L’hommage rendu à Champlain

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Pour renouveler le nationalisme, il faut réhabiliter la mémoire de la Nouvelle-France


Il y a quelques années, les conservateurs, qui étaient alors au pouvoir à Ottawa, avaient pensé nommer Maurice Richard le nouveau pont entre Montréal et la Rive-Sud. Ils pensaient congédier sans que personne ne s’en rende compte Samuel de Champlain.


Cela relevait davantage de la bêtise que de la mauvaise foi. Le gouvernement Harper croyait s’approprier à peu de frais une figure légendaire de l’histoire québécoise récente. La réaction populaire fut vive. Les Québécois étaient naturellement attachés à Maurice Richard, un authentique héros populaire. Mais ils ne voulaient pas effacer la mémoire de celui qui fut le véritable fondateur de la Nouvelle-France.


Histoire


Ils sentaient bien qu’en laissant de côté la mémoire de Champlain, c’est une part essentielle de leur aventure collective qui allait disparaître peu à peu de l’espace public.


Les Québécois, un par un, n’ont évidemment pas une connaissance détaillée de la vie et de l’œuvre de Champlain. Mais au fond d’eux-mêmes, collectivement, une certaine sagesse populaire leur rappelait que cet homme fut d’une importance exceptionnelle dans notre histoire. Dès son origine, Champlain a marqué la Nouvelle-France de son empreinte très particulière — on pourrait dire aussi de sa vision du monde.


Il est bien vu, aujourd’hui, d’inviter les Occidentaux à s’excuser de leur présence en Amérique. On cherche à les culpabiliser, par exemple, en leur répétant de manière exaspérante qu’ils seraient ici sur un territoire non cédé.


La formule est bête, sotte et mensongère en général. Qui la reprend à son compte s’avilit et témoigne de sa soumission à l’idéologie dominante, en plus de céder à la haine de soi. Mais elle l’est encore plus lorsqu’on l’applique aux Français qui n’ont jamais pratiqué de politique exterminatrice avec les Amérindiens. Quand un jeune Québécois accuse ses ancêtres d’avoir martyrisé les Amérindiens, il révèle son inculture historique.


La France, en fait, respectait les populations amérindiennes, au point de faire alliance avec elles. Et le grand homme qui a incarné politiquement cette philosophie, c’est Champlain. Cela ne veut pas dire que Champlain était un ange, mais qu’à l’échelle de l’histoire, c’était un visionnaire et un humaniste.


Explorateurs


Plus je m’intéresse à la Nouvelle-France et plus je me dis qu’il nous faut urgemment renouer intimement avec ce moment fondateur, source de fierté. Les Québécois tendent à oublier que leur histoire a quatre siècles. Ils oublient les grands explorateurs qui ont su cartographier ce continent.


Ils oublient l’intensité mystique de ceux qui vinrent ici évangéliser un continent et porter une foi qui les animait puissamment.


Ils oublient les braves gens venus de France chercher ici un peu d’aventure, et surtout une autre vie, et qui firent naître dans la vallée du Saint-Laurent un pays.


Si le Canada ne nous avait pas volé notre hymne national (comme il nous a volé notre nom et plusieurs de nos symboles), on serait heureux de dire : « ton histoire est une épopée des plus brillants exploits ».


Commémorer Champlain, c’est célébrer la mémoire du père de cette grande aventure. Il méritait ce pont à son nom.