L’intouchable premier ministre Jean Charest

Dda788c6443776d9a7f90024aeee506c

En espérant malgré tout que l'auteur ait tort

Pourquoi la commission Charbonneau a-t-elle convoqué Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, mais pas Jean-Charest et Marc Bibeau ?

Pourquoi l’UPAC et le DPCP ont-ils porté des accusations criminelles contre Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, mais pas contre Jean Charest et Marc Bibeau ?

Pour moi, la réponse est simple. Jean Charest a été premier ministre du Québec et Marc Bibeau faisait partie de son premier cercle.

Ne cherchez pas d'explications ailleurs, il n’y en a pas d’autres.

Voici pourquoi :

Le premier ministre effectue ou contrôle toutes les nominations les plus importantes du gouvernement et de la fonction publique.

Il nomme tout d’abord les membres de son premier cercle dont les plus importants sont son chef de cabinet et le secrétaire général qui est le numéro un de la fonction publique.

Par la suite, il nomme les chefs de cabinet de ses ministres et les sous-ministres de leurs ministères.

À titre de chef de l’exécutif, le premier ministre contrôle également les nominations du directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), du directeur général de la SQ et du directeur de l’UPAQ.

Par ailleurs, nous avons appris lors de la commission Bastarache que c’est lui qui avait le dernier mot lors de la nomination des juges de la Cour du Québec.

Enfin, c’est à sa demande que le juge en chef de la Cour supérieure du Québec a nommé la juge Charbonneau à la tête de la Commission sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.

En un mot, si vous êtes avocat ou fonctionnaire dans la fonction publique et que vous voulez de l’avancement et devenir haut fonctionnaire, sous-ministre ou juge, vous ne devez pas déplaire au titulaire du poste de premier ministre et aux membres de son premier cercle.

Si vous manquez une seule fois à cette règle, le premier ministre, son premier cercle et leurs successeurs ne vous feront jamais plus confiance et vous n’aurez plus jamais d’avancement, non seulement dans la fonction publique, mais également dans tous les secteurs névralgiques de la société et de l’économie québécoise.

Voilà pourquoi Jean Charest, ni aucun de ses prédécesseurs ou successeurs ne feront l’objet de poursuites criminelles pour des gestes qu’ils ont posés alors qu’ils étaient en fonction.

***

Sur le même sujet :

La meilleure preuve

Mais pourquoi donc la juge Charbonneau qui avait l’autorité de le faire n’a-t-elle pas contraint Jean Charest et Marc Bibeau à venir témoigner devant la commission ?

Le choix politique de la commission Charbonneau

En refusant de siéger pendant la campagne électorale, la commission Charbonneau fait le choix de ne pas informer le public afin de ne pas influencer les résultats des élections. (…)

Elle fait le choix de ne pas attaquer l’ordre politique qui l’a nommé et soutenu, au moment même où il est le plus vulnérable, à l’occasion des élections générales.

Silence, on enquête !

Trahir est une faute plus grave que se parjurer. Voilà probablement une règle fondamentale dans la conduite des plus hauts fonctionnaires de l’État.

Et c’est justement à cet écueil que se sont butées les commissions qui ont eu à enquêter sur l’octroi de contrats publics, la nomination de juges, les commandites, l’affaire Airbus et l’affaire Bellemarre.

Autopsie d’une pantalonnade

Un haut fonctionnaire ne peut pas trahir un premier ministre toujours en fonction sans risquer de compromettre sa carrière, minant également la confiance que pourrait éventuellement lui témoigner tout successeur désigné, même ceux d’une autre allégeance politique. À ce haut niveau, le meilleur gage de loyauté envers le chef de l’exécutif n’est pas l’allégeance, mais la confidentialité absolue témoignée par le passé au chef de l’exécutif. Qui a trahi trahira !

Le risque de la vérité

Comme dans la mafia, le vrai crime n’est pas celui qui est commis, mais bien la dénonciation publique qui en est faite, le manquement à la règle de l’omerta.

Au service secret de Sa majesté

Dans cette perspective, il faut comprendre que la loyauté des membres du premier cercle envers le premier ministre est perçue au sein du gouvernement de Sa Majesté comme une vertu d’une très grande valeur morale, alors que leur silence est la réponse à une règle éthique qui s’impose moralement à eux, même dans un contexte de prétendus gestes de prévarication.

La commission Charest

Lorsque j’ai vu Jean Charest entrer dans la salle d’audience de la commission sur la nomination des juges, hier, prenant le temps de serrer la main de tous les procureurs présents, j’ai réalisé qu’il s’agissait de sa commission, celle qu’il a non seulement lui-même formé, mais dont il a nommé directement ou indirectement les principaux acteurs.

Secret d’État et secret de famille

Alors, dites-moi, qui a intérêt à se parjurer, celui qui veut sauver son âme ou celui qui protège son immunité ?

À l’encontre d’une dangereuse unanimité : l’exemple du Watergate

Toutefois, cette conception du pouvoir nous en dit long sur l’idée que ces éminences grises entretiennent au sujet de l’administration des affaires de la nation. Ce serait une affaire privée entre initiés à laquelle le commun des mortels n’aurait pas accès, loyauté oblige. Curieuse vision de l’État!

