Le Québec se dirige-t-il inévitablement vers l’indépendance? Le premier ministre du Québec, entre autres, a été surpris de l’apprendre.
Les réactions ont fusé de toutes parts, aujourd'hui, à la suite des propos de l’ancien chef libéral fédéral Michael Ignatieff, qui a suggéré, lors d’une entrevue à la BBC, que le Québec et le Canada étaient pratiquement déjà deux pays souverains. Invité à donner son avis sur la question lors d’un point de presse impromptu à Pointe-Claire, ce matin, Jean Charest s’est contenté de mentionner que «les Québécois veulent que le Canada fonctionne».
M. Charest s’est par ailleurs dit en accord avec certaines affirmations de M. Ignatieff à l’effet que le Canada est une fédération décentralisée, faisant valoir que d’«importants progrès» avaient été réalisés à ce chapitre sous sa gouverne, et ce, sans qu’il ne soit nécessaire de rouvrir la Constitution canadienne.
Au cours de l’entretien qui portait sur le projet de référendum sur l’indépendance de l’Écosse, M. Ignatieff s’est dit attristé de constater à quel point le Canada et le Québec n’ont plus rien à se dire.
Plongés dans une indifférence mutuelle, le Canada et le Québec sont déjà «presque» des pays séparés, a-t-il dit. Lorsque l’animateur lui a demandé s’il évoquait l’indépendance à la fois pour l’Écosse et le Québec, M. Ignatieff a répondu: «je pense qu’éventuellement, c’est vers là que ça se dirige».
Legault et Marois
À la sortie d’une réunion de son caucus, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a lui aussi questionné le jugement de M. Ignatieff. «Je ne commenterai pas les propos du professeur Ignatieff, qui n’a probablement pas mis les pieds au Québec depuis longtemps», a ironisé M. Legault.
«Un professeur qui dit qu’il sent que la souveraineté s’en vient, moi ce n’est pas ce que je sens et je n’ai pas vu de batailles dans les autobus à ce sujet dans les dernières semaines. Je pense que c’est déconnecté», a-t-il poursuivi.
Bien entendu, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a dit partager depuis longtemps les conclusions de M. Ignatieff pour lequel elle n’a eu que de bons mots.
«À mon point de vue, M. Ignatieff reste un intellectuel de haut niveau et ça me plaît de l’entendre donner son opinion», a-t-elle fait valoir, sourire aux lèvres.
La chef péquiste Pauline Marois croit au contraire que M. Ignatieff, qui aspirait encore à diriger le Canada il y a à peine an, s’est exprimé avec la sagesse d’un grand intellectuel.
Les libéraux doutent...
Le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, a eu une réaction beaucoup plus virulente, accueillant l’analyse de l’ex-politicien fédéral avec un grand éclat de rire.
«Ça m’a fait rire quand j’ai vu ça. Ce n’est pas la première fois qu’il est un peu déconnecté de la réalité. [...] Je pense qu’il est un peu mélangé dans l’évolution historique de l’opinion des Québécois», a-t-il lancé au sujet de l’intellectuel de renom, professeur à l’Université de Toronto depuis son retrait de la politique.
Sans aller jusqu’à rire des commentaires de M. Ignatieff, le ministre de la Justice et leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a reproché à l’ex-aspirant premier ministre canadien de faire «une erreur de perspective», peut-être attribuable à l’amertume.
«Si M. Ignatieff avait obtenu les sièges que le NPD a eus au Québec, je ne suis pas sûr qu’il aurait fait le même constat. En fait, vous et moi savons qu’il n’aurait pas fait le même constat», a-t-il avancé.
Le ministre de l’Environnement, Pierre Arcand, a pour sa part qualifié d’«égarement» les déclarations de M. Ignatieff.
Stéphane Dion
L’ancien chef libéral fédéral Stéphane Dion a pour sa part déclaré sur les ondes de RDI que son prédécesseur a simplement exprimé certaines frustrations que tous ressentent de temps en temps. Mais selon M. Dion, il vaut toutefois mieux rester uni puisque le Canada est une inspiration pour le monde entier.
Quant à Michael Ignatieff, il s’est tourné vers les réseaux sociaux pour tenter de calmer le jeu.
«Les manchettes aujourd’hui, oh la la!», a-t-il écrit sur sa page Facebook. L’entrevue, a-t-il signalé, «dure plus de 10 minutes et ne peut être réduite à de courts extraits sonores».
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