La mémoire vive de Lawrence Lepage : poète et chanteur du Québec !

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Il est parti comme il a vécu, sur la pointe des pieds, et du bout des doigts sur sa guitare

Lawrence Lepage, est décédé dans la nuit de Noël.
J’avais eu le grand plaisir et le privilège d’entendre ses chansons, entre autres à l’Iroquois (dans le Vieux Montréal) … et elles n’ont pas quitté ma mémoire, même s’il était retourné depuis belle lurette, dans ses terres du Bas du Fleuve :
-« Tu sais mon vieux François,
-La ville n’est pas pour moé
-Retournons dans notre île,
-Emmène moi avec toé
-Icitte ya trop de machines
-Ça sent le refermé
-Et pis, bonté divine, on voué pas nos journées »
-(extrait de “Mon Vieux François”)
Appartenant à la culture lettrée des chansonniers, la création artistique de Lawrence Lepage exprime cependant la solidarité avec le monde ordinaire, ainsi que la fidélité à une culture populaire, aux vivantes racines paysannes, mais qui est aussi une culture ouvrière urbaine, comme en témoignent entre autres les chansons de Madame Bolduc.
Sa voix, amie des défricheurs du pays, des pêcheurs, des ouvriers exilés des régions, amie des Autochtones, continue de nous inspirer :
-« Monsieur Marcoux Labonté a quitté sa Gaspésie
-Parce qu'il en avait assez de manger d' la vache enragée
-De travailler le ventre à terre presqu'à la longueur d'année
-Pour vivre dans la misère, cette misère de pauvreté
(…)
-Monsieur Marcoux Labonté a quitté sa terre de roche
-Les yeux grands comme des trente-sous,
-Avec cinq cents piastres en poche
-C'est comme ça qu'un bon matin il s'est établi en ville
-À Montréal, rue St-Denis, avec toute sa sainte famille »
-(extrait de “Monsieur Marcoux”)
À l’orée des pistes des Mi'gmaqs de la Gaspésie, Lawrence Lepage a bien entendu depuis longtemps leurs pas se déployant dans une autre énergie que celle de la trappe :

-« J'entends des cris, j'entends des pas, j'entends des rythmes au fond des bois
-J'entends la danse des indiens et leurs tamtams résonnent au loin
-J'entends leurs souffles dans la plaine, j'entends leurs cœurs battre de peine
-Comme on dirait une complainte qui vient du sud, qui vient du nord »
-(extrait de “Sol indien”)
Pris, comme les Amérindiens, dans un nœud de patience et d’impatience, il en appelle, de tous les lieux, à la libération du Québec :
-« Je suis debout sur la terrasse à regarder passer le temps
-Et j'ai mon pays en pleine face, je parle seul, j'ai l'mors aux dents
(…)
-L'automne est arrivé mon frère,
-Il a tout englouti l'pays
-La terre est gelée comme du fer,
-Les feuilles ont tombées comme d'la pluie
(…)

-J'ai rencontré un vieux renard
-Qui habitait un grand château
-Dans une prairie derrière le nord,
-Seul dans l'hiver comme un bouleau.
-Puis il m'a dit "Prends mes deux chiens,
-Mes pièges, mon sac, tous mes fusils
-Car moi je vais mourir demain
-Et je voudrais te dire ceci "
-Quand tu iras au bout de toi,
-Tu retrouveras ton pays
-Tu cesseras d'être à genoux
-Et tu verras venir les loups
-Ce matin c'est la première neige,
-Un renard suit une perdrix
-Le lièvre a laissé des pistes fraîches
-Pour les loups qui sortent la nuit »
***
Sa voix, poésie et engagement, est à découvrir ou redécouvrir :
Turlutte de mon pays