Paresseux et profiteurs

Quand un premier ministre refuse de dire toute la vérité au sujet de ses bailleurs de fonds personnels, c’est qu’il a quelque chose à cacher. Ne désespérons pas, il se trouvera bien quelqu’un pour le trahir, ce n’est qu’une question de temps !


Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 890 081

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 avril 2016

    Pour compléter l'excellente analyse de Louis Lapointe et le commentaire de Jean Claude Pomerleau, voir mes articles.
    L’argent, Jean Charest et les nominations politiques, Tribune libre de Vigile, 27 avril 2009
    un exemple d’incompétence : France Boucher de l’Office de la Langue française
    6,400 nominations libérales de Jean Charest aidé par Chantal Landry
    Vous vous rendez compte. 6,400 nominations libérales en huit ans. Tribune libre de Vigile 20 septembre 2010
    Jean Charest peut-il décemment parler d’intégrité Tribune libre de Vigile 25 septembre 2010
    Le libéral Alain Lauzier conseille la juge France Charbonneau Tribune libre de Vigile 5 février 2014
    Pour confirmer l'analyse de Louis Lapointe, me viennent à l'esprit, spontanément les exemples suivants.
    France Boucher ne défendait pas la langue française à l'Office de la langue française. A propos des chercheurs qui sonnaient l'alarme sur le recul du français à Montréal, elle avait parlé de faire le ménage dans la soûl à cochons. France Boucher était une nomination libérale.
    Julie Miville-Deschênes du Conseil du statut de la femme s'est opposé à la Charte des valeurs.
    Elle avait été nommée par Christine St-Pierre, ministre libérale.
    Le Président de la commission des droits de la personne Jacques Frémont s'est opposé à la Charte des valeurs. C'était une nomination libérale.
    La Commission Bastarache nous a révélé la méthode de nominations par post-it de Chantal Landry qui soumettait les dossiers au bureau de Jean Charest avec la mention «bon libéral».
    Citons un extrait de mon article: «Jean Charest peut-il décemment parler d'intégrité?» (Tribune libre de Vigile, 25 septembre 2010) Il s'agit du passage de Jean Charest devant la commission Bastarache.
    «Parlant du rôle central joué par Chantal Landry du bureau du Premier ministre dans les 1300 nominations de la première année de pouvoir puis dans les 800 nominations par décret bon an mal an du Conseil des ministres, l'avocat de Marc Bellemare, le fils de Guy Bertrand a demandé au premier ministre du Québec s’il trouvait normal que Chantal Landry ait eu besoin, pour faire son travail, de l’aide de Charles Rondeau, un collecteur de fonds du Parti libéral provincial depuis 1983 qui lui a rendu visite 19 fois en 2003 dont une fois pendant six heures.
    Nous avons peut-être trop d’imagination mais on imagine Charlie Rondeau arriver dans le bureau du premier ministre avec sa liste de donateurs au Parti libéral et on l’imagine en train de conseiller Chantal Landry pendant six heures. Car la principale compétence de monsieur Rondeau est de connaître les bons libéraux qui financent le Parti libéral légalement ou illégalement (se rappeler la plainte déposée par Amir Khadir à la Sûreté du Québec contre quatre bureaux d’ingénieurs sur le financement par prête-noms, l’un des quatre bureaux ayant reconnu cette pratique et s’étant déclaré coupable). Que pense le premier ministre du Québec de cette opération «nominations» qui se fait sur des bases totalement partisanes et qui s’appelle depuis Taschereau et Duplessis, du patronage ?
    Me Bertrand lui a posé la question trois fois. A sa première réponse, Jean Charest a dit que oui il trouvait ça normal. Il a ensuite répété la même chose. La troisième fois, il a posé une question à Me Bertrand. Après avoir souligné que Chantal Landry faisait très bien son travail de Directrice des ressources humaines, qu’elle était très compétente pour choisir les 1300 personnes qui allaient recevoir une nomination ; après avoir exprimé son amitié pour Charles Rondeau qu’il appelle le jour de son anniversaire et qu’il félicite régulièrement en public à cause de ses énormes talents comme collecteur de fonds pour le Parti libéral provincial, il a posé la question qui tue. "Mettez-vous en doute leur intégrité ?"
    Il y a des mots qui, dans la bouche de Jean Charest, prennent un sens inédit, un sens nouveau.»
    Robert Barberis-Gervais, 26 avril 2016

  • Archives de Vigile Répondre

    25 avril 2016

    Ça vous donne pas mal au coeur?? On est dont ben épais de se laisser flouer comme ça.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    25 avril 2016

    Les deux commissions (Bastarache et Charbonneau ) ont été formatées par l'homme de confiance de Jean Charest : Alain Lauzier.
    En fait, on avait affaire à la Commission Charest-Charbonneau.
    En réaction, des citoyens ont créé leur propre commission d'enquête :
    La Commission d'enquête sur le régime libéral
    http://dossierplq.com/