Les arts et la culture au Canada génèrent quelque 85 milliards de dollars en revenus chaque année. Plus d'un million de Canadiens font rouler cette économie, qui est associée à 7 % du PIB. Malgré cela, les chefs de parti peinent à parler de culture lorsque la caravane électorale démarre; lorsqu'ils s'aventurent à égrener quelques promesses, ils le font du bout des lèvres, sans enthousiasme ni conviction.
La culture est un véritable murmure de campagne. Lors du dernier exercice électoral, on avait pourtant eu droit à la fanfare! L'annonce de compressions de 45 millions avait actionné une mobilisation artistique très remarquée. Les conservateurs étaient la cible, avec une idéologie réduisant la culture à sa seule valeur marchande. Mais les compressions s'abattirent sur le milieu, en dépit du tollé. Elles firent mal.
L'idéologie n'a pas changé d'un iota. On peine toujours à comprendre sa source — ignorance, mépris ou simple indifférence? —, mais elle s'est traduite sous le règne Harper par une logique guidée par les impératifs financiers, souverains à côté d'une fibre créatrice devenue secondaire. Le divertissement de masse a la cote, car il fait cliqueter les caisses enregistreuses. Les artistes, pourtant maillon fort de cette «industrie» lucrative, vivent avec de menus salaires — pitance annuelle moyenne de quelque 17 000 $...
Certains bayent aux corneilles. L'exercice de campagne mené par la Conférence canadienne des arts (CCA) n'a pas le moindrement intéressé le Parti conservateur, qui n'a même pas répondu aux questions de la CCA. Le Bloc ne cause aucune surprise en souhaitant que le Québec ait pleine autonomie sur le domaine culturel, une voie que même le chef du NPD, Jack Layton, a empruntée lors de son opération de charme au Québec la semaine dernière. Des négociations ont déjà cours entre Québec et Ottawa pour rapatrier pouvoirs et transferts en matière de culture.
Les libéraux promettent de doubler le budget du Conseil des arts du Canada, sur lequel, sans étonnement, tous les partis se rabattent pour délier leurs promesses culturelles. L'originalité et le véritable courage tiennent pourtant davantage à dire comment réécrire cette Loi sur le droit d'auteur, tombée au feuilleton avec le déclenchement des élections. Elle demeure nécessaire, mais la version étudiée a déçu. Qu'adviendra-t-il en outre de Radio-Canada, que les conservateurs ont placée sur la touche avec leurs ambitions de privatisation? Le cinéma, abritant en son sein l'art fragile du documentaire, aura-t-il droit à une relance? Une politique muséale canadienne ne serait-elle pas à propos?
Planant au-dessus de toutes ces questions demeure une interrogation essentielle à laquelle le chef conservateur n'a pas encore voulu répondre avec précision: d'où viendra l'opération de rééquilibrage du budget fédéral en 2014? Avec quatre milliards de dollars à élaguer, quels seront les secteurs dans lesquels on actionnera la cisaille?
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machouinard@ledevoir.com
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