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L’accès aux études dans une perspective de développement national

Chronique de Gilbert Paquette

Angèle Richer, Siegfried L. Mathelet et Gilbert Paquette, appuyés par André Binette, Jocelyne Couture, Micheline Labelle, Andrée Lajoie, Florent Michelot, Ercilia Palacio, Pierre Paquette, membres du CA des IPSO.
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Dans un pays riche et développé comme le Québec, la question des frais de scolarité n’est jamais une question de faisabilité. C’est une question de répartition de la richesse et de choix politique. Or, l’argumentaire pour la hausse développé dans les pages du Devoir par une brochette de personnalités réduit les diplômes à leur apport économique individuel. Il passe complètement à côté des avantages économiques et sociaux collectifs de l’accès universel à une éducation de qualité.
Il faut le dire : la force économique du Québec-pays permettra de se doter d’un système scolaire gratuit, alors que la marge budgétaire du Québec-province permettrait tout de même un gel des frais de scolarité. Nous refusons l’argument de la « juste part ». Est-il juste de demander à l’étudiant de payer avant même de devenir un contribuable­, le forçant à travailler pour compléter ses études, une part qu’il pourra rendre au centuple plus tard en payant, grâce à son éducation, plus d’impôt que la moyenne, au bénéfice de l’ensemble de la société ? 

On fait mine d’oublier que la bonification du programme de prêts et bourses est une piètre réponse à la hausse du coût de la vie. L’endettement des étudiants présage mal pour les familles de demain. Il est de nature à repousser l’arriver d’un premier enfant.
On nous ressasse la comparaison avec le Canada et les États-Unis, soulignant que le Québec devrait les imiter. On reste les yeux rivés sur l’Amérique du Nord, en oubliant nos amis mexicains qui jouissent de la gratuité scolaire. Le discours économique vante la mondialisation, mais pour le financement de l’éducation ont devient myope, restreint au modèle canado-etats-uniens.
On cite rarement les modèles de faibles droits de scolarité et de gratuité. Outre le Mexique, dans plusieurs pays d’Europe, l’université y est gratuite ou moins chère qu’ici. C’est le cas de, la Norvège, la Suède, la Finlande, le Danemark; bref, tous les pays nordiques, les plus avancés socialement et économiquement de la planète, auxquels s’ajoutent entre autres la République tchèque, la France, la Belgique, l’Autriche, la Suisse, l’Espagne, le Portugal et l’Italie.
La proximité géographique ne justifie pas cette fixation sur le modèle canado-états-uniens. Si c’est notre cadre économique immédiat, ce n’est pas notre cadre culturel. En cette époque, s’arrêter à cette proximité géographique relève presque du repli sur soi.
La hausse des frais est réductrice de plusieurs façons, même sur le plan économique, car axé sur l’individu et le court terme. De plus, la comptabilité économique a ses limites. Quand des esprits bien formés mettent de l’avant des politiques contre l’intimidation ou la maltraitance, il y a là la poursuite d’un mieux être collectif qui vaut plus que de l’argent.
Une vision économique d’ensemble, consisterait plutôt à mieux situer le budget de l’éducation dans celui du Québec tout entier. Plusieurs sources de revenus du Québec sont possible pour financer les collèges et les universités, dont les redevances sur les mines, comme il se fait ailleurs dans le monde.
Le problème du sous-financement des universités ne doit pas faire abstraction du cadre fédéral. On oublie trop souvent qu’il origine essentiellement des coupures des transferts fédéraux à l’éducation depuis 1994-1995, transferts payés d’ailleurs par nos impôts. Mais après ces coupures, Ottawa a préférer utiliser notre argent pour s’ingérer dans le champ de l’éducation, sans tenir compte des responsabilités des provinces (Bourses du millénaire, Fondation canadienne pour l’innovation, chaires de recherche du Canada). Ces transferts directs aux personnes ont un impact sur le budget du Québec et sur celui des collèges et des universités, en les forçant à payer des subventions d’appariement, des frais indirects, des achats de matériel et de services d’entretient des laboratoires au soin du Québec. Le régime fédéral accentue ainsi un déséquilibre fiscal qui nous coûte plus de 800 millions par année en créant ce mal-financement. Il y a là amplement de quoi refinancer les universités. Avec les quelques 4,5 milliards que représentent les coûts de la défense par année pour le Québec, le choix de l’indépendance se pose clairement dans le dossier de l’éducation comme dans bien d’autres.
Peut-on se permettre de revenir à l’époque où les riches étaient les seuls à avoir accès aux études ? Les meilleurs emplois sont le fruit d’innovations technologiques. Ils exigent une formation de pointe. Notre meilleure arme dans la mondialisation demeure l’éducation et la formation d’une main d’œuvre spécialisée, seul rempart contre les délocalisations.
Avec son plan Nord, Jean Charest veut confiner le Québec à l’exportation de matière première. L’avenir est à l’économie du savoir et à de solides secteurs secondaire et tertiaire. Mais notre gouvernement provincial refuse ce levier qu’est l’éducation et abdique sur l’accès aux études comme sur la transformation locale des ressources du Nord. Il fait la leçon aux étudiants, mais ne prend pas les moyens budgétaires et politiques pour amener Québécois et Québécoises vers une économie plus compétitive mondialement, plus productive économiquement et socialement.

