Le PLQ entend faire adopter la loi 115 (103 scindée) pour remplir un vide juridique créé par les juges qui ont discrédités et la loi 104 et les parlementaires qui l’ont votée. S’auto-définissant l’ennemi public des choix extrêmes (application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et retour au libre-choix), le PLQ le fera parce que la loi 103 serait plus « équilibrée ».
Or l’enjeu n’a rien à voir avec ces choix extrêmes. Il réside dans la reconnaissance, par les parlementaires québécois, qu’il est excessif, comme le prétendent les juges, d’empêcher l’entrée, dans les écoles publiques de langue anglaise, de tous les enfants de parents francophones, allophones ou anglophones nés hors Canada. Selon ces juges, si des parents font réaliser à leurs enfants une scolarité « importante » en langue anglaise dans une école privée non subventionnée, il faut en tenir compte en procédant au cas par cas et définir à cet effet de nouvelles règles d’accès.
Dès lors, si les parlementaires québécois adoptent la loi 103, ils reconnaîtront qu’ils ont unanimement été excessifs en votant la loi 104 en 2002. En clair, ils avoueront avoir débordé les limites de l’acceptable et s’être collectivement comportés en déséquilibrés. Tel est le seul et véritable enjeu en cause. Aussi, devant prendre position en tant que parlementaire, ma tâche première est d’examiner les bases à partir desquelles ces juges considèrent excessive la loi 104.
Ces bases sont l’arrêt Solski qui invite à revoir la pondération des règles d’accès et le droit individuel défini dans la constitution canadienne de 1982. En s’y référant, ces juges avancent que des parents, opposés aux règles d’accès aux écoles publiques du Québec, peuvent les contourner s’ils agissent avec authenticité et tirer avantage des règles en cause pour leurs enfants, leurs frères et sœurs et leur progéniture. Il en découle qu’un récalcitrant peut devenir un honnête citoyen qui a, de surcroît, droit à une prime en récompense.
Découvrant cela, comme parlementaire, je me questionnerais. Je le ferais parce que, si je vote en faveur de la loi 103, je reconnais qu’il est équilibré et aucunement excessif d’octroyer à des parents récalcitrants des droits supplémentaires à ceux que leur accordent déjà les chartes québécoises et canadiennes. Chartes, rappelons-le, qui permettent d’inscrire des enfants dans des écoles privées non-subventionnées en autant que leurs parents en assument l’entièreté des coûts comme c’est le cas avec les écoles Vision.
En d’autres termes, en votant la loi 103, je reconnais avoir tyrannisé des parents qui sont devenus, par ma faute, de « justes » récalcitrants. En conséquence, je dois banaliser les règles que j’ai définies. Je dois aussi inviter des parents à se prévaloir des dispositions utilisées par les récalcitrants. Je dois même astreindre les contribuables québécois à financer la formation d’enfants dont la seule qualité est d’être ceux de parents réfractaires aux règles en cours, voire dédommager tous les parents qui ont été tyrannisés.
Dit autrement, en votant la loi 103, j’avalise la position des juges et je soumets le peuple québécois au diktat de juges qui ont recours à des clauses d’une constitution que cette assemblée n’a pas acceptée. Dorénavant, avec cette loi, les règles d’accès au réseau anglophone sont au Québec celles que la constitution canadienne inspire aux juges. Dans les circonstances, une seule voie s’impose : la réactualisation de la loi 104. Elle s’impose parce qu’en 2002 les parlementaires québécois ont choisi d’empêcher que ne soit contournée la loi 101 sans pour autant empêcher des parents récalcitrants d’assumer entièrement les frais de leur choix de langue d’enseignement pour leurs enfants.
Dans ce dossier, l’enjeu n’est pas de savoir si la loi 103 est « équilibrée ». Ni s’il est radical d’imposer aux écoles privées non subventionnées les règles de la loi 101. Encore moins s’il est opportun de recourir à la disposition de dérogation, de concevoir un mécanisme de freinage (approche de Louis Bernard), de prôner un amendement constitutionnel (Proulx) ou de revoir le tout à la façon Seymour. Toutes ces positions ont le défaut de contourner l’enjeu principal.
Cet enjeu est politique et il est de taille. Par son jugement, la cour suprême rabroue les parlementaires élus de l’Assemblée nationale en interprétant à l’avantage de parents récalcitrants des clauses d’une constitution adoptée sans l’aval de l’Assemblée nationale, encore moins du peuple québécois.
Parce que cet enjeu est politique, les parlementaires québécois doivent assumer leurs responsabilités. Aux élections de 2008, le PLQ a reçu 42 % des votes. Qu’aujourd’hui, le 18 octobre 2010, les députés de ce parti veuillent légaliser un vol à l’étalage qui échappe au système de détection utilisé par les juges de la Cour suprême, voilà qui m’apparaît clairement déraisonnable parce que, ce faisant, ces députés agiront comme les parlementaires canadiens qui, en 1982, ont bafoué l’Assemblée nationale.
Il revient dès lors aux représentants des partis d’opposition –ils ont l’appui de 58 % des électeurs de 2008– d’affirmer, par une motion, que l’Assemblée nationale réactualise la loi 104. Devant une telle affirmation, que peuvent faire les juges ? Probablement reconnaître qu’il y a impasse. Quoi d’autre ? Ils ne peuvent pas abolir l’Assemblée nationale ni la mettre en tutelle. Seul le parlement canadien pourrait mais aucun parti n’en a le mandat.
Les juges peuvent-ils revoir leur position ? J’en doute. Peuvent-ils inviter le législateur canadien à modifier sa constitution ? Peut-être. En attendant, si les parlementaires québécois réactivent et expliquent la loi 104, les esprits se calmeront. Par contre, si les députés du PLQ ou d’autres partis rejettent cette motion, le peuple québécois saura quels sont ceux qui veulent assujettir le peuple québécois à une constitution qui leur fut imposée.
Contrer la loi 115, ex-103, en réactualisant la loi 104
Il revient dès lors aux représentants des partis d’opposition –ils ont l’appui de 58 % des électeurs de 2008– d’affirmer, par une motion, que l’Assemblée nationale réactualise la loi 104. Devant une telle affirmation, que peuvent faire les juges ? Probablement reconnaître qu’il y a impasse.
Chronique de Claude Bariteau
Claude Bariteau49 articles
Claude Bariteau est anthropologue. Détenteur d'un doctorat de l'Université McGill, il est professeur titulaire au département d'anthropologie de l'Université Laval depuis 1976. Professeur engagé, il publie régulièrement ses réflexions sur le Québec dans L...
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Claude Bariteau est anthropologue. Détenteur d'un doctorat de l'Université McGill, il est professeur titulaire au département d'anthropologie de l'Université Laval depuis 1976. Professeur engagé, il publie régulièrement ses réflexions sur le Québec dans Le Devoir, La Presse, Le Soleil et L'Action nationale.
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