Texte publié dans Le Soleil du vendredi 25 janvier 2008 sous le titre "Gestes de souveraineté de Marois, gestes de centralisme de Trudeau..."
La chef du Parti québécois, Madame Pauline Marois, a déclaré récemment que son parti, un fois réélu au gouvernement, allait « poser des gestes de souveraineté mais qui s'inscrivent dans la légalité », comme par exemple l'adoption d'une constitution québécoise et l'instauration d'une citoyenneté québécoise; ces [gestes ont été jugés « antidémocratiques » par Benoît Pelletier->11216], ministre libéral à Québec. (Le Devoir, 16 janvier 2008) Ces gestes ont aussi été jugés non conformes à [« une démarche démocratique acceptable » par Stéphane Dion->11211], chef du parti d'opposition libéral à Ottawa. (Le Devoir, 17 janvier 2008)
Mais ces députés libéraux n'ont pas trouvé antidémocratiques les nombreux gestes de centralisme posés le Gouvernement canadien, et ce depuis très longtemps. En 1967, alors qu'il était ministre de la Justice, Pierre Elliott Trudeau avait révélé quelques-uns des gestes de centralisme utilisés pour vendre le "nationalisme fédéral" aux Québécois :
« Un des moyens de contrebalancer l’attrait du séparatisme, c’est d’employer un temps, une énergie et des sommes énormes au service du nationalisme fédéral [sic]. Il s’agit de créer de la réalité nationale une image si attrayante qu’elle rende celle du groupe séparatiste peu intéressante par comparaison. Il faut affecter une part des ressources à des choses comme le drapeau national, l’hymne national, l’éducation, les conseils des arts, les sociétés de diffusion radiophonique et de télévision, les offices du film. […] Bref, on doit faire sentir à tous les citoyens que c’est seulement dans le cadre de l’État fédéral que leur langue, leur culture, leurs institutions, leurs traditions les plus sacrées et leur niveau de vie peuvent échapper aux assauts de l’extérieur et aux conflits intérieurs. » (Le fédéralisme et la société canadienne-française, Éditions HNH, 1967, p. 204-205.)
La plupart de ces gestes de centralisme avaient déjà été posés quand Trudeau a été élu député à Ottawa en 1965. En plus des activités mentionnées dans ce plan de "nationalisme fédéral", il y avait entre autres le Comité Canada créé en 1964, ancêtre du Conseil de l'unité canadienne. Une fois devenu premier ministre en 1968, Trudeau a multiplié les gestes de centralisme, dont le Centre d'information sur l'unité canadienne, créé en 1977 et qui avait pour but de promouvoir l'unité canadienne à la suite de l'élection, en 1976, du Parti québécois dirigé par René Lévesque. Peu avant le référendum québécois de 1980, le Groupe de gestion de la publicité (GGP) était mis sur pied selon Charles Chuck Guité (qui a été responsable du Programme de commandites pendant les années 1990) : « Le GGP a été mis sur pied au départ par le gouvernement Clark en 1978. Ce gouvernement a été éphémère. Le gouvernement Trudeau qui lui a succédé a conservé le GGP. Cette structure a été intégrée au Centre d'information sur l'unité canadienne, le CIUC, au début de 1979. […] C'était une assez grosse organisation – je parle du CIUC – qui faisait la promotion du Canada. » (Chambre des Communes, Comité permanent des comptes publics, témoignage Charles Guité, 22 avril 2004)
À la veille du deuxième référendum québécois en 1995, le programme de propagande canadienne au Québec s'est emballé. Lors de la Commission Gomery sur le scandale des commandites, le procureur de la commission, Me Roy, a demandé à M. Chrétien qui était premier ministre du Canada à l'époque de ce référendum :
« Est-ce qu'en 1995 vous êtes au courant qu'il y a un groupe qui a été créé à l'intérieur du Conseil privé, le groupe sur l'unité qui justement a eu comme tâche et responsabilité de mettre en place une coordination des initiatives fédérales dans le dossier référendaire ?
