Côté face, la rente pétrolière aidant Hugo Chávez est parvenue à diviser le nombre de pauvres par deux. Côté pile, au terme de 14 années de pouvoir sans partage, il laisse le Venezuela dans un piteux état sur plus d’un front. Retour sur un parcours chaotique.
Au Venezuela, le décès du « Comandante » a suscité un flot de tristesse d’autant plus intense que, pour le peuple des petits, des sans-grades, des humiliés, il était davantage qu’un président. Mais encore ? Pour les pauvres et ceux qui le furent, Chávez était au fond un demi-dieu, la version sud-américaine de Robin des bois. Sur les flancs de la santé, de l’éducation, de l’emploi et bien évidemment de la qualité de vie dans le sens le plus économique du terme, il fit beaucoup pour réduire les inégalités, plus criantes dans ce pays qu’ailleurs sur le continent.
Dans ce rabotage des écarts, l’homme élu en 1999 bénéficia d’une divine surprise, soit la hausse très marquée du prix du pétrole de 2002 à 2007, de 18 $ à 147 $. Fort de cette manne, il engagea des médecins cubains par centaines et multiplia le nombre de fonctionnaires par deux. Il nationalisa des entreprises et confectionna un petit empire médiatique pour contrer la violence des propos de télés et journaux inféodés à la caste des riches. Ce faisant, il devint abonné au clientélisme d’un autre temps, celui introduit sur le continent par le général argentin Juan Perón, et metteur en scène du culte de sa propre personnalité. À preuve, tous les dimanches il animait pendant des heures et des heures une émission baptisée… El Presidente. À preuve (bis), il était si sûr de son fait et de sa personne qu’il s’obstina à se présenter lors du scrutin tenu l’automne dernier alors qu’il se savait très malade. Ce dernier épisode met en relief combien sa conception du devoir d’État était étriquée.
Sur ses rapports avec le monde, le biais que l’on vient juste d’évoquer était aussi patent qu’omniprésent. En fait, il était toujours dans la posture de celui qui fait de l’autre, l’étranger, le différent, le responsable de tous les maux qui accablent le Venezuela. Si bien des diatribes dont Bush fut le sujet étaient fondées, on ne peut pas en dire autant de celles dont d’autres chefs d’État furent ses cibles de prédilection. A contrario, ses amitiés avec les pires dictateurs de la planète sont autant de mises en lumière d’une conception perverse du monde. On se rappellera qu’il a soutenu Kim Jong-il, Saddam Hussein, Mahmoud Ahmadinejad, Robert Mugabe et plus récemment Bachar al-Assad. Qu’un fou de Dieu comme Ahmadinejad ou un anti-religieux fanatique comme Kim Jong-il aient jonglé constamment avec l’arbitraire, qu’ils aient tabassé, pour rester très pondéré, leurs peuples, cela laissait « El Comandante » totalement indifférent. L’important était qu’ils soient antiaméricains, qu’ils soient habités par le « socialisme des imbéciles »,comme disait un socialiste français.
Après 14 ans de chavisme, le pays présente le contraste suivant : très riche, d’un côté, grâce à ses réserves d’or noir qui, selon certains experts, sont les plus volumineuses au monde et, de l’autre, un État en partie déstructuré, à cause notamment d’un énorme déficit en matière d’insécurité. Au fil des ans et plus précisément des luttes entre bandes armées, Caracas est devenue une des capitales les plus violentes du monde. Bon an, mal an, qu’on y songe, le nombre de meurtres avoisine les 20 000. Outre l’insécurité, il va incomber à son successeur de travailler au plus vite à la remise à niveau de l’appareil d’État. C’est un secret de Polichinelle que celui-ci est perclus de corruptions et de ce clientélisme si cher justement à Chávez.
En fait, entre une centaine de corps policiers en concurrence entre eux et ripous par-dessus le marché et une fonction publique pléthorique, son successeur est condamné aux travaux d’Hercule.
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