Squared

Gilbert Paquette67 articles

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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3 commentaires

  • Stéphane Sauvé Répondre

    3 mai 2012

    Merci Monsieur Paquette pour cette contribution.
    Je vous invite maintenant à vous retrousser les manches, et donnez un coup de barre pour arriver à ce Cap sur l'indépendance.
    Cartographiez et arrimez entre elles les offres et les besoins des forces souverainistes et devenez une véritable unité tactique pour faire l'indépendance.
    Les micros pour l'indépendance, voilà 40 ans que nous les avons. Nous avons besoin de bras maintenant pour faire cette indépendance.
    L'indépendance n'est plus une option, c'est une nécessité.
    Agissons en conséquence.

  • Luc Archambault Répondre

    2 mai 2012

    Bravo ! Les IPSO avec les artistes, ne manquent en force que les syndicats...
    NON à la PRIVATISATION FORCÉE de l'éducation nationale !
    NON à la PRIVATISATION FORCÉE LIBÉRALE de la santé, de l'eau, des rivières, alouette !
    Soyons lucides !
    Si 0,50$/jour/étudiant,es c'est peu, pourquoi 0,07$/jour/diplômé,es c'est trop !?
    400 000 étudiants VS 2,8M de diplômé,es
    400 000 étudiants x 0,50$ = 200 000$/jour
    200 000$/jour / 2,8M de diplômé,es = 0,07$/jour/diplômé,e
    Les artistes ligué,es contre les coupures de la Art-PEUR se sont tenu,es debout et ont fait mentir les prédictions des experts en 2008. Les Québécois,es ne pensaient pas qu'ils étaient des parasites, comme on a voulu le faire croire. Les Québécois,es ne pensent pas davantage en 2012 que les étudiant,es sont des parasites, comme on veut le faire croire.
    Les Québécois,es appuyaient et appuient leurs artistes, comme ils appuient les étudiant,es, aujourd'hui mobilisé,es ENSEMBLE contre la PRIVATISATION FORCÉE de l'éducation supérieure.
    Les Québécois,es ne veulent pas davantage de la privatisation forcée de l'éducation qu'ils,elles ne veulent de la PRIVATISATION FORCÉE de la santé, de l'eau, de leurs ressources naturelles et humaines.
    On a voulu isoler les artistes des Québécois,es. Ça n'a pas marché.
    On veut isoler les étudiant,es des Québécois,es. Ça ne marchera pas.
    La privatisation et la marchandisation de l'éducation est une lubie idéologique de la drôle de droite qui n'est ni démocratique, ni logique, ni financière, elle est IDÉOLOGIQUE. On veut forcer la marchandisation de toute chose pour en faire commerce au profit des banques et du 1% qui pensent pouvoir s'approprier ce qui appartient au 99% que nous sommes, en faveur d'une DÉMOCRATIE @ 100%

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    2 mai 2012

    « On nous ressasse la comparaison avec le Canada et les États-Unis, soulignant que le Québec devrait les imiter. »… (G.P.)
    M. Paquette, endossez-vous aussi la théorie du retard jamais rattrapé au Québec, comme conçu par le rapport Parent?
    i.e. Historiquement, l’Université McGill fut fondée en 1821, pendant que les descendants de Nouvelle-France luttaient encore pour un gouvernement représentatif, époque tristement célèbre par un autre tragique massacre des Patriotes, comme coup de semonce au restant de la population tenté par la résistance…
    Notre histoire se poursuit dans une évolution fort éloignée d’une tradition universitaire : Confédération forcée (1867), Conscriptions militaires (1900, 1914, 1939), « cheap labor » pour le boss anglo dans les chantiers forestiers, les mines, les usines de chemin de fer… plombiers au hockey professionnel (Maurice Richard et Butch)…
    Pendant ce temps, le système d’éducation supérieure se développait dans le ROC! Et il faudrait se comparer à ces gens alors que notre retard ne s’est jamais rattrapé (peu de tradition aux hautes études dans les familles et peu de résistance au décrochage des jeunes…) !!...
    Où donc s’est perdue la clairvoyance de Mgr Parent, fondateur du Ministère de l’Éducation du Québec?