M. Chrétien : Oui, j'étais au courant qu'il y avait un groupe. Il y en avait eu un lors du référendum de 1980 alors que je dirigeais le dossier pour Monsieur Trudeau. »
(Commission Gomery, audience publique, 8 février 2005)
En 1996, Patrimoine Canada a enrichi le plan de « nationalisme fédéral » de Trudeau par le Bureau d’information du Canada (BIC), rebaptisé ensuite Communication Canada, et dont relevait le programme de commandites, en vigueur de 1996 à 2003 et qui aurait dû plus justement s'appeler le programme de propagande canadienne. Le plan de Trudeau a enfin été complété par Les Minutes du patrimoine, les séries télévisées Le Canada, une histoire populaire et Le Canada du millénaire, etc. Ces différentes activités étaient financées à même la réserve secrète pour l'unité canadienne. « Le Canada s'annoncera tellement que, de 1998-1999 à 2002-2003, note la Vérificatrice générale Sheila Fraser, "le gouvernement fédéral a passé des contrats d'environ 793 millions de dollars, pour plus de 2200 activités de publicité, devenant ainsi l'un des grands annonceurs du pays".» (Jacques Keable, Le dossier noir des commandites, Lanctôt Éditeur, 2004, p. 96, citant le Rapport de la Vérificatrice générale du Canada, novembre 2003)
Le procédé n'était pas nouveau : « Dans une province [le Québec] où ils [les Canadiens-anglais] n'avaient pas le nombre mais où ils avaient l'argent, nos concitoyens ont souvent cédé à la tentation d'agir démesurément avec les moyens qu'ils avaient », écrivait dès 1952 nul autre que… Trudeau lui-même ! (Cité Libre, décembre 1952, p. 61)
La programme des commandites a été jugé antidémocratique par beaucoup de Québécois, entre autres par le journaliste Jean-Claude Leclerc : « Quand Ottawa traite Québec comme un ennemi contre qui les coups bas – sinon des crimes – sont permis, comment ne pas y voir une perversion de la démocratie et une négation de toute éthique politique. » (Le Devoir, 16 février 2004, p. B 6)
Mais Trudeau ne s'est pas contenté de poser des gestes de centralisme, il a même osé effectuer en 1982 « presque un putsch, un coup de force » (selon ses propres mots) en modifiant la Constitution de fédération canadienne avec l'accord des neuf provinces anglophones, et ce malgré l'opposition formelle de l'Assemblée nationale du Québec; Trudeau a en effet reconnu en 1986 « qu’à cette dernière étape il fallait presque un putsch, un coup de force » pour modifier la constitution canadienne. (in Stephen Clarkson et Christina McCall, Trudeau : l’homme, l’utopie, l’histoire, Boréal, 1990, p. 257 et note p. 407)
En conclusion, quel camp est antidémocratique : celui qui a l'intention de poser, une fois réélu au gouvernement, des gestes de souveraineté dans le cadre de la légalité, ou celui qui a posé des gestes de centralisme comme le scandale des commandites et la modification unilatérale de la constitution du pays ? Le peuple québécois répondra à cette question par un vote démocratique.
François-Xavier Simard
Auteur du livre Le vrai visage de Pierre Elliott Trudeau (Les Intouchables, 2006)
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
3 commentaires
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
21 janvier 2008"Un seul "média" suffirait à libérer la vérité des faits de la prison dans la quelle le complot fédéraliste l`étouffe et l`éteint, et à obliger , veut veut pas, l`adversaire à riposter. À forcer le débat, donc, et à faire enfin éclater la paix de cimetière qu`on laisse niaisement sacraliser frauduleusement sous notre nez par l`étiquette "paix sôciale" !
Quant à moi, j`opterais d`abord pour une station Radio : moins cher, il s`en vend et revend à l`année longue, et surtout ça rejoint les gens dans leur état de prisonniers solitaires du traffic du matin (+ répercussion au travail) et du soir (+ répercussion à la maison et avec les amis)."
À mon habitude, je viens appuyer M.G.-É.Cartier:
LE PROJET SE PRÉCISE! L'internet, c'est un média ACTIF, où il faut aller chercher l'info. La RADIO, c'est l'OSMOSE par laquelle la propagande nous atteint. Il faut lutter à armes égales. Que ceux qui ont des oreilles entendent!
Georges-Étienne Cartier Répondre
19 janvier 2008Raymond Poulin rêve d`"une équipe de psychiatres spécialisés dans la déprogrammation".