Sol indien

Mon vieux François

Monsieur Marcoux

Qu'il est loin le temps
J'ai dans la tête

Dans l'Anse

Chanson de Doris

Chansons du disque « Le temps » (2012)
http://lapruchelibre.bandcamp.com/album/le-temps-lawrence-lepage
http://www.musicme.com/#/Lawrence-Lepage/albums/Le-Temps-0619061417124.html
Jos Nazaire (conte)
http://www.youtube.com/watch?v=8KF4vKbYE6w
Mon vieux François (Par Les Karrik)
http://www.youtube.com/watch?v=iO2VEfbtWFU
Mon vieux François (Par La Chifonnie)
http://www.youtube.com/watch?v=7PdD-kxp9vw
Sol indien (par Hélène Maurice)
http://www.youtube.com/watch?v=o0rLDLkJYNA
Voir aussi :
http://lawrencelepage.wordpress.com
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lawrence_Lepage
http://lafreniere.over-blog.net/article-10011772.html
Salut Lawrence !
Yves Claudé (un de la gang du Carré St-Louis…)


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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2016

    je me souviens queLaurence Lepage étais venu chanter sa chanson Monsieur Marcoux Labonté à Longueuil au festival d'été de Longueuil en 1979. je l'avais adoré instantanément,. ,Merci pour vos bons commentaires sur un vrai chansonier de la même trempe qu,un Gilles Vigneault ou Félix Leclerc.Merci.

  • Pierrot Rochette Répondre

    7 janvier 2013

    Cher Lawrence
    ici Pierrot
    nous vivions dans des maisons voisines sur la butte à Mathieu, ton frère Cyrille dans une autre, philippe Gagnon le violonneux dans une roulette et les karicks dans une autre petite maison.
    Moi, j'héritais de la maison dans laquelle Raymond levesque avait écrit quelques bouts de revue.
    Durant 2 ans, la butte à Mathieu devint la butte aux pierrots, que nous animions moi et Pierre David, l,autre pierrot du vieux Montréal, décédé lui aussi dernièrement.
    Toi qui poussait l'audace de ta légende à allumer tes cigares avec des $20.00 provenant de tes maigres droits d'auteurs...
    Oui tu étais poésie sur deux pattes
    je t'offre donc une de mes chansons
    pour honoter ton éternité en nos coeurs
    www.demers.qc.ca
    chansons de Pierrot
    paroles et musique
    le camionneur
    LA CHANSON DU CAMIONNEUR
    j’suis su l’camion 60 heures par semaine
    j’t’aime
    des fois j’triche un peu
    j’fais des heures pour nous deux
    on dormira plus tard
    quand on s’ra des beaux vieux
    moi je vis juste pour toé
    j’ai hâte à fin de semaine
    j’t’aime
    de cogner du marteau
    quand tu fais du gâteau
    t’es si belle au fourneau
    mais j’veux mieux pour ma reine
    REFRAIN
    suffit qu’tu m’dises
    que tu veux changer la cuisine
    enlever l’comptoir à melamine
    pour que la route
    entre La Tuque et Trois-Rivières
    soit la plus belle de l’univers
    COUPLET 2
    j’dors dans l’camion
    4 nuits par semaine
    j’t’aime
    3 heures du matin
    réveille par la fiam
    mon p’tit lit dans cabine
    est ben trop grand pour rien
    j’ai des idées
    pour la salle à manger
    j’t’aime
    j’ai ben hâte d’en jaser
    autour d’un bon café
    j’ai acheté les néons
    ceux qu’tu m’avais d’mandés
    COUPLET 3
    j’suis sul’camion
    quand la neige a d’la peine
    j’t’aime
    quand le vent trop jaloux
    la garoche entre mes roues
    j’ai autour du c.b.
    un vieux chapelet jauni
    tu m’l’as donné
    en pleurant comme une folle
    j’t’aime
    parce que t’es ben croyante
    pis t’as peur quand y vente
    à soir ton camionneur
    rentrera plus d’bonne heure
    REFRAIN FINAL
    suffit qu’tu m’dses
    qu’cest ben plus beau dans ta cuisine
    parce que mes bras en melamine
    te lèvent dans airs
    entre La Tuque et Trois Rivières
    toi la plus belle de l’univers
    suffit qu’tu m’dises
    qu’c’est ben plus beau dans ta cuisine
    parce que mes bras en mélamine
    te lèvent dans airs
    loin de la Tuque et Trois Rivières
    toi la reine de mes je t’aime
    toi la reine de mes je t’aime
    Pierrot
    vagabond celeste
    bon voyage Laurence
    salut Felix Leclerc pour nous
    Pierrot est l'auteur de l'Île de l'éternité de l'instant présent et des Chansons de Pierrot. Il fut cofondateur de la boîte à chanson Aux deux Pierrots. Il fut aussi l'un des tous premiers chansonniers du Saint-Vincent, dans le Vieux-Montréal. Pierre Rochette, poète, chansonnier et compositeur, est présentement sur la route, quelque part avec sa guitare, entre ici et ailleurs...

