"Open & Shut: Why America has Barack Obama and Canada has Stephen Harper" - John Ibbitson

En finir avec le Bloc québécois

L'idée fédérale

Dans un livre qu'il vient de publier intitulé Open & Shut: Why America has Barack Obama and Canada has Stephen Harper, le chroniqueur du Globe and Mail John Ibbitson y va d'une trouvaille de son cru pour forcer le Bloc québécois à s'éclipser du paysage parlementaire.
Selon lui, le Canada pourrait modifier le serment d'allégeance que doivent prêter les députés avant de pouvoir prendre leur place à la Chambre des communes pour substituer la Constitution à la monarchie.
Dans son esprit, un tel changement aurait un puissant effet repoussoir sur les futurs élus souverainistes, lesquels préféreraient vraisemblablement plier bagage -- avec plus ou moins de tapage -- plutôt que de se plier à l'exercice. Il suffisait d'y penser!
**
En tant que telle, la proposition fait abstraction de deux considérations plutôt élémentaires. La première, c'est qu'il est tout à fait possible de s'engager, sous serment, à respecter la Constitution tout en militant activement pour la souveraineté. La Constitution ne stipule pas que la fédération canadienne est indivisible.
Au contraire, dans une réponse unanime au renvoi fédéral sur la sécession il y a une dizaine d'années, la Cour suprême affirmait qu'il était constitutionnellement possible de négocier le départ d'une province, sous réserve de certaines conditions, dont au premier titre l'obtention d'un mandat clair pour entamer des négociations. Cet avis est le fondement de la loi sur la clarté.
D'autre part, l'idée générale que les députés du Bloc fuiraient la Constitution comme des diables dans l'eau bénite ne réussit pas le test de la réalité. Un des plus importants amendements apportés à la Constitution depuis son rapatriement visait à laïciser le système scolaire québécois; il avait été proposé par le gouvernement de Lucien Bouchard, négocié avec Ottawa par Pauline Marois et adopté aux Communes avec l'appui de Gilles Duceppe.
Au-delà de la pensée magique, il y a l'intention. John Ibbitson fait partie d'une école de commentateurs selon qui la présence du Bloc pervertit le système fédéral et l'empêche de donner sa pleine mesure. Dans son livre, il décrit la formation souverainiste comme une menace ultime à la vie démocratique et institutionnelle du Canada. Ces jours-ci, cette école de pensée ratisse de plus en plus large.
Vu du Québec, il peut sembler étrange que le débat sur l'existence du Bloc québécois refasse surface alors que la formation souverainiste compte déjà presque vingt ans d'une existence plus studieuse que révolutionnaire. Cette réaction à retardement s'explique par le fait que l'impact mathématique de la présence d'un fort contingent souverainiste sur la composition de la Chambre des communes ne s'est pas complètement fait sentir pendant au moins la moitié de cette période.
Si les partis progressiste-conservateur et réformiste n'avaient pas été en guerre ouverte tout au long du mandat de Jean Chrétien, ce dernier n'aurait vraisemblablement pas dirigé des gouvernements majoritaires à répétition. Seule la division de la droite lui permettait d'aller compenser dans le reste du Canada et en particulier en Ontario le manque à gagner québécois causé par l'avènement du Bloc.
Ce n'est pas par coïncidence -- ou parce que Paul Martin et Stephen Harper étaient plus ineptes que la moyenne de leurs prédécesseurs -- que le Canada a entamé un cycle de gouvernements minoritaires aussitôt que la droite a été réunifiée sous la bannière conservatrice.
Il est vrai que tant que le Bloc commandera l'adhésion d'une pluralité de Québécois, il sera difficile de rompre ce cycle. Il est vrai également qu'à l'extérieur du Québec, bon nombre de Canadiens ne conçoivent pas qu'un gouvernement minoritaire puisse trouver une base d'entente durable avec un parti souverainiste. La réaction virulente qu'a suscitée le pacte de coalition l'an dernier en témoigne.
Devant l'incapacité récurrente des partis fédéralistes à prendre le dessus au Québec, de plus en plus de stratèges sont à la recherche d'un invraisemblable raccourci pour revenir à des gouvernements majoritaires. Depuis que le Québec -- par le biais du Bloc -- a anéanti les espoirs d'une majorité conservatrice l'automne dernier, cette recherche est particulièrement active dans les milieux conservateurs.
**
Mais même en mettant de côté l'idée inusitée que le Canada ne pourrait pas fonctionner efficacement sans circonscrire les droits démocratiques d'un groupe important de ces citoyens, l'acharnement par des commentateurs conservateurs à rechercher un mode d'emploi pour faire disparaître le Bloc est singulier.
Le Bloc est autant un réceptacle de votes progressistes que de votes souverainistes. Dans le contexte actuel, le NPD et, surtout, les libéraux seraient nettement plus susceptibles de tirer profit de sa disparition que le Parti conservateur.
Dans les faits, le plus gros obstacle à la réalisation du rêve d'un gouvernement conservateur majoritaire, susceptible de refaire le Canada à l'image et à la ressemblance de ses idéaux de droite, n'est pas tant le Bloc que le Québec lui-même.
*****
chebert@thestar.ca
Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé