« Peut-être nous faut-il apprendre à vivre dans le pays réel et abandonner le pays rêvé » Serge Cantin

Fatale lucidité

Encore faut-il que notre rêve nous habite encore!

Tribune libre

« Nous sommes loin, très loin, du temps où le projet de souveraineté du Québec galvanisait les foules et emportait l’adhésion sans réserve de la vaste majorité des intellectuels… ce temps-là, qu’on se le dise, ne reviendra plus ». Une assertion lapidaire à laquelle l’éminent philosophe Serge Cantin, dans l’édition de poche de La souveraineté dans l’impasse (PUL, 2018), confronte les souverainistes québécois. Serge Cantin, qui se dit « profondément souverainiste », en appelle à la lucidité. Le ressort politique du peuple québécois, croit-il, s’est brisé avec la défaite référendaire de 1995, rendant impossible, dans un horizon raisonnable, un référendum gagnant.


Une lucidité qui n’est pas sans nous rappeler le manifeste Pour un Québec lucide publié en 2005 et signé par douze personnalités, dont Lucien Bouchard, lequel manifeste avait soulevé une farouche opposition, notamment de la part de la gauche québécoise.


Et de poursuivre M. Cantin, « Voilà pourquoi je crains que notre rêve ne soit devenu un obstacle et qu’il ne favorise, sans même que l’on s’en rende compte, le maintien au pouvoir de nos adversaires les plus résolus. Peut-être, dans ces circonstances, nous faut-il apprendre à vivre dans le pays réel et abandonner le pays rêvé, car le risque est grand que la poursuite acharnée de notre rêve ne nous rende tout simplement impotents, c’est-à-dire inaptes à nous déplacer dans l’espace bien réel de notre vie politique, à savoir le Canada ».


Or, dans son amer discours de démission, Martine Ouellet a déclaré, en dénonçant les velléitaires de la cause, que le principal obstacle à la réalisation de l’indépendance du Québec provenait de l’intérieur du mouvement souverainiste, un argumentaire repris récemment par François Gendron lors de l’annonce de son retrait de la vie politique.


Dès lors que la sacrosainte lucidité jette le voile sur l’indispensable rêve qui nourrit les convictions nécessaires à la réalisation de la cause, je préfère croire en la force de mes convictions plutôt que de me replier servilement derrière la fatale lucidité... Encore faut-il que notre rêve nous habite encore!



Henri Marineau, Québec


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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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