Éric Desrosiers - L'un des plus grands dangers de la crise économique en cours est que l'on se trompe sur ses causes et que les gouvernements fassent marche arrière sur la route du libéralisme économique et de la mondialisation, selon l'éditeur en chef de la revue The Economist.
«Je suis convaincu que les meilleurs arguments plaident toujours en faveur du libéralisme, mais comme chacun sait, les meilleurs arguments ne gagnent pas toujours», a déclaré hier le patron de la prestigieuse revue britannique, John Micklethwait, lors d'une conférence organisée par HEC Montréal et le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
Plus personne ne semble remettre en doute aujourd'hui le fait que la crise économique et financière qui secoue la planète a été causée par l'avidité de quelques banquiers et une absence de régulation étatique, a-t-il remarqué. L'éclatement des subprimes est pourtant survenu dans l'un des secteurs financiers censés être les plus surveillés aux États-Unis avec pas une, mais deux agences gouvernementales dans le marché hypothécaire. On oublie également trop souvent que tous les Ronald Reagan et Margaret Thatcher de ce monde n'ont pas empêché l'État d'occuper une place de plus en plus grande dans les économies développées. En fait, l'une des causes de la crise est sans doute le fait, au contraire, que certaines banques en étaient venues à se voir trop importantes pour l'ensemble du système pour penser que les gouvernements oseraient ne pas les secourir en cas de grosse bourde de leur part.
«Il ne fait pas de doute qu'une réforme de la régulation du secteur financier est nécessaire», a plaidé l'éditeur de la revue, qui fait de l'économie de marché et du libre-échange son credo depuis plus de 150 ans. Mais la principale cause de la crise ne venait pas de là. Elle venait du grand déséquilibre entre l'Asie exportatrice et économe et l'Occident consommateur et endetté. «La bulle immobilière et l'endettement des ménages et des entreprises dans les pays occidentaux n'auraient pas pu se produire sans l'argent chinois», a-t-il résumé.
«Optimisme paranoïaque»
Se décrivant comme un «optimiste paranoïaque», cet historien de formation dit craindre qu'un mauvais diagnostic de la crise et de mauvaises décisions politiques compromettent les avancées historiques réalisées en 25 années de mondialisation. «On oublie trop souvent que l'économie était plus mondialisée encore, à la fin de l'autre siècle, qu'elle l'est aujourd'hui, et que les gens pensaient aussi, à cette époque, que l'économie et la technologie rendaient un retour en arrière impossible.»
Il se rassure un peu en constatant que la rhétorique anticapitaliste n'a pas encore mené à des réformes radicales dans les pays développés.
Il prévient que, quoiqu'il arrive, les puissances émergentes comme la Chine, l'Inde ou le Brésil ne feront que s'imposer de plus en plus sur la scène économique et politique mondiale. «Les États-Unis n'ont pas d'autre choix que de chercher le moyen d'aménager une place à l'hégémonie émergente chinoise.»
John Micklethwait note au passage que la reprise dont tout le monde parle dans les pays développés repose encore lourdement sur les mesures de relance des gouvernements. Ces derniers seraient bien avisés de ne pas chercher à retirer leurs billes trop vite s'ils ne veulent pas voir leurs économies se remettre à piquer du nez.
Conférence de l'éditeur de la revue The Economist
Garder le cap sur le libéralisme économique
John Micklethwait note au passage que la reprise dont tout le monde parle dans les pays développés repose encore lourdement sur les mesures de relance des gouvernements.
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