Pour gagner ma vie depuis 42 ans avec ce métier, je puis affirmer carrément que ces gens là sont bien trop, disons "délicats" et ...vagues pour qu`on puisse en attendre grand chose. Surtout de "politique" : être "citoyen" avant tout, il semblerait que ça ne soit pas "professionnel", pas "éthique" (!!!). Je n`en ai pas encore entendu un, parmi les contemporains, relier ouvertement l`affaiblissement identitaire de notre peuple, générateur d`acculturation rampante, avec notre fragilité particulière tant face au suicide que face au développement économique : une évidence de psychologie anthropologique élémentaire pourtant, et qui n`exige aucune lunette médicale psychiatrique pour sauter aux yeux !
On sera d`ailleurs intéressé de savoir que ma recherche des mots "libre arbitre" et "liberté" ou de ces notions sous une forme ou une autre dans mon édition (fin des années 90) du textbook de Kaplan (la "Bible" de la psychiatie) est restée vaine : le concept même de "Libre Arbitre" à donc été purement et simplement évacué de cette science, entraînant du fait même avec lui le concept de "Responsabilité" qui lui est consubstantiel ! C`en est au demeurant à se demander comment la notion même de "Droit" peut encore se soutenir après ça !
Pas d`aide à espérer de ce coté là, par conséquent ! Et surtout pas pour l`Indépendance !
Et puis, évitons tout malentendu: ce sont des médecins dont l`objet est le corps (le cerveau), alors que la "maladie de l`Âme"( si tant est que le mot "maldie" ne soit pas, s`agissant ici de l`immatériel, abusif !) étant le "péché", le thérapeute spécifiquement pertinent à la métaphorique chose est le curé, ou autre gourou !
Ceci dit, la déprogrammation est parfaitement réalisable, et se fera d`autant mieux que sera évitée toute dynamique "médecin- malade" où le soi-disant malade attend passivement de recevoir la guérison du guérisseur! C`est du côté des techniques de la ré-éducation qu`il faut plutôt chercher...
Il y faut et suffit simplement une contre-information automatique, systématique, harcelante, quotidienne, validée et complète par au moins un "média" classique ( cessons , pour le momment en tout cas, de nous illusionner sur la portée de l`internet : " c`est l`avenir" certes mais pas encore le présent!), Radio, TV, ou Journal intéressant .
Un seul "média" suffirait à libérer la vérité des faits de la prison dans la quelle le complot fédéraliste l`étouffe et l`éteint, et à obliger , veut veut pas, l`adversaire à riposter.
À forcer le débat, donc, et à faire enfin éclater la paix de cimetière qu`on laisse niaisement sacraliser frauduleusement sous notre nez par l`étiquette "paix sôciale"!
Quant à moi, j`opterais d`abord pour une station Radio : moins cher, il s`en vend et revend à l`année longue, et surtout ça rejoint les gens dans leur état de prisonniers solitaires du traffic du matin (+ répercussion au travail) et du soir (+ répercussion à la maison et avec les amis).
Enfin, pour ne pas perdre de vue le propos principal, il faudra bien que tous ceux qui sont en position ( résidence dans le comté, réputation, aptitudes et volonté politique limpide et farouche) non seulement se mouillent mais plongent carrément en soumettant leur candidature dans les comtés représentés par des velléitaires ou des carriéristes, de façon à ce que Pauline Marois ne se retrouve pas isolée avec Curzi et Drainville dans un caucus négativiste de trouillards
Raymond Poulin Répondre
19 janvier 2008Voilà où nous en sommes depuis longtemps: on a fini par convaincre une bonne partie de l'opinion publique québécoise que tout geste d'Ottawa en vue de promouvoir le centralisme, quels que soient les moyens, est somme toute naturel et légitime, alors que tout geste, même légal et légitime, des Québécois en vue de promouvoir leur indépendance voire leur simple survie relève de la subversion ou de la trahison. Colonialisme? Bien pis: conditionnement psychologique aboutissant à un traumatisme majeur débilitant. Ce n'est pas un sauveur qu'il faut au Québécois mais avant tout une équipe de psychiâtres spécialisés dans la déprogrammation...