision risque d’être lourde de conséquences pour le Parti démocrate en novembre. Mathématiquement, il est pratiquement impossible pour Hillary Clinton de rattraper Barack Obama dans la course aux délégués. Certes, Mme Clinton a gagné l’Ohio et le Texas, mais cela aura à peine modifié (une douzaine de délégués tout au plus) l’avance considérable que M. Obama a bâtie en remportant les 13 primaires depuis le Super Tuesday. Pour effacer l’avance d’environ 100 délégués que détient maintenant M. Obama, il faudrait que l’ancienne première dame rafle les 11 États qui ne se sont pas encore prononcés dans un ratio de deux votes pour un en sa faveur. Or, bon nombre d’États qui voteront dans les prochaines semaines, dont le Mississipi, l’Oregon, la Caroline-du-Nord, le Kentucky et le Montana sont tous des États que Barack Obama devrait remporter assez aisément.
À moins que la campagne d’Obama s’effondre complètement, ce qui est très peu probable à ce stade-ci, la seule façon pour Hillary Clinton de remporter la nomination de son parti est de convaincre les dorénavant célèbres « superdélégués », un mélange d’élus et de dirigeants du Parti démocrate, de renverser le vote populaire exprimé dans les primaires à la convention démocrate qui se tiendra en août à Denver.
Quand on connait l’emprise des Clinton sur le Parti démocrate depuis 1992, ce scénario, bien que controversé, reste tout à fait plausible. Depuis sa courte victoire de mardi dernier, Mme Clinton ne prend d’ailleurs aucun raccourci pour affirmer à qui veut bien l’entendre que c’est exactement ce qu’elle tentera de faire. Il est exact d’affirmer que le sénateur de l’Illinois aura aussi besoin de l’appui des superdélégués pour remporter la nomination, mais il pourra légitimement affirmer qu’il a gagné le vote populaire et la course aux délégués.
Conséquences néfastes
La bataille qui s’amorce entre les deux candidats démocrates aura plusieurs conséquences néfastes pour leur parti, qui a pourtant de très bonnes chances de mettre un terme au règne des républicains à la Maison-Blanche.
Dans un premier temps, si Mme Clinton réussissait à ravir la nomination à M. Obama grâce à des jeux de coulisses à la convention, le Parti démocrate, un parti populiste, enverrait un message terrible aux Américains : que le vote de l’establishment et des élites l’aura emporté sur le vote populaire clairement exprimé par des millions d’Américains dans un long processus démocratique. Dans les faits, une poignée d’apparatchiks diraient à des millions de démocrates et d’électeurs indépendants qui ont cru au message de renouveau de Barack Obama qu’ils se sont trompés et qu’ils ont fait le mauvais choix.
Deuxièmement, Mme Clinton aurait à faire face à une crise d’unité sérieuse et à une guérilla de plusieurs factions du parti, en premier chef les électeurs afro-américains et les jeunes qui auront appuyé massivement la candidature d’Obama. Imaginez si ces millions d’électeurs décidaient de ne pas aller voter en novembre et privaient ainsi les démocrates de votes immensément importants dans des États clés du Sud.
Troisièmement, au moment où Clinton et Obama continueront de se déchirer sur la place publique jusqu’en août, John McCain mobilisera son parti, prélèvera des fonds et pourra déjà imposer ses thèmes de campagne comme la sécurité nationale et les baisses d’impôts. Même si Obama devait l’emporter sur sa rivale, mais seulement au terme d’une bataille épique et sans merci (le clan Clinton a démontré que tous les coups sont permis dans cette course, même ceux en bas de la ceinture), il ne fait aucun doute qu’il en sortirait lourdement affaibli face à un John McCain qui aurait eu tout le temps nécessaire pour roder la puissante machine républicaine. M. Obama ne disposerait que de très peu de temps pour rallier les supporteurs de Mme Clinton et n’aurait alors que quelques semaines pour tenter de rattraper le retard pris sur McCain et pour imposer son rythme de campagne.
À force d’acharnement, d’attaques négatives et de jeux de coulisses, il est possible que les Clinton gagnent leur pari et réussissent à ravir la nomination au jeune sénateur de l’Illinois. Des millions d’Américains qui ont pris d’assaut ce grand processus démocratique pour exprimer leur profond désir de rupture avec le passé auront alors toutes les raisons du monde de se sentir lésés. La politique avec un petit « p » aura une fois de plus triomphé.
(Photo AP)

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Robert Asselin
L’auteur est directeur adjoint de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Il a été conseiller du premier ministre Martin et du chef libéral Stéphane Dion.

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L’auteur est directeur adjoint de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. De 2001 à 2006, il a été conseiller et rédacteur de discours au sein des gouvernements Chrétien et Martin.





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