L’unité perdue

Élection Québec 2012 - analyses et sondages



L’impossibilité de conclure une alliance électorale avec Québec solidaire, dont Jean-François Lisée s’était fait l’ardent promoteur, pourrait venir hanter le PQ. Au train où vont les choses, il risque de subir tous les inconvénients qu’aurait comportés une telle alliance, sans profiter de ses avantages.
« Nous, au PQ, la mesure de notre succès, c’est de battre les libéraux. Malheureusement, la mesure de Québec solidaire, c’est de battre des péquistes », a déploré M.Lisée. En réalité, QS aura peut-être le meilleur des deux mondes : les libéraux seront battus et le PQ devra peut-être quémander son appui.
Bien entendu, Mme Marois n’allait pas commencer à faire des conjectures sur la formation d’une éventuelle coalition, peu importe avec qui. Depuis le premier jour de la campagne, la perspective de plus en plus vraisemblable d’un gouvernement minoritaire donne des cauchemars aux péquistes, mais on avisera mardi prochain.
La chef péquiste a commis un énorme euphémisme en disant que « ça va être beaucoup plus simple » de diriger un gouvernement majoritaire. En réalité, un PQ minoritaire serait littéralement menotté.
Ni la CAQ ni le PLQ n’auraient la moindre sympathie pour la « gouvernance souverainiste », avec ou sans référendum à la clé. Il faudrait oublier la nouvelle loi 101, la citoyenneté québécoise, le référendum d’initiative populaire, etc. Qui plus est, la situation économique s’annonce plus difficile que prévu, ce qui condamne le prochain gouvernement à une austérité financière génératrice de grogne.
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En 2008, Jean Charest n’avait réussi à retrouver une majorité à l’Assemblée nationale qu’en raison de l’incurie de l’ADQ, qui n’avait même pas été en mesure d’offrir une opposition digne de ce nom. Lui confier les rênes du gouvernement était tout simplement impensable.
L’équipe réunie par François Legault est nettement plus forte que celle de Mario Dumont. Avec 18 ou 24 mois d’expérience parlementaire, elle sera en mesure de présenter une option très acceptable.
Le PQ est tout aussi vulnérable sur sa gauche. Les coups d’éclat d’Amir Khadir ont assuré une grande visibilité à QS, mais plusieurs voient toujours en lui un dangereux révolutionnaire. L’élection probable de Françoise David dans Gouin donnera à QS un visage beaucoup plus souriant.
Paradoxalement, ce sont les libéraux qui pourraient avoir le plus grand intérêt à soutenir un gouvernement péquiste minoritaire. M. Legault se voit déjà premier ministre et il cherchera à le faire tomber à la première occasion. Le PLQ devra d’abord se donner un nouveau chef, et son image risque d’être sérieusement altérée par la commission Charbonneau. Il n’y aura donc aucune presse.
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L’appel à l’unité des souverainistes lancé par Mme Marois risque malheureusement de tomber à plat. Ils sont trop nombreux à en être arrivés à la conclusion qu’elle n’aura pas l’audace de tenir un référendum. Si besoin était, sa banalisation du référendum d’initiative populaire a eu l’effet d’une douche froide.
Même s’il ne vaut en principe que pour l’élection dans Nicolet-Bécancour, l’appui que Jacques Parizeau a donné à Jean-Martin Aussant dit tout. S’il souhaite que le chef d’Option nationale demeure à l’Assemblée nationale, c’est pour qu’il soit la mauvaise conscience de ceux qui se contenteraient volontiers de former un « bon gouvernement ».
En dirigeant spontanément - et combien maladroitement - les souverainistes conservateurs vers le PLQ ou la CAQ, c’est comme si Mme Marois avait elle-même reconnu que l’opposition gauche-droite est devenue - au moins temporairement - la dominante du débat politique québécois.
Au début de la campagne, elle avait déclaré que le principal enjeu de l’élection était de se débarrasser du gouvernement Charest. Maintenant que son sort ne fait plus de doute, pourquoi ne pas voter selon son coeur ?
La chef péquiste a elle-même choisi son camp. Quand elle a succédé à André Boisclair en 2007, elle promettait de « rénover la social-démocratie », comme l’y poussait d’ailleurs François Legault. Aujourd’hui, elle est revenue à l’État-providence dans sa forme la plus classique. Elle veut même faire payer les riches.
Le PQ se voulait une coalition où cohabiteraient les souverainistes, qu’ils soient progressistes ou conservateurs. À partir du moment où le référendum a été reporté sine die, il était inévitable qu’ils s’engagent dans d’autres combats qui ne pouvaient que les éloigner, tout comme ils se seraient éloignés au lendemain d’une victoire du oui.
D’une manière ou d’une autre, les souverainistes devront trouver un moyen de composer avec cette nouvelle réalité.


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