  • Geneviève Châtigny Répondre

    1 janvier 2013

    Pour m'aider à supporter le quotidien, j'ai beaucoup écouté chanter Lawrence Lepage à l'Hôtel Iroquois dans les années 1970.
    Mon vieux François, Le garçon du grand Paulin, Ti-Jean le Marin, Monsieur Marcoux Labonté, Ti-Paul Bossé et Jean Roméo.
    Je me souviens aussi, en plus des autres mentionnées,
    de :
    Rodéo Cadieux, « J'ai-tu l'air d'un héros, moé ? Han ? Ben, j'en suis un ! » Et enchaîne avec la chanson qui porte son nom. « P'tit train va loin, p'tit train va pas loin / Pis quand un gars est ben ben tanné / y se réveille / un beau matin d'été / en plein soleil / habillé tout en cow-boy / de la tête aux pieds / sur l'asphalte / avec un goût de .303 dans les mains / les doigts y démangent / un gars se tanne. »
    Salut Lawrence Lepage,
    JM

  • Archives de Vigile Répondre

    30 décembre 2012

    Merci à tous pour nous partager vos souvenirs de ce poète et chanteur. Moi, ça fait deux étés de suite que je me rends en Gaspésie et que ma blonde fait jouer à l'aller comme au retour la chanson Mon vieux François dans la voiture et on se tanne pas. Merci M. Lepage et mes sincères sympathies à tous ses proches et à sa famille.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2012

    Une très bonne pensée pour lui.

    Il y a quelques jours, cette chanson m'a traversé la tête, je l'ai chantée. "Mon Vieux François" une belle chanson nostalgique, et je me demandais ce qu'il devenait ce poète.
    Je suis frappée d'entendre parler de lui, comme ça, d'un coup, ce soir. Depuis toutes ces années de silence.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2012

    Moi aussi j'ai bien connu Lawrence. C'était dans les années 1970 où il chantait à l'hôtel Iroquois où j'habitais alors que mon ami et associé Robert Lemieux habitait en face à l'hôtel Nelson, où il tenait ses conférences de presse pendant la crise d'octobre.
    Qui était l'administrateur de l'hôtel Iroquois qui appartenait à un M. Ruelland de Québec? Jamais vous ne le trouverez. Je vais vous donner le nom plus tard.
    L'hôtel Iroquois était alors le rendez-vous des étudiants et de la bohème branchée de Montréal après avoir été un hôtel de passe pour les marins étrangers qui débarquaient dans le port de Montréal. Plume Latraversse était là aussi et il chantait dans la petite boite à chansons dans le sous-sol de l'hôtel. Elle s'appelait "Chez Dieu".
    On a vécu des moments fantastiques à cet endroit jusqu'au moment où les touristes ont débarqué et avec eux la petite pègre des frères Dubois de Saint-Henri. C'est là que cela c'est gâté. Nous on a été obligés de partir et de se réfugier sur la rue Saint-Denis qui commençait à se se développer et attirer les artistes, les créateurs et les étudiants avant que les touristes et la petite pègrette y débarquent à son tour pour pourrir la place.
    Lawrence habitait un appartement près du Carré Saint-Louis avec son amie Doris. Il m'invitait souvent chez lui tard le soir pour finir la soirée. Il pensait que j'étais riche et voulait toujours m'emprunter de l'argent en m'offrant même sa guitare en gage. Je lui prêtais un peu d'argent mais jamais je n'ai accepté de prendre sa guitare en gage.
    Plusieurs années plus tard, je l'ai revu alors qu'il demeurait au Bic. Il m'a même traîné à la banque pour que l'endosse sur un prêt. J'étais prêt à le faire, mais c'est le gérant qui m'a mis en garde et finalement je ne l'ai pas fait. Mais quel personnage. Je garde un très bon souvenir de ce petit bonhomme plein de poésie dans la tête, sans aucune malice, avec un sourire moqueur au coin des lèvres, sa moustache et son chapeau. Salut Lawrence.
    Ah j'oubliais. Quel était l'administrateur de l'hôtel Iroquois pendant que Lawrence y chantait? Je vous le donne en mille : Raymond Bachand, aidé de son ami Jean O'Keefe, qui était président d'Oxfam Québec, dont faisait partie Pierre-Marc Johnson et mon ami Claude Filion, ex-député de Vachon, ex-président de la Commission des droits de la personne et ex-juge de la Cour du Québec, aujourd'hui décédé.
    Y a plein d'artistes qui sont passés par la boite à chanson de l'hôtel Iroquois, dont Nicole Leblanc et Georges Langford, de mémoire.
    Que de beaux souvenirs.
    Pierre Cloutier

  • Serge Jean Répondre

    29 décembre 2012

    Un très bel hommage à ce grand poète. Très beau.
    Jean

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2012

    C'est au son des chansons de Lawrence Lepage que j'ai rencontré mon épouse, mère de mes enfants.
    C'était en 1971 au Saint-Vincent de la rue Saint-Vincent, où il a chanté bien plus souvent qu'à l'Iroquois.
    Il y a quelques semaines il a chanté au Lion d'Or où je n'ai pu me rendre à mon grand regret.
    Heureusement, ses chansons lui survivront et lui nous le garderons en mémoire, affectueusement.

  • @ Richard Le Hir Répondre

    29 décembre 2012

    M. Claudé,
    J'ai connu Lawrence Lepage au milieu des années 1960. Les hasards de la vie nous avaient réunis l'espace d'un été, à Saint-Jean-Port-Joli dans l'atelier-école du sculpteur Jean-Julien Bourgault, transformé pour la circonstance en boîte à chanson où le folkloriste Jacques labrecque présentait son spectacle.
    Labrecque et sa conjointe de l'époque étaient des amis de mes parents, et ils m'avaient offert de passer un mois avec eux pour prendre l'air à la campagne et m'initier à l'univers de la scène pour lequel ils estimaient que j'avais un certain talent.
    Lawrence Lepage était le guitariste, et j'y allais de mes petits conseils pour la mise en scène du spectacle. J'aurai l'occasion bientôt de revenir sur cette expérience ici sur Vigile.
    Comme Lepage et moi étions devenus copains, il ne manquait jamais de me donner un coup de fil lorsqu'il était de passage à Montréal, et il est rapidement devenu un habitué de la table familiale que mes parents ouvraient volontiers à tous les oiseaux tombés en bas de la branche que je leur ramenais. Lawrence Lepage était un de ceux-là.
    Je me souviens de cette fois où ma mère avait fait un cassoulet, un plat que Lawrence ne connaissait pas mais qui lui était apparu avoir des ressemblances frappantes avec les fèves au lard, et ma fois, il aimait ça. Au point d'en reprendre à quelques reprises. Sans doute affamé, et ne pouvant y résister, il avait demandé à ma mère en tendant pour la troisième fois son assiette si elle pouvait bien lui reservir de ses bonnes "binnes"...
    Parti étudié en Europe quelques années, je l'ai complètement perdu de vue, jusqu'à ce que j'entende récemment une de ses chansons. Et le voilà mort... Votre témoignage me fait le redécouvrir. Merci !
    Richard Le Hir