Malgré les promesses de transparence du gouvernement Couillard, les contrats des deux plus gros partenariats publics-privés du Québec, ceux du CHUM et du CUSM, ont disparu du web pendant plus de deux ans.
Il a fallu plusieurs démarches de notre Bureau d’enquête au cours des dernières semaines pour que les ententes de partenariat de plusieurs centaines de pages redeviennent publiques, comme c’était le cas avant 2015. Jusqu’à hier, il était impossible pour le grand public, les médias ou même les élus de les consulter directement.
Curieusement, d’autres ententes de partenariat public-privé (PPP), comme celui de l’autoroute 30 ou du pont de l’A-25, étaient facilement accessibles sur internet.
Au total, les contrats du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) totalisent plus de 4 milliards $ de fonds publics.
Les ententes de partenariat décrivent les engagements et obligations des établissements de santé et des partenaires privés. Qui paye quoi ? Qui doit assumer quelle responsabilité ? Etc.
Au milieu des années 2000, lorsque le gouvernement Charest tentait de convaincre les Québécois que les PPP étaient une bonne idée, la ministre Monique Jérôme-Forget avait promis que ces accords seraient publics.
Les accords du CHUM et du CUSM ont été retirés du web sous le gouvernement Couillard, qui avait promis, au lendemain de son élection, d’être « le gouvernement le plus transparent que les Québécois auront connu ».
Une clause des ententes de partenariat public-privé permet au CHUM (ci-dessus), au CUSM (ci-dessous) et à Infrastructure Québec de divulguer l’accord sur le web, ce qui n’a pas empêché qu’on les retire depuis plus de deux ans.
« Je ne comprends pas »
Jointe par notre Bureau d’enquête, l’ex-ministre Forget a fait part de son incompréhension, sans commenter directement le retrait des accords du web.
« Je ne comprends pas, je ne sais pas pourquoi. J’ai toujours eu la réputation de donner l’heure juste, mais dans ce cas-ci, je ne sais pas », dit celle qui se dit toujours une ardente défenseure des PPP.
Pour ce qui est de l’importance de la transparence du processus, elle nous a indiqué de nous référer à ce qu’elle avait dit durant ses années comme présidente du Conseil du Trésor.
Le président de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN, Jeff Begley, est beaucoup plus critique.
« George Orwell [un écrivain et journaliste britannique] serait fier du gouvernement Couillard. Je n’ai jamais vu autant d’opacité », dit-il.
Pas de responsable
Ce dernier déplore le fait que le gouvernement n’a pas respecté l’engagement qu’il avait pris sur la transparence. Il n’a donc pas été étonné d’apprendre que les ententes sur les PPP du CHUM et du CUSM avaient été retirées du web.
Jusqu’en 2015, ces accords étaient hébergés sur le site internet de la Société québécoise des infrastructures (SQI). Le porte-parole Martin Roy n’a pu dire qui a pris la décision de les retirer du site. Il a expliqué qu’il y a eu une fusion entre la Société immobilière du Québec et Infrastructure Québec et que les ententes ont été enlevées lors de la refonte du site web.
Il a été impossible de savoir qui a pris cette décision, mais il semble que personne n’ait été averti.
De retour sur le web
« Il y a eu une fusion d’organisations. On n’est pas signataire, on n’est pas propriétaire. On ne gère pas cette entente-là », s’est-il défendu.
C’est uniquement lorsque notre Bureau d’enquête a indiqué qu’il ferait un article sur la disparition des ententes que les choses se sont mises à bouger. L’organisme qui chapeaute les projets d’hôpitaux, Modernisation des CHU de Montréal, a repassé de fond en comble les ententes depuis deux semaines.
Elles ont été mises en ligne hier, dans le cas du CUSM, et elles doivent l’être sous peu en ce qui concerne le CHUM.
► Depuis hier, il est possible de consulter l’entente du CUSM à l’adresse suivante : cusm.ca/2015/page/projet-pour-conception-constructionle-financement-et-lentedtien-du-nouveau-campus-du-cusm-enten
CE QUE PROMETTAIT LA MINISTRE
« Mon objectif est que les projets réalisés en partenariat public-privé [PPP] soient transparents. Ces projets seront au-dessus de tout soupçon de conflit d’intérêts ou de quelque forme de malversation que ce soit. »
« Si une entreprise dispose d’une technologie exclusive ou d’un procédé breveté, nous n’allons pas en éventer la recette. Tout le reste sera mis sur la place publique lorsque l’État publiera le contrat. »
– Extraits d’un discours de Monique Jérôme-Forget remis aux journalistes en mars 2005
« Le processus des PPP permet une rigueur, une transparence et une analyse de tous les processus. »
– Monique Jérôme-Forget à l’Assemblée nationale en 2006