Le rapport Bouchard-Taylor évoquait la «bulle» d'Hérouxville, soulignant ainsi le phénomène d'exception que cette municipalité de la Mauricie et son code de vie anti-lapidation et excision constituaient. L'auteur de ces normes absurdes, le coloré André Drouin, croit maintenant jeter le Québec en bas de sa chaise en affirmant qu'il nous a tous bien roulés dans la farine avec sa provocation médiatique réglée au quart de tour. Du début jusqu'à la fin, cette histoire demeure un épiphénomène.
André Drouin, un hurluberlu vers lequel le miroir grossissant des médias s'est trop longuement tourné, revient meubler l'actualité grâce au documentaire Liberté, égalité, accommodements. Il se frotte les mains de satisfaction. Naïf gouvernement! Crédules Québécois! Bonasses concitoyens d'Hérouxville qui ont enfanté le célèbre code de vie! Tout cela n'était qu'un grand coup monté destiné à forcer à une réflexion collective bienfaitrice. Voilà pour la version Drouin; il s'agit d'une nouvelle fabulation...
Aura-t-on retenu quoi que ce soit de Bouchard-Taylor?
Hérouxville n'a rien eu du déclencheur que M. Drouin aime peut-être imaginer, se croyant le fin finaud qui a ébranlé un gouvernement tout entier. La vérité est ailleurs: cette histoire arrive même assez loin dans une suite d'événements auxquels les médias, à différentes échelles selon leur identité propre, ont accordé une importance démesurée. Il est sans doute un peu vrai que cette enflure a été jusqu'à colorer la conscience citoyenne.
Guérissons-nous une fois pour toutes de cette navrante amnésie: avant le code de vie de janvier 2007, il y avait eu le port du kirpan à l'école (un «vrai» accommodement raisonnable celui-là!), le sapin de Noël à l'hôtel de ville de Montréal, les lieux de prière à l'École de technologie supérieure, les tribunaux islamiques et la charia, les subventions aux écoles privées juives et les vitres givrées d'un YMCA; entre autres «affaires».
Effectuons un retour en arrière: la société québécoise n'était alors pas désincarnée du monde, qui se relevait avec peine du 11-Septembre. À échelle locale, le Québec vivait une période d'effervescence politique dont les Mario Dumont de ce monde surent tirer excellent profit en tirant à boulets rouges sur les effets néfastes de l'immigration. La surenchère médiatique, finement décortiquée par Bouchard-Taylor, finit par l'emporter. Les perceptions prirent le pas sur le réel.
Dans un joyeux chaos, la nouvelle, l'anecdote et la loufoquerie se côtoyèrent comme si elles étaient d'égale importance. Après un crescendo de quelques années, Hérouxville n'était-elle pas la cerise sur le sundae? Une coquille vide, traitée pourtant comme une affaire d'État — l'étude de la chercheuse Maryse Potvin, effectuée pour la commission Bouchard-Taylor, a démontré que c'est Hérouxville qui remporte la palme de l'«événement» le plus couvert, avant l'affaire du kirpan qui a fait l'objet d'un jugement de la Cour suprême...
Or aujourd'hui, ledit conseiller municipal s'étouffe de rire, après avoir agité plus tôt ses baguettes devant les caméras du monde entier. Il poursuit là son cycle de loufoqueries. Les vrais dindons de la farce seront ceux qui auront traversé toutes les étapes de cette crise sociale sans en avoir retenu le moindre enseignement. Qu'a-t-on retenu de Bouchard-Taylor au juste?
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machouinard@ledevoir.com
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