J’ai failli passer tout droit et me priver de la lecture du texte « Échec et détresse du Parti québécois », signé Michel Héroux, que Le Devoir a publié sur sa page éditoriale le 13 février dernier. J’avais déjà, au cours des dernières décennies, amplement eu l’occasion d’additionner les déclarations de décès du Parti québécois.
En 1987, alors que M. Jacques Parizeau m’avait demandé de le remplacer à Toronto à l’assemblée annuelle de l’Association des journalistes canadiens, qui avaient, eux, déjà écrit l’épitaphe, j’avais dénombré huit déclarations de décès émanant de personnalités diverses et publiées, au cours des deux décennies précédentes, dans les médias québécois.
Mon propos est que cette fois-ci, ce n’est pas seulement la survie du Parti québécois qui est en cause lors de l’élection d’octobre prochain, mais une certaine idée du progrès social et du singulier modèle québécois qui en est résulté en Amérique du Nord.
Plutôt que de discréditer la nomination d’une vice-chef comme un aveu de faiblesse de Jean-François Lisée, j’y vois enfin le signe pour le prochain scrutin en octobre d’une orientation sociale-démocrate affirmée, telle que représentée par Véronique Hivon.
Ce choix a tardé, certes, mais la position de centre gauche que le Parti québécois choisit d’occuper est à la fois fidèle à l’empreinte progressiste que ses politiques ont introduite dans l’ADN québécois et fidèle aux aspirations des Québécois eux-mêmes à l’égard de leur État national.
Des politiques d’avant-garde
Il y a un peu plus de 20 ans, les citoyens québécois et leurs familles ont pu bénéficier de politiques d’avant-garde en Amérique du Nord, instaurées par le Parti québécois ; assurance médicaments, perception par l’État des pensions alimentaires, centres de la petite enfance, politique familiale, congé parental, équité salariale, charge fiscale favorable aux familles, participation citoyenne au niveau local et régional, reconnaissance de l’économie sociale ; des changements institutionnels majeurs sont aussi survenus, telles les commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles.
Alors qu’en 2018, nos services publics, particulièrement en matière de santé et d’éducation, sont dans un piètre état et nécessitent une approche mobilisatrice avec l’appui de notre État national, il faudrait pour mettre fin au règne honni du gouvernement libéral choisir la CAQ, qui réclame plus de privé, moins de collectif et de solidarité ?
Pour ensuite se retrouver à porter le macaron, comme en 2004, « on n’a pas voté pour ça » ?
Oui, la nomination de Véronique Hivon est significative, comme le furent celles de Jacques Parizeau par René Lévesque à une autre époque, et de Lucien Bouchard par Jacques Parizeau, et exige que les orientations du Parti québécois matérialisent les espoirs que cette nomination porte. Le surplace n’existe ni pour les individus ni pour les sociétés humaines : soit on recule, soit on avance.
Le Québec peut choisir de mettre fin à sa singularité en Amérique du Nord et au modèle d’intervention publique qui lui aura permis de se sortir de son état d’infériorisation chronique, mais s’il décide d’entrer dans le rang avec la CAQ et son parti pris pour les forces du marché dans tous les domaines, autant que cela soit en connaissance